L’acier est un terme générique qui désigne un alliage composé à grande majorité de fer, auquel on ajoute certains éléments spécifiques afin de lui donner les propriétés mécaniques voulues. L’évolution du matériau dans le contexte de la fabrication de vélos est étroitement liée à la migration d’une technique de soudage ancestrale vers une plus moderne.
Le brasage est la méthode traditionnelle qui consiste à joindre les tubes à des raccords par l’apport d’un métal dont le point de fusion est inférieur à celui des tubes, chauffé à l’aide d’une torche au gaz. Les températures impliquées sont basses, mais un temps de chauffe suffisamment long a son importance. Les tubes absorbent ainsi une grande quantité de chaleur, créant, près des joints, une longue zone affectée thermiquement (appelée ZAT), dans laquelle le tube est affaibli. La soudure à l’arc électrique a fait son apparition dans le monde du vélo vers la fin des années 1980. Le joint est créé par la fusion d’un tube sur l’autre grâce à la chaleur importante générée par un arc électrique. Ici, le temps de chauffe est très court, et la ZAT en est d’autant réduite.
Les alliages de manganèse ont été parmi les premiers à être utilisés, au début du XXe siècle, à une époque où tous les vélos étaient brasés. Le diamètre typique des tubes était de l’ordre de 28,6 mm et leur épaisseur entre 1 et 0,6 mm. C’était la belle époque des légendaires Columbus SL et Reynolds 531.
Puis ont été popularisés les alliages de chrome-molybdène (le fameux chromoly, ou cro-mo), autant pour le brasage que pour le soudage. La résistance mécanique de cet alliage peut aussi être augmentée par un traitement thermique des tubes avant la fabrication du cadre.
Les manufacturiers de tubes ont par la suite développé des micro-alliages de très forte résistance spécifiquement conçus pour le soudage à l’arc. Certains de ces alliages, comme le Reynolds 853, sont même thermodurcissables. Les tubes bénéficient de la chaleur de la soudure comme d’un traitement thermique, ce qui permet d’améliorer leur résistance dans la ZAT, une révolution en soi. Le diamètre typique des tubes atteint les 38 mm et leur épaisseur est réduite jusqu’à 0,35 mm.
Finalement, de pair avec la recrudescence des petits fabricants artisanaux, des tubes hyper performants en acier inoxydable ont été développés. Les alliages Columbus XRC et Reynolds 953 concurrencent haut la main le titane tout en offrant plus de latitude en matière de soudage.
La grande résistance de l’acier, tant sur le plan mécanique (solidité) que sur celui de la durabilité (fatigue), permet toutefois de construire des cadres avec des tubes relativement fins, en diamètre comme en épaisseur, comparativement à ceux faits en alu ou en titane. Le cadre peut donc être conçu avec une certaine flexibilité (l’intérêt d’avoir des tubes fins), ce qui confère au vélo un très haut degré de confort. La combinaison judicieuse de ces deux caractéristiques procure le comportement réactif et confortable qui distingue les vélos d’acier haut de gamme, soit une sensation d’être connecté au sol.
Tant pour sa vivacité en vélo de route, sa fiabilité en cyclotourisme ou sa résistance en montagne, l’acier occupe aujourd’hui une place limitée mais essentielle dans le marché et reste un matériau de premier choix.