Aucune idée de ce que je disais exactement, mais je me souviens de comment c’est sorti. Imaginez des mots qui ressemblent à des feux d’artifices.
Nous étions à presque 6 heures d’auto de chez moi, à Chelsea. Je venais de terminer la troisième course de la Coupe Québec de cyclocross de l’année avec une place au-delà de toute espérance. J’avais eu l’impression de voler pendant 50 minutes. Malgré la boue, le départ où j’ai failli arracher la moitié des piquets et des rubans, le goût de sang dans la bouche, les 30 minutes en zone 5 (et les 20 autres en zone 4), la roche cognée de plein fouet au fond d’un trou de bouette, la chute dans un virage… Ou peut-être que c’était justement tout ça qui me rendait fébrile. Une accumulation de détails qui avait transformé l’heure en une fête pour les sens.
Je racontais tout ça à mon voisin de file, devant la station de nettoyage, sur le ton du nouvel amoureux transi. « Il a pogné la piqure », s’amusait l’un des meneurs de la série. La coureuse québécoise Maghalie Rochette dirait qu’il s’agit de CX fever : la fièvre du cyclocross.
L’idée, c’était de faire la saison pour Vélo Mag, de participer à plusieurs courses pour un dossier pour l’an prochain. J’aurais pu me contenter de quelques-unes. Me voici pourtant lancé pour faire toute la série de la Coupe Québec.
Ça faisait longtemps que je n’avais pas participé à des événements sportifs où les gens font les choses aussi sérieusement sans se prendre au sérieux. J’adore la course sur route, mais à ma dernière saison (l’an dernier) qui s’était soldée par une chute et une blessure majeure, j’avais constaté que le degré de risque que plusieurs coureurs étaient prêts à encourir pour la gloire d’un podium anonyme au fond d’un rang ou d’un parc industriel commençait à outrepasser mes limites à moi. À Sutton, j’avais vu des maîtres jouer du coude pour des positions comme si nous étions au Grand Prix de Montréal. Même à Lachine, je n’avais rien vu de semblable.
Depuis deux mois, je découvre un autre monde. « Et c’est vraiment différent du vélo de montagne aussi, m’a confié un des très bons coureurs de catégorie élite. En vélo de montagne, c’est sérieux, le monde veut faire des points. En cyclocross, pas tant ».
Ce qui n’empêche pas de pouvoir -et dans mon cas, vouloir- être compétitif. Mon classement m’enthousiasme, ma progression m’enchante. Mais peut-être pas autant que le plaisir que j’ai à développer mes connaissances sur les techniques de pilotage, les approches de difficultés techniques, les pressions et le choix des pneus… Le cyclocross est un art, une discipline à part. Et c’est une grande fête où les adversaires discutent sans animosité en buvant une bière ou en nettoyant leur vélo après la course.
Si vous passez dans le coin de Rigaud ou de Boucherville en fin de semaine, venez voir ça. Sinon, voici le reste de la programmation pour la saison. À voir les sourires des participants, vous ne voudrez qu’une chose : vous y mettre, vous aussi.
Prenez garde, donc. La fièvre du cyclocross est dangereusement contagieuse.