Le 7 janvier dernier, un cycliste maître de 90 ans a obtenu un résultat positif pour dopage. Et il se pourrait bien que son histoire recèle un enseignement pour tous les athlètes amateurs, dont je suis.
Carl Grove venait de remporter quelques titres sur piste chez les maîtres aux championnats nationaux américains. Parmi ceux-ci, il venait aussi de battre un record du monde à la poursuite individuelle chez les 90-94 ans.
Des victoires qui lui ont été retirées suite aux contrôles antidopage.
Mais attendez une seconde avant de dégainer vos emojis avec les yeux au ciel ou d’agonir le vieil homme de noms d’oiseaux. Il se pourrait très bien qu’on soit ici à des lieues des « préparations » du Dr Ferrari ou de la fausse prescription de crème pour une blessure de selle.
Selon l’enquête de l’agence américaine antidopage (USADA), il est fort probable que notre bonhomme ait ingéré lesdites substances en mangeant. Et en prenant des suppléments alimentaires. Pas en se dopant volontairement.
Pourquoi l’USADA a-t-elle décidé de croire Grove? D’abord, parce qu’il a diligemment participé à l’enquête qui a suivi. Puis, que l’analyse des suppléments en question, qu’il a fournis à l’agence, a permis d’y détecter des éléments prohibés par les règles de l’antidopage, mais qui ne figuraient pas dans la liste des produits qui les composent.
Quant à la viande contaminée qu’aurait mangé Grove, elle aurait très bien pu contenir l’anabolisant (epitrenbolone) qu’on a trouvé dans le sang du pistard : son usage est courant en élevage aux États-Unis. Et si l’athlète du bel âge avait effectivement ce produit dopant dans l’échantillon fourni le 11 juillet 2018, on n’en trouvait pas la trace dans celui donné la veille. Or, si on comprend bien l’usage qui est fait de l’anabolisant, soit d’augmenter la masse musculaire, ou d’aider à maigrir, rien n’explique que le cycliste en fasse l’usage la veille d’une compétition pour mieux y performer.
Que l’on choisisse, vous et moi, de croire l’homme n’a que peu d’importance ici. Puisque ce récit renferme quelques enseignements pour les athlètes amateurs que nous sommes.
D’abord : le risque que nous encourrons en consommant des suppléments alimentaires.
Comme l’ont montré les analyses de l’USADA, certaines substances s’y trouvent sans qu’elles ne soient indiquées, et peuvent être à l’origine d’un test positif lors d’une épreuve. On ne teste plus souvent les maîtres en cyclisme (même si on devrait le faire bien plus !!!), mais le jour où cela se produira et qu’on vous retirera votre médaille alors que vous êtes innocent, vous saurez que c’est votre négligence qui vous aura coûté votre titre. Et peut-être aussi votre réputation. Parce qu’au monde des dopés, le cynisme a depuis longtemps fait place à l’indignation systématique. C’est le retour du balancier.
Ensuite : ce que vous mangez n’est pas toujours sécuritaire non plus. Surtout si vous voyagez à l’étranger, où les règles diffèrent. Aux États-Unis, par exemple, plusieurs stéroïdes anabolisants sont permis dans l’élevage bovin et porcin (au Canada aussi, d’ailleurs). Mais il appert que même ceux qui sont proscrits, comme le clenbutérol, sont parfois employés aussi.
Est-ce que ça veut dire qu’il peut s’en retrouver assez dans un steak pour tester positif? Est-ce que la célèbre défense d’Alberto Contador tenait la route, finalement? Selon l’USADA, la défense de la viande contaminée de Carl Grove tient la route, en tous cas.
Voilà un bon argument en faveur de l’ovo-pesco-végétarisme, ou de l’achat de viande bio par les athlètes, mettons.