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Reportage

Ces sentiers qui font rouler l’économie

19-04-2018

Une revue de nombreux sondages faits dans l’Ouest canadien permet de tracer le profil du cycliste voyageur moyen: c’est un homme (75% des répondants) âgé entre 25 et 45 ans (60% des répondants) dont le salaire annuel dépasse 80 000$ (55% des répondants), qui se déplace pendant trois à cinq jours et dépense entre 60$ et 100$ par jour.

Un sondage effectué dans la région de Québec en 2013 confirme ces chiffres: 300 des 350 sondés disaient se déplacer pour faire du vélo de montagne; 40% faisaient l’aller-retour dans la même journée, 40% restaient à destination de deux à cinq jours, et 20% pendant six jours et plus. Tous privilégiaient les sentiers de type cross-country, un peu plus de 10% aimaient aussi l’enduro et la descente. La majorité préférait le camping ou les hébergements en maison ou en chalet. Certaines destinations sont particulièrement dynamiques.

SQUAMISH | Colombie-Britannique

Le réseau de sentiers y est de très grande qualité, et une étude a montré que 75% des usagers venaient de l’extérieur de la ville, la moitié restant au moins une nuit et dépensant en moyenne 215$ par séjour. En chiffres absolus, ce sont plus de 1000 visiteurs qui arrivent dans la ville chaque week-end, et au-delà de 30 000, au total, pour les 26 week-ends de la saison, un apport d’argent nouveau dans la communauté de près de 4 millions de dollars. Et ce chiffre double quand on y ajoute les jours de semaine.

MOAB | Utah

La petite ville de Moab est une destination populaire depuis très longtemps. Cette zone peinait à se trouver un levier économique après les époques de ruées vers l’or, à la fin de 19e siècle, puis vers l’uranium, au temps de la guerre froide. Lorsque les chemins de prospection se sont avérés intéressants pour la pratique du vélo, la ville a connu un autre boom. Elle prospère encore maintenant grâce aux marcheurs qui fré- quentent les deux parcs nationaux connexes, mais également grâce aux 200 000 cyclistes qui y séjournent annuellement. Fait à noter, la moyenne d’âge des visiteurs se situe entre 20 et 35 ans, montrant que Moab (tout comme Whistler, au Canada) attire une clientèle plus jeune.

ÉCOSSE | Royaume-Uni

Nous vous en vantions les mérites en ces pages, en avril dernier. On estime à 600 000 le nombre des montagniers qui, chaque année, se déplacent pour rouler dans les centres officiels, un apport économique certain dans les collectivités environnantes. Lors de notre voyage en 2016, nous avons observé que les usagers venaient des autres parties du Royaume-Uni et de l’Europe, et que la presque totalité des hébergements à proximité des centres des 7Stanes étaient occupés par des cyclistes à crampons.

KINGDOM TRAILS | Vermont

Plus près de chez nous, une petite virée aux célèbres Kingdom Trails, à East Burke, au Vermont, nous a permis de noter la présence majoritaire des touristes québécois. Dans les sentiers, ça jase en français et les maillots sont ceux de clubs québécois, d’amateurs prêts à se taper quatre heures d’auto dans l’unique intention de rouler sur de belles pistes. Les administrateurs ne disposent pas de chiffres récents mais nous confirmaient en 2010 un montant de transactions s’élevant à 2,6 millions de dollars américains par 26 800 visiteurs/jour, dont 45% provenaient du Québec.

Des exemples similaires existent dans plusieurs autres villes de la Colombie-Britannique et de l’Oregon, de même qu’en Angleterre et en Suisse, montrant comment l’économie chancelante de communautés souvent tributaires de l’industrie forestière a pu être redressée par le tourisme du vélo. Il n’est pourtant pas toujours facile de rassembler les élus autour de cette idée de développement de sentiers, les retombées ne se mesurant pas aisément. Il arrive que le commerçant du village ne perçoive pas l’avantage qu’il peut retirer du tourisme, car le client qui se pointe à la caisse enregistreuse n’a pas systématiquement étampé dans le front le mot vélo; le marchand doit avoir suffisamment le sens des affaires pour évaluer le potentiel qui s’offre à lui. À ce sujet, l’exemple le plus cité est celui de Stowe, au Vermont. Ryan Thibault, administrateur de MTBVT, raconte que la piste cyclable qui mène d’un réseau de sentiers à l’autre passe dans les cours arrière des commerces du village. Le jour où les propriétaires ont compris qu’il fallait tourner les portes de leurs boutiques vers la piste cyclable, la caisse s’est mise à sonner. Certains ont doublé et même triplé leur chiffre d’affaires. Pareil son de cloche de la part de Jean Labranche, directeur de l’hôtel Roquemont, à Saint-Raymond, qui a vu la coopérative de solidarité Vallée Bras-du-Nord prendre le virage vélo il y a dix ans. Il s’est intéressé à cette nouvelle clientèle, l’a sondée, l’a reçue en groupes de consultation. Il s’est inspiré de ce qui se faisait ailleurs et a décidé de reconfigurer l’hôtel et la salle à manger, changer le menu, installer une microbrasserie, vendre un bout de terrain où aménager une boutique de vélos, louer des locaux à la coopérative afin que l’établissement devienne le point de départ du réseau local de sentiers.

Le pari était gagné d’avance. Comme on s'y attendait, Jean Labranche et ses associés font toujours de bonnes affaires, les cyclistes appré- cient le repas et la petite bière après leur sortie, la coop tire avantage des services ajoutés et, finalement, l’investissement profite à l’ensemble de la population locale. Les jeunes Raymondois jouissent gratuitement de sentiers de classe mondiale, bénéficient de l’option plein air à l’école secondaire, ont accès à des emplois d’été ou permanents intéressants; les commerçants voient affluer une nouvelle clientèle. Tous ces exemples prouvent que le développement du vélo de montagne ne fait de mal à personne; bien au contraire, il sème le bonheur au cœur des communautés.
 

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