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Le blogue de David Desjardins

Les temps changent

31-10-2018

Il y a quelques jours, Rapha a annoncé son partenariat avec l’équipe professionnelle que subventionne Education First et à laquelle préside Jonathan Vaughters. C’est peut-être le début d’une révolution.

Si vous l’ignoriez, le Canadien Mike Woods fait partie de l’escouade, basée aux États-Unis, qui compte aussi dans ses rangs les Taylor Phinney, Rigoberto Uran, Pierre Rolland, Joe Dombrowski, Alex Howes, Sep Vanmarke, Simon Clarke, Sacha Modolo, et encore bien d’autres très bon coureurs.

Mais pas parmi les meilleurs, non plus.

L’équipe se situe au 16e rang sur 18 équipes de première division (World Tour). Elle cumule 6 victoires cette saison. Quickstep en compte 73. Sky, 43. Et cette dernière a bien failli ne pas trouver de commanditaire principal pour la prochaine saison.

Ce qui nous amène au modèle proposé par Rapha, qui est ni plus ni moins que l’adoption d’un nouveau mode de marketing pour le cyclisme professionnel. Ainsi, les coureurs participeront à d’autres types d’événements sportifs, plus accessibles et plus près des pratiques de la clientèle cycliste : courses hors route, sur pignon fixe ou d’endurance. La compagnie va miser le fort caractère des individus dans l’équipe et raconter leurs histoires, misant ainsi sur l’actif humain du groupe.

Des conditions dans lesquelles il est finalement plus payant d’avoir une équipe qui a de la personnalité -et de fortes personnalités- plutôt que d’obtenir les meilleurs résultats.

On change donc de paradigme publicitaire ici. Ce n’est pas rien.

Chaque année ou presque amène son lot d’articles sur la précarité des équipes professionnelles. En Amérique, celles de 3e division (Continentales) ferment boutique avec une rapidité déconcertante. Il en va de même pour les compétitions qui meurent à la chaîne. Pendant ce temps, les événements participatifs, donc ouverts au grand public, explosent. Principalement sur le nouveau terrain qu’est la course hors route (le gravel).

Les courses professionnelles se mettent au diapason, si on en juge par la plus récente offrande de Paris-Tours, qui comptait quelques kilomètres non pavés, histoire de pimenter un événement aux importantes proportions historiques, mais dont le lustre pâlit dangereusement. L’idée est aussi de se rapprocher de l’idée de la course que se font les gens ordinaires, ceux qui roulent et qui, surtout en Amérique, composent une importante partie du public pour la compétition.

Au même moment, de nouveaux modèles émergent afin que des athlètes puissent gagner leur vie. Un peu de résultats, beaucoup de blogues et de réseaux sociaux. Chez, Maghalie Rochette mise beaucoup sur ce modèle et emploie brillamment Instagram et l’infolettre afin de rejoindre son public. Son partenariat avec Specialized, et surtout avec Ten Speed Hero, très portée sur le marketing numérique, semble porter fruit.

Une posture qui permet aussi de contourner un autre problème majeur du sport : le manque d’intérêt des médias.

Je n’ai pas la prétention de croire que ces nouveaux modèles seront nettement plus efficaces pour générer des revenus, mais ils permettent au moins aux équipes comme aux athlètes de prendre leurs carrières en main. Cela signifie qu’ils ne peuvent plus uniquement se concentrer sur leur sport et qu’ils doivent aussi produire du contenu. Mais c’est le cas de toutes les entreprises ou presque, désormais, qui sont confrontées à cette sortie de leur zone de confort forcée.

Bref, les temps changent pour tout le monde.

Évidemment, en tant que propriétaire d’une boîte qui conçoit des campagnes de marketing de contenu, je vois la chose d’un bon œil. Ma seule crainte, c’est de voir la diffusion des courses professionnelles reculer plus encore. Et avec elle, les revenus des grands événements qui capitalisent sur les droits télévisuels.

C’est aussi le cas de l’UCI, qui tire ses revenus des courses qu’elle chapeaute.

Mais il est sans doute temps que l’organisme trouve d’autres sources de financement que la multiplication d’événements classés WorldTour, alors qu’ils n’ont aucune signification réelle pour les fans, pour le sport. Ni d’ailleurs pour les équipes ou les athlètes qui y participent le plus souvent parce qu’ils y sont contraints (toutes les équipes WorldTour ont l’obligation de participer aux courses classées WorldTour).

La saison devrait-elle se terminer avec le Tour de Lombardie? Avec les Championnats du monde? A-t-on vraiment besoin de courses au Qatar, en Chine, en Turquie?

Neal Rogers a écrit un excellent papier à ce sujet dans CyclingTips.

Mais chose certaine, d’autres changements vont suivre et ce qu’amorce EF Education First n’est que le début d’un mouvement de fond. ASO se demande comment redonner au Tour de France son lustre d’antan. Des équipes établies peinent à boucler leur financement. D’autres ferment sans crier gare, du jour au lendemain, parfois au beau milieu de la saison.

Il est à peu près temps que les conservateurs du milieu retirent leurs œillères avant d’amener leur sport avec eux vers la retraite, ou la tombe.

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