Samedi. L’hiver n’avait pas encore déposé sa première neige permanente. Le Mont Sainte-Anne exposait sa beauté décharnée de fin d’automne, à travers laquelle nous glissions, profitant de sentiers presque entièrement secs, sans feuilles mortes, superbement entretenus.
Nous sommes remontés vers l'est, mon ami Emmanuel et moi, croisant quelques marcheurs et très peu de cyclistes.
Si, au matin, le mercure pointait à peine au dessus de zéro, il atteignait désormais les 10 degrés, et le soleil nous chauffait avec une ardeur inespérée en ce mois des morts.
Nous avons rejoint Pat et Annie au chalet du fondeur et avons enfilé d’autres sentiers encore, tous magnifiques, secs, et outre quelques arbres tombés lors d’un récent coup de vent, les conditions étaient impeccables.
En revenant par la Basse-Amazone, Pat m’a demandé si j’avais déjà fait la Bela Kula (j’ignore si l’orthographe que je lui prête est juste). Eh non. Emmanuel la connaissait bien. Annie aussi. Nous avons obliqué dans ce nouveau sentier, encore absent du circuit officiel, et avons dévalé ce superbe devers, dénué de feuilles mortes, lui aussi. J’ai hurlé de bonheur au moins deux ou trois fois.
Arrivé au bas, un petit groupe qui nous suivait a déboulé dans les derniers mètres du sentier tandis que nous discutions un peu, ravis par l’état des lieux. Nous allions apprendre que l’un de ces gaillards, connu de mes amis, était justement responsable de l’entretien du sentier. « C’est toi le héros de l’ombre », a blagué l’un de nous.
Sauf que c’est pas une blague.
Partout autour de vous, il y a des sentiers, des réseaux en entier qui sont le fruit de ces fameux héros anonymes.
Qu’il s’agisse de réseaux établis ou de pistes obscures, conçues dans un état de légalité discutable, il y a toujours des gens qui se dévouent pour que nous puissions jouir de ces installations. Pour que nous puissions rouler. Ils le font rarement pour le fric. Parce qu’il est plutôt inhabituel que ce boulot, s’il est rémunéré, le soit suffisamment pour qu’il s’agisse d’une motivation première. Et donc, la générosité comme la passion de ces gens me fascinent, me ravissent. Ces gens me réconcilient avec l’humanité.
Aussi, c’est la période des galas et des remises de prix dans le cyclisme.
Je m’en voudrais de ne pas en profiter pour saluer d'autres humbles bonnes âmes. Je pense à tous ces gens qui se désâment pour que nous puissions faire nos courses d’amateur, sur le bitume ou en cyclocross ou en montagne. Tous ceux qui considèrent que le sport mérite qu’ils y consacrent des énergies, et surtout du temps. Du précieux temps.
Celui du fatbike s’en vient. Et il y aura là aussi du monde pour se charger de taper les sentiers, d'organiser des sorties. Pour le fun. Pour votre fun qui devient alors le leur.
Prenez donc ce texte pour ce qu’il est, et partagez-le pour joindre votre voix à la mienne : ceci est un hommage, un signe de reconnaissance, un remerciement. Tous ces sourires en fin de course, ces cris lancés au détour d’un passage impeccable en sentier, ce plaisir de rouler qui est notre passion et qui ponctue presque chaque jour de notre existence, nous leur devons, à ces héros de l’ombre.
Je les salue.
Bénévoles, organisateurs, parents qui trimbalez la marmaille qui roule aux quatre coins du Québec, commissaires, gestionnaires de réseaux cyclables, du vélodrome, des sentiers et inconnus qui bizounez –et entretenez- de nouvelles trails pour le plaisir de les voir apparaître sur les réseaux officiels, un ou deux ans plus tard, sans jamais en réclamer la paternité: merci pour tout. Si le sport existe, s’il se développe, c’est beaucoup grâce à vous. On ne le dira jamais assez. On ne le dit pas assez souvent, anyway.