« Les routes ne sont pas toutes bitumées », dit le slogan publicitaire d’un important manufacturier cycliste. Sur la photo qui accompagne la réclame, un groupe avance à pleins gaz sur des vélos qui ressemblent à s’y méprendre à des engins de route. Mais sur une route de terre.
Simple affaire de mode, que ce gravel bike qu’on voit apparaître partout ?
Alexis Pinard, coorganisateur de la Classique des Appalaches qui comprend plusieurs kilomètres de routes non asphaltées, croit qu’on assiste plutôt à un important tournant dans la pratique : « On a sorti le vélo de ses silos habituels », résume-t-il. Les genres se mélangent. Et la performance rejoint l’esprit d’aventure.
« En gros, c’est un vélo qui possède des freins à disque et dont la géométrie plus relax rend possible l’utilisation de pneus plus larges », résume Marc Foisy, vendeur chez Quilicot à Sainte-Thérèse. On est parfois très près du vélo de cyclotourisme, et quelquefois aussi dans la veine du cyclocross, si bien que plusieurs compagnies proposent un modèle qui répond à ces deux pratiques. « Chose certaine, pour quelqu’un qui ne sait pas encore exactement ce qui lui plaît et qui croit vouloir s’aventurer un peu partout, c’est l’engin idéal », estime Marc Foisy. Le mot est prononcé. « Aventure » est sans aucun doute le terme francophone le mieux adapté à cette nouvelle monture.
Comme le souligne Alexis Pinard, c’est une certaine vision du cyclisme qui change. « Un retour aux sources, qui se voit jusque dans le style rétro de l’équipement, et surtout dans les vêtements, alors qu’on assiste au retour des chaussures à lacets et des maillots en laine, explique Marc Foisy. De même, ajoute-t-il, plusieurs compagnies confinent leur production de cadres d’aluminium à cette gamme de vélos. »
À l’inverse de certains de leurs cousins poids plume conçus pour la route, les gravel bikes sont des costauds. Pas nécessairement lourds, mais faits pour en prendre. « On se rend vite compte que les chemins de terre sont souvent bien plus agréables et confortables à rouler que les routes goudronnées », constate Alexis Pinard.
Ce dernier insiste sur le fait que cet engouement pour les chemins de poussière recèle autre chose qu’une simple volonté de l’industrie de refiler de nouveaux joujoux aux adeptes, et qu’il s’agit en fait d’un outil d’aventure, de découverte et de réappropriation du territoire. « Il y a une réelle valeur ajoutée, surtout quand on découvre des routes presque sans trafic, qui mènent à des points de vue d’une beauté insoupçonnée, au milieu d’endroits qu’on croyait pourtant connaître par cœur. Une fois les quelques appréhensions de départ évacuées, on se rend compte que ces routes ne sont pas si ardues, et cela change la pratique, multiplie à l’infini les possibilités de parcours et modifie la vision du cyclisme. »
CV d’un gravel bike
Bien que l’industrie soit bien loin d’avoir instauré d’immuables constantes pour ce nouveau venu de la famille cycliste, on reconnaît le vélo d’aventure à quelques caractéristiques courantes.
Les pneus
Ils sont généralement plus larges, dans certains cas jusqu’à 700 x 35, voire 40, et le vélo est conçu pour qu’on y insère sans difficulté des largeurs qui renvoient parfois aux dimensions du cyclocross, les crampons en moins. On peut toutefois, aussi, les chausser comme un routier. Ou alors ce sera le plus courant, et petit à petit, la norme s’établit : un pneu de 700 x 28, très résistant, idéal pour faire un peu de tout.
Les freins
Ils sont à disque. Mécaniques ou hydrauliques, ils permettent de freiner dans les pires conditions avec la même constance. Sur la route ou dans le sable, le gravier, la boue.
Les axes
De plus en plus, ils sont traversants, ce qu’on appelle dans le jargon anglo du vélo de montagne, où c’est désormais la norme, les thru axles. Ils assurent un meilleur contrôle dans les virages, une stabilité accrue. Aussi, le disque est toujours bien centré entre les plaquettes, évitant du même coup le shwitt-schwitt à chaque tour de roue.
Les angles
Ils sont relâchés. Cela varie considérablement d’une compagnie à l’autre, mais généralement, on peut comparer le gravel bike à un vélo de gran fondo : plus souple à l’avant, mais encore court et réactif à l’arrière. Le boîtier de pédalier est assez bas, augmentant la stabilité, et le jeu de direction haut, ajoutant au confort.
Le pilote
Il porte des chaussures de vélo de montagne, histoire d’être à l’aise quand il met le pied à terre. Cuissard et maillot ne sont pas ajustés course mais plutôt décontractés… le short baggy est même envisageable !