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Reportage

Dans les coulisses d’une corvée de sentiers

30-08-2018
Corvée de sentier

De la selle à la brouette, il n’y a qu’un pas.

Chaque premier samedi de juin, les vététistes du Québec troquent le vélo pour les bottes afin d’apporter un peu d’amour aux sentiers où ils pédalent. Vélo Mag s’est rendu à Mont-Sainte-Anne dans l’intention d’assister à cette journée qui n’a rien d’une corvée, sauf le nom.

Comment reconnaît-on un vrai de vrai passionné de vélo de montagne ? Réponse : par l’amour disproportionné qu’il voue à «ses» sentiers, ceux qu’il aménage, entretient, gosse à la sueur de son front. Il suffit de passer quelques minutes en compagnie d’un forçat des sentiers pour qu’il vante le flow de cette piste ouverte depuis peu, glissant au passage qu’elle a été rendue possible grâce à une nouvelle machine (lire: jouet) acquise récemment. Derrière chaque vététiste dort un trail builder. C’est un authentique gars de route qui l’affirme.

En ce beau samedi matin de juin, j’ai une preuve concrète de ce que j’avance. Devant moi, une quarantaine d’adultes majeurs et vaccinés s’échinent sur une portion de sentier de Mont-Sainte-Anne, près de Québec. Tous se sont donné le mot afin de venir bénévolement pousser à la roue en cette 8e édition de la Journée québécoise des sentiers, organisée conjointement par Vélo Québec et la Fédération québécoise des sports cyclistes. Simultanément, des corvées similaires se déroulent sur quelques-uns des 2200 km de sentiers qui sillonnent les 86 centres répartis dans la province.

Chirurgie de sentier

Le sentier qui reçoit aujourd’hui de l’attention, c’est celui du Moulin – à ne pas confondre avec ceux du même nom, une station de Lac-Beauport. D’une longueur de 10 km, le «14» serpente à la base de la montagne de 803 m. Ce single track sinueux à souhait fait partie des tout premiers sentiers du réseau de 120km. «Il a été construit à la mode de l’époque, ce qui signifie qu’il n’est pas pensé dans le but de favoriser l’écoulement des eaux, par exemple. En plus, il est très achalandé», m’explique Martin Joyal, du club cycliste Mont-Sainte-Anne, dont plusieurs membres sont présents.

Résultat: l’usure du temps a fini par faire ressortir ses nombreuses racines, ce qui le rend tape-cul. Pour corriger la situation, la chirurgie du jour consiste essentiellement à lui couper quelques racines et à remplir de terre des morceaux choisis de sections avant de la compacter. Chaudières, pelles, sécateurs, pioches, brouettes et scies mécaniques se font aller partout autour de moi, dans une chorégraphie qu’on dirait savamment orchestrée.

Combien coûte un sentier ?

La réponse de Frédéric Asselin, directeur général de Vallée Bras-du-Nord.

Aménagement manuel: entre 3000$ et 20 000$/km «Le relief, les types de forêts et de sols de même que la nature de l’aménagement sont quelques-unes des variables qui influent sur les coûts.»

Aménagement mécanisé: entre 7000$ et 50 000$/km

«La facture monte tout particulièrement vite lorsque le travail s’effectue sur des sites éloignés et isolés, où la machinerie se rend difficilement.»

Sous-traitance confiée à des compagnies privées: entre 30$ et 90$/h

«Les tarifs sont les mêmes que ceux en vigueur dans le milieu de la construction. L’expertise vaut cependant son pesant d’or: aménager un sentier est beaucoup plus difficile qu’on ne le croit.»

Tant qu’à y être, on ne se prive pas d’améliorer le sentier en érigeant ici et là des virages encaissés. «Ça fait ressortir l’aspect créatif, croit Guy Bournival, coordonnateur des travaux.

tordre le bras ce matin: entretenir leur terrain de jeu fait partie de leurs valeurs», constate le paternel. Parole de journaliste: les membres de la petite tribu semblaient prendre un réel plaisir à la tâche.

Et ils n’étaient pas les seuls. Les montagnards, dont la plupart habitent à proximité, travaillent dans une bonne humeur contagieuse. Entre deux coups de sécateur, on prend des nouvelles l’un de l’autre, on raconte ses plus récents faits d’armes et on se promet de revenir d’ici peu essayer le résultat final de l’effort du jour. Tous dégagent une certaine sérénité, comme s’ils touchaient à quelque chose comme du bonheur. L’exultation générale se poursuit d’ailleurs bien après la fin officielle de la corvée, lorsque tout ce beau monde se rejoint autour d’un barbecue à la bonne franquette, bière à la main. C’est alors que je comprends: gosser un sentier fait partie intégrante du vélo de montagne. C’est dans son ADN.

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