On se moque de ses centres commerciaux innombrables, on rage contre ses bouchons de circulation qu’on dirait éternels et on peine à croire qu’il y pousse autre chose que des condos. Pourtant, Laval a beaucoup à offrir aux cyclistes qui osent s’y attarder. Incursion en territoire lavallois le temps de deux randonnées.
La balade gourmande Sauf en coup de vent, je n’ai jamais mis les pieds à Laval. Les pneus de mon vélo, eux, y ont encore moins crissé. Et si je me fie aux rumeurs, je devrais opter pour le statu quo. Terre de banlieusards invétérés, haut lieu de culture du power center, ville sans intérêt sauf celui d’être près de Montréal: les commentaires sur ce bout de terre de 242 kilomètres carrés située au nord de la métropole sont plus que durs, ils sont vitrioliques. Mais sont-ils vrais ?
En cette belle matinée de juin, alors que mes compagnons et moi sommes sur le point d’enfourcher nos bécanes, force est d’admettre que j’en doute. Car, à l’est de l’île Jésus, une campagne coquette s’étend à perte de vue. Plus spécifiquement, 7053 hectares de terres agricoles déploient leurs charmes pour ceux et celles qui daignent les explorer – comme nous.
Nous prenons le départ de la berge Léonard-Éthier, située à quelques encablures de Terrebonne. De là, nous emprunterons le boulevard des Mille-Îles, qui suit la rivière homonyme, en direction ouest, afin de gagner le secteur Sainte-Rose, au centre de l’île. Chemin faisant, nous ferons un bout du Rallye des rivières, un circuit de 67,5 kilomètres composé de treize bornes d’information; il est possible de s’en procurer la carte, au coût de 5$, auprès du Centre d’interprétation de l’eau
Les premiers kilomètres alternent entre paysages ruraux dignes de ce nom et points de vue directs sur la rivière des Mille Îles. Ici et là, des étals de fruits et légumes nous rappellent que la zone agricole permanente, qui couvre 29% du territoire lavallois, est parsemée de plus de 120 exploitations. Puis, sans crier gare, nous croisons l’autoroute 25. C’est ce qu’on appelle passer de la campagne à la ville en un claquement de doigts.
De retour à la campagne (!), notre premier arrêt gourmand s’impose de lui-même : la fromagerie du Vieux Saint-François. On y déguste une vingtaine de fromages frais et affinés confectionnés à partir du lait des 450 chèvres que compte le troupeau, dont quelques-unes bêlent tout près. Puis on pique un brin de jasette avec Christelle et Marc-André Marchand, les sympathiques propriétaires. Un conseil: repartez avec un sac de leur fromage de chèvre en grains. Ça vaut le goût !
Le bedon rond, nous roulons (littéralement) en direction des prochaines bornes de notre rallye. La chasse à ces panneaux savamment disséminés sur les deux rives de la rivière des Mille Îles fournit un prétexte en or pour explorer les nombreux endroits où la berge est accessible. On y découvre notamment Plage-Jacques-Cartier et Plage-Idéale, des lieux-dits chargés d’histoire; il s’y tenait, entre 1945 et 1960, de monumentales foires et des rassemblements divers. Aujourd’hui, on y croise plutôt des pêcheurs, dont Denis, qui jure qu’on sort de la rivière des poissons «gros de même».
À l’avenue Papineau, la ville reprend ses droits. Notre balade connaît son épilogue – non sans un dernier arrêt gourmand. Nous allons rendre visite à Natalie La Haye, propriétaire de Talie Chocolat, une chocolaterie artisanale située dans le VieuxSainte-Rose, aux abords du tronçon 1 de la Route verte. Volubile comme dix, la chocolatière s’empresse de nous offrir son café glacé et son lait au chocolat noir sur glace, de succulentes créations confectionnées spécialement pour les amateurs de deux-roues. C’est qu’elle connaît nos goûts: elle-même est une cycliste !
La sortie sportive
Pour achever de me convaincre du potentiel cycliste de Laval, je revêts ma casquette de bouffeur de bitume et j’enfourche ma machine de guerre. L’objectif: étrenner les routes de campagne de l’est de l’île, que les cyclistes de la région ne connaissent que trop bien pour y avoir roulé 1000 fois à l’entraînement. Ces routes sont d’ailleurs très populaires en début de saison puisque vite asséchées par les timides rayons de soleil du printemps.
Du Vieux-SainteRose, je pique un galop sur le boulevard du même nom afin de rejoindre la Route verte 1, une piste cyclable en site propre qui traverse l’île du nord au sud. Ce faisant, je gagne en sécurité et, l’espace de quelques coups de pédale, en rusticité. Surtout, je m’évite les autres liens nord-sud, comme le boulevard des Laurentides, plus reconnu pour l’omniprésence des voitures que celle des vélos.
L’arrivée à la station de métro De la Concorde annonce la fin de la piste cyclable en lieu propre. Dans leur livre 15 circuits autour deMontréal publié chez Vélo Québec Éditions, les auteurs André Poirier et Patrice Marcotte proposent alors d’emprunter le pont de l’île Perry afin de rallier la piste Gouin, à Montréal, puis de rejoindre Laval par le pont Pie-IX. «[Cet itinéraire] présente de nombreux avantages : belles trouées sur la rivière, bâti architectural harmonieux, parcs dignes d’intérêt, dont celui de l’Île-de-laVisitation», écrivent-ils.
Je décide toutefois de rester du côté lavallois de la rivière des Prairies. Erreur. Je zigonne plusieurs minutes. Ma brève mésaventure prend néanmoins fin lorsque je rallie le boulevard Lévesque Est, que je suivrai jusqu’à la berge Olivier-Charbonneau, lieu de division des rivières des Prairies et des Mille Îles. C’est sur ce tronçon d’environ 15 kilomètres que le vrai fun commence, avec une longue et progressive entrée en vraie de vraie campagne – fumet inclus.
Une fois la pointe est de l’île franchie, le retour vers le secteur Sainte-Rose se négocie sur les mêmes artères que la veille. Seule différence, notable: la vitesse, plus affirmée, qui me permet de compléter cette boucle d’environ 25 km rapidement.
REPÈRES
Rallye des Rivières
En prime
Sur la rivière des Mille Îles, les paysages de bayous sont déchirés par des ponts aux piliers bétonnés, les oiseaux chantent sur fond de grondement urbain et la végétation luxuriante des îles côtoie des châteaux démesurés. Bref, il y a là mille et une sources de conflits sensoriels. Pourtant, s’y échapper en kayak le temps de quelques heures reste une expérience étrangement satisfaisante – et accessible, en raison de la faible profondeur du cours d’eau. À essayer seul ou en gang, idéalement après avoir roulé, au coût de 11,50 $ l’heure ou 40 $ par jour.
Auberge et restaurant
Les menus plaisirs Comme camp de base ou arrêt gourmand, Les menus plaisirs, ça le fait ! Située dans le Vieux-Sainte-Rose, à quelques arpents de la rivière des Mille Îles, cette auberge de quatre studios et quatre chambres luxueuses comprend aussi un restaurant gastronomique de haute voltige.