Pédaler de son lit d’hôpital? C’est le traitement pas si saugrenu auquel les patients des soins intensifs de L’Hôtel-Dieu de Québec ont accès.
La monture étrennée par les éclopés n’est pas en carbone ni munie d’un groupe électromécanique – quoiqu’à 22 000$ par unité, on aurait pu le penser ! Que nenni. Le MOTOmed letto2 est un pédalier intelligent qui s’installe au pied d’un lit ou d’une civière et qui permet au patient alité de tourner les jambes sans avoir à lever les fesses. Divers degrés d’assistance du mouvement sont possibles grâce au moteur intégré à même la machine.
Acquis par L’Hôtel-Dieu de Québec en 2013, ce gadget sophistiqué s’est rapidement imposé auprès des professionnels en réadaptation physique, affirme Janick Dore, physiothérapeute au Centre hospitalier universitaire de Québec-Université Laval. «Toute contraction musculaire, aussi minime soit-elle, est bénéfique pour combattre l’atrophie et la faiblesse musculaires. Dans un contexte de réadaptation précoce, c’est un atout inestimable dans notre coffre à outils», explique-t-elle. L’unité des soins intensifs de L’Hôpital d’Ottawa recourt également à un pédalier semblable.
Faisable et sécuritaire
La faiblesse acquise aux soins intensifs – c’est le nom qu’on donne à cet état de déconditionnement hospitalier – est un problème sérieux. Selon l’European Society of Intensive Care Medicine, 55% des patients qui demeurent plus de huit jours aux soins intensifs perdent de la force et de la masse musculaires. Pire encore: la perte de mobilité qui en résulte, en particulier des jambes, peut persister jusqu’à cinq ans après l’hospitalisation. À moins de pédaler, bien sûr.
C’est ce qui a poussé la professeure de physiothérapie Michelle Kho, de l’Université McMaster, en Ontario, à étudier l’impact du pédalier sur des patients admis aux soins intensifs depuis trois jours. Les premiers essais réalisés pendant un an dans un établissement de Hamilton sont encourageants: à raison de 30 minutes par jour, 6 jours par semaine, les 33 sujets ont roulé en moyenne l’équivalent de 9 km durant leur séjour.
Maintenant que la preuve de concept est faite, l’équipe de Dre Kho s’apprête à pousser plus loin ses expérimentations. Une démarche essentielle, estime Janick Dore. «Nous savons que ce traitement est faisable et sécuritaire, mais il manque de données scientifiques sur ses bénéfices réels ainsi que sur les bonnes pratiques à adopter pour en exploiter pleinement le potentiel», souligne-t-elle.
55 %
Des patients qui demeurent plus de huit jours aux soins intensifs perdent de la force et de la masse musculaires. Pire encore : la perte de mobilité qui en résulte, en particulier des jambes, peut persister jusqu’à cinq ans après l’hospitalisation
Selon l’European Society of Intensive Care Medicine.