David Desjardins nous présente le livre «Le crépuscule d’une idole», le oeuvres de VéloColour et un fil à propos des frères Schleck dans cette dernière édition de Vélo culte.
Livre
Le crépuscule d’une idole
Héros tragique, immolé sur l’hypocrite autel des autorités cyclistes en matière de dopage, Marco Pantani fut l’un des plus formidables grimpeurs de l’histoire du cyclisme. Déchu après son expulsion du Giro de 1999 à la Madonna di Campiglio, il part en vrille dans un tourbillon autodestructeur, jusqu’au crash. Il est trouvé mort dans
un hôtel miteux de la Riviera italienne, littéralement bourré de coke, le soir de la Saint-Valentin 2004.
Épatant styliste, Philippe Brunel refait le parcours de vie de Pantani afin d’expliquer sa chute. Le célèbre journaliste cycliste de L’équipe joue un brin au romancier aussi : son sujet est trop beau pour qu’il ne cherche pas dans ce récit un peu de ce matériau dont on fait les grandes mythologies, soient-elles sportives ou autres, puisqu’elles s’emploient toutes à magnifier dans la fiction nos rêves, nos errances, nos envies.
Détective, Brunel s’aventure dans la nuit interlope de la Riviera italienne où des ombres planent dans le crépuscule hâtif de cette jeune vie. Suicide? Simple overdose ? Meurtre? Sans nous convaincre de quoi que ce soit, le journaliste fait tout de même état d’une enquête policière bâclée. Mais à la fin, ce qui fascine, c’est le personnage. Pantani, le pirate, se nourrissant d’une solitude qui en même temps le mine. Sentiment propre aux grimpeurs qui s’échappent dans la haute montagne, là où les attend peut-être la gloire et certainement une souffrance qui, dans les deux cas, n’appartiennent qu’à eux. Mieux qu’un livre de vélo, voici une œuvre littéraire.
Vie et mort de Marco Pantani, par Philippe Brunel chez Grasset, 2007
Équipement
Des œuvres hors cadre
Plusieurs fabricants de cadres de vélo proposent des peintures sur mesure. Mais les artisans de VéloColour, à Toronto, élèvent le jeu d’un cran.
Noah Rosen est un réel maître en la matière, capable de prodiges visuels qui ravissent l’œil le plus critique et avisé. Il retape ou réinvente l’enveloppe visuelle d’objets de collection en acier ou de tout récents bolides de carbone, traçant au bout du pinceau des lignes parfaites, à la hauteur des désirs de ses clients.
Plus impressionnant encore, le travail de sa complice joaillière Suzanne Carlsen contribue à la personnalisation des montures au moyen d’emblèmes faits main. Envie de placer une tête de renard sur la proue de votre antique Colnago, de faire repeindre un Eddy Merckx aux couleurs de la Molteni ou de faire forger un garde-chaîne en forme de feuilles d’érable pour votre petite reine urbaine?
Film
Presque héros
Je n’ai jamais trop aimé les frères Schleck. Beaucoup parce qu’ils m’ennuyaient. Faut bien avouer que la fratrie luxembourgeoise a autant de charisme qu’un vieux boyau oublié depuis une décennie au fond du garage.
Le documentaire The Road Uphill de Jean-Louis Schuller permet de s’en assurer: ces deux-là vous gâcheraient n’importe quelle fête par leur unique présence, qui agit comme un trou noir. Mais attendez avant de passer votre tour. Bien que convenue, la trame narrative du film épouse parfaitement celle du Tour de France 2011, au cours duquel on suit les frères et leurs coéquipiers de la Leopard Trek (dont Fabian Cancellara, Stuart O’Grady et Jens Voigt), partis en quête d’une vengeance contre l’infâme Alberto Contador. Et si, à la fin, ils se font ravir la victoire par encore plus ennuyeux qu’eux, si c’est possible (coucou, Cadel Evans !), on comprend mieux la fragilité d’Andy, qui semble toujours à la frontière de l’implosion, rongé par le doute, et une certaine peur liée à la mort de son ami Wouter Weylandt sur le Giro cette année-là. Sa carrière se délitera par la suite. Celle de Frank prendra l’eau, en raison d’un contrôle de dopage positif. Les grands espoirs du Luxembourg ne trôneront jamais aux côtés de leur légendaire compatriote Charly Gaul.
The Road Uphill, de Jean-Louis Schuller, disponible sur iTunes, Amazon et Google Play