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Destinations

Hokkaido, la terre promise

02-05-2011

Mythe? Chimère? Peu enclins à la croyance et surtout accros de voyages à vélo, nous pensons bien avoir trouvé un tel lieu de séjour enchanteur, paradis qui exaucerait le cyclotouriste pratiquant et dévot. La terre promise: Hokkaido, l’île la plus septentrionale du Japon.

Ses côtes baignées par le Pacifique, la mer d’Okhotsk et celle du Japon, Hokkaido, hérissée de toutes parts de chaînons et de massifs volcaniques spectaculaires que séparent des plaines et des vallées, est la deuxième plus grande île de l’archipel nippon. Pa­ra­do­xa­le­ment, c’est de loin la moins densément peuplée des 4 îles prin­cipales du pays avec seulement 5% des 125 millions de Japonais qui y ont élu domicile. Elle est donc la moins transformée par le labeur inlassable de ce peuple hyperindustrieux. Bien qu’on y trouve de grands complexes industriels et que Sapporo, sa plus grande ville, affiche le taux de croissance le plus élevé de la nation, près des trois quarts du territoire demeurent toujours boisés. Pas étonnant qu’on y dénombre six parcs nationaux et cinq parcs naturels quasi nationaux parmi les plus étendus au Japon! Ce caractère sauvage et son isolement lui ont valu là-bas le surnom d’«ultime frontière». Un titre qu’Hokkaido méritait encore pleinement il n’y a pas si longtemps, comme en fait foi ce récit d’un expatrié britannique que nous avons rencontré au printemps 2007: «Dans les années 1960, pour voyager autour de l’île, j’ai dû faire du pouce-bateau, demander à des pêcheurs de me conduire au prochain village sur la côte, puis, rendu là, à un autre de faire la même chose et ainsi de suite. So on and so forth! C’était la seule façon de ceinturer Hokkaido!»

Heureusement pour les férus de vélo que les temps ont bien changé! On peut désormais pédaler sur tout le périmètre de l’île en empruntant une série de routes impeccables qui épousent un littoral tantôt tourmenté, tantôt apaisé… un circuit de plus de 2000 km! Sans parler des trésors routiers qui se cachent à l’intérieur, triplant l’étendue du réseau de la terre promise.

Considérée comme le dernier bastion des Aïnous, peuple indigène du Pacifique Nord dont le territoire traditionnel s’étirait de la partie septentrionale de l’île d’Honshu–, au Japon, jusqu’à l’extrémité méridionale de la péninsule du Kamtchatka, dans la Russie ­actuelle, Hokkaido a été colonisée par les Japonais il y a 150 ans seulement. On s’est d’abord affairé à établir des comptoirs commerciaux afin d’échanger avec les Aïnous – ce qui leur a presque asséné le coup de grâce avec les maladies et l’assimilation qui s’ensuivirent (on n’y en recense plus que 25 000) –, puis avec l’Occident. Ces contacts avec marchands et marins provenant surtout de la Grande-Bretagne, de la Russie et des États-Unis expliquent les allures familières qu’affiche aujourd’hui la campagne d’Hokkaido. L’architecture de ses bâtiments agricoles et l’organisation des cultures dans les champs, de l’élevage du bovin sur les plateaux de Kushiro jusqu’aux cultures de maïs de la plaine de Chitose en passant par les arpents plantés de tulipes et de lavande de Biei, évoquent plutôt les fermes laitières du Vermont, l’arrière-pays montérégien ou les coteaux de Provence.

C’est dire que l’implantation des infrastructures est récente sur Hokkaido. On n’y trouvera pas de temples ou de sanctuaires millénaires, aucun château de shogun dominé de ces donjons télescopiques avec leurs toits en pagode ni jardins antiques jonchés de bonsaïs, de mousses et de pierres vénérables. On aura droit plutôt à de grands espaces rehaussés de paysages époustouflants, des habitants relax et souriants ainsi que toutes les gâteries confectionnées par une industrie touristique novatrice!

Vous ne parlez pas le japonais? Sur ces routes ultramodernes munies d’accotements exemplaires, autant sur la côte qu’à l’intérieur de l’île, les panneaux routiers sont doublés en romaji (transcription du japonais en lettres romaines) et, initiative unique, chaque nom de lieu est accompagné de son visuel inspiré de l’attraction touristique principale qu’on y trouve.

Sur ces mêmes routes, des michi no eki, haltes routières futuristes, se relaient à intervalles réguliers pour réconforter, renseigner et charmer les voyageurs. On en dénombre une centaine sur Hokkaido seulement. Que ce soit dans un vaste stationnement ou autour du bâtiment central, on peut y camper gratuitement. Des salles de bain étincelantes avec toilettes «intelligentes» – siège chauffant, bidet et enregistrement sonore de chasse d’eau pour camoufler ses propres bruits physiologiques! – ainsi qu’un centre d’information routière électronique y sont accessibles 24 heures sur 24. À l’intérieur de ces véritables salons, on peut se procurer le cachet identifiant la station. Les collectionner toutes fait l’objet d’une quête, voire d’un pèlerinage sur Hokkaido! À l’extérieur, des machines distributrices offrent boissons chaudes ou froides, nouilles ramen instantanées et friandises. Ces haltes sont souvent équipées d’un réseau Internet sans fil gratuit, d’une aire de jeux pour enfants, de tables à pique-nique, d’un restaurant et d’un comptoir de vente mettant en valeur les produits du terroir. Il n’est pas rare d’y trouver un onsen, bain thermal japonais carburant à l’eau minérale naturellement chauffée, abondante sur l’archipel volcanique. Fréquentez-les quotidiennement, et vos mollets, fessiers, quadriceps, ischio-jambiers et autres propulseurs vous en seront éternellement reconnaissants…

Autre particularité de la terre promise qui contribue au bonheur des cyclotouristes: son réseau de raida hausu (rider houses). Celui-ci est un regroupement de maisons de tourisme à prix avantageux favorisant les échanges culturels entre tenanciers et invités. Économiques et rustiques à souhait, ils s’adressent surtout aux cyclistes et aux motocyclistes. S’ajoute à ce mode d’hébergement le camping, qui est toléré et sécuritaire pour une nuit ou deux dans n’importe quel parc municipal japonais tellement la notion de respect d’autrui y est développée. Discrétion et respect réciproque requis, bien sûr! Les auberges de jeunesse, les minshuku (gîtes du passant), les ryokan (auberges traditionnelles) et hôtels en tous genres complètent l’offre. Comme ils l’ont fait ailleurs au pays du Soleil levant, les membres de Japan Cycling ont créé une liste d’hôtes locaux afin d’héberger gratuitement les visiteurs à vélo sur Hokkaido.

S’initier à la cuisine du pays qu’on visite fait partie intégrante de la brochette de découvertes que procure le voyage. Pour ceux qui se propulsent à vélo, il s’agit en plus du carburant. Or, au Japon, les cyclotouristes sont choyés. On n’a jamais autant salivé en songeant à des sushis et sashimis! Les préparations disponibles en qualité et quantité fabuleuses dans les combini, l’équivalent de nos dépanneurs, permettent de faire le plein tout en s’éclatant les papilles et en ménageant ses yens. Les onigiri, triangles de riz souvent recouverts d’une feuille d’algue nori et fourrés de poisson, de légumes marinés ou de viande, bref, des sandwichs de riz, représentent la bouffe d’expédition ultime. Ils sont rassasiants et voyagent longtemps. Tellement, que les samouraïs en apportaient durant leurs campagnes guerrières! Juste à côté de la caisse enregistreuse de tout bon combini, on trouve un bac à oden fumant, pot-au-feu japonais dans lequel mijotent des calories à bon prix. Dans les mêmes commerces de coin de rue et de bord de route, on peut toujours se procurer des repas rapides et, pour se sucrer le bec et rouler des kilomètres supplémentaires, les succulents mochigashi, ces pâtisseries faites d’une épaisse pâte de riz au sucre de canne enrobant une dense purée de haricots azukis. Miam!

Et n’oublions pas les spécialités d’Hokkaido, plats copieux utilisant abondamment les poissons et fruits de mer qui font la réputation de l’île, mets inspirés surtout de ses hivers rigoureux! Mentionnons l’ishikari-nabe, un pot-au-feu à base de miso rouge regorgeant de saumon, de moules, de palourdes, de radis oriental, de poireau, de chou et de tofu. Il y a aussi le sanpei-jiru, une soupe-repas faite de saumon et légumes. Le ruibe, saumon frais semi-congelé et tranché en fines lamelles qu’on sert sur un lit de radis oriental râpé ou sur le sashimi des Aïnous. Et les fameuses nouilles ramen qu’on apprête chacun à sa manière au Japon, histoire de se distinguer et de mieux exploiter les ingrédients de son terroir. Dans la région de Sapporo, c’est le bata-kon, avec du maïs, des algues et beaucoup d’ail recouvrant les nouilles fraîches, le tout noyé dans du beurre provenant des vaches du coin. À Hakodate, le bol de ramen est coiffé d’un crabe des neiges entier! On trouve aussi dans cet important port de pêche du sud-ouest de l’île des pétoncles et des oursins qui attirent des amateurs du monde entier!

Suite au séisme qui a frappé le Japon le 11 mars dernier, l’île d’Hokkaido ne semble pas avoir subi de gros dégâts même si la secousse a été ressentie dans la ville de Sapporo, au sud de l’île. Tout projet de voyage au Japon devra cependant être mis en ­veilleuse en attendant d’avoir des informations plus précises.

REPÈRES
Quand y aller? 
Comme le climat ressemble drôlement au nôtre – Hokkaido s’étire entre les 41e et 46e parallèles de latitude nord –, ­à moins de vouloir y réaliser une randonnée hivernale, il est optimal d’y rouler de la ­mi-mai à la fin de septembre. Juillet et août sont les mois les plus confortables.

Comment y aller?
Air Le vol entre Montréal et Sapporo, avec escale à Tokyo, dure une quinzaine d’heures.
Mer On peut gagner Hokkaido par traversier depuis la Russie (Korsakov-Wakkanai, 5 heures) ou le reste du Japon, depuis l’île de Honshu- seulement.
Terre De Tokyo et de la plupart des grandes villes d’Honshu, on peut s’embarquer sur un train pour Hokkaido. Le Shinkansen, train à grande vitesse japonais, relie Tokyo et Sapporo en 16 heures. Il faut démonter ­partiellement son vélo et le mettre en sac ou en boîte (voir le site de Japan Cycling), comme à l’embarquement d’un vol.
Les parcours Comme il est fort probable que vous atteigniez la terre promise en ­atterrissant à l’aéroport international New Chitose, à une quarantaine de kilomètres au sud de Sapporo, nous vous proposons deux ­itinéraires qui débutent dès votre sortie de l’aéroport… puis s’y terminent! Bien qu’on puisse les parcourir en deux semaines, nous les avons conçus pour des séjours de trois ­semaines.
Document Les détenteurs d’un passeport canadien n’ont pas besoin d’un visa pour un séjour de moins de 90 jours.

Adresses utiles
Tourisme Japon www.tourisme-japon.fr
Japan Cycling www.japancycling.org
(anglais et japonais seulement)

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