«Quand est-ce qu’on arrive?» C’est «la question qui tue». Peu importe le moyen de transport, les parents voyageurs vivront toujours ces instants qui mettent leur patience à l’épreuve. À vélo, on n’y échappe pas. Après une vingtaine de voyages avec nos jeunes qui ont maintenant 14 et 16 ans, ma blonde et moi sommes passés par toute la gamme des émotions, et celles-ci sont plus intenses lorsque vécues sur une bicyclette.
Jeunes ou futurs parents, votre nouveau statut n’implique pas qu’il faille renoncer à votre sport favori. Au contraire, c’est une aventure nouvelle qui vous attend, l’occasion de transmettre à vos rejetons votre passion pour les voyages et la petite reine. La logistique sera évidemment plus compliquée, mais le jeu en vaut amplement la chandelle.
À quel âge commence-t-on?
Dès que poupon sait marcher et s’est accoutumé aux longues sorties dans sa remorque, il est habilité à partir en voyage. Certes, vous bousculerez vos habitudes de voyageurs/rouleurs et adapterez l’horaire et l’itinéraire à la routine de bébé.
Le matériel nécessaire
L’équipement cycliste de pointe n’est pas réservé qu’aux parents. Pour bien apprécier les sorties en famille, prévoyez un budget substantiel et de l’espace de rangement, afin d’acheter du matériel qui servira… malheureusement seulement quelques années. La bonne nouvelle, c’est qu’il est aisé de trouver – et de revendre – l’équipement.
L’évolution
À partir d’un an, jusqu’à 3-4 ans
Les enfants vous accompagnent sur un siège d’appoint ou dans une remorque. Vu la logistique des couches, des boires et des siestes, il est plus simple de s’installer dans une maison ou un appartement et de rayonner autour.
De 5-6 ans
C’est la période «morte». Les jeunes sont trop grands pour la remorque et pas encore assez matures pour pédaler et se tenir en équilibre longtemps. Les solutions: amener une nounou, choisir un hébergement qui offre un service de garde, ou réunir plusieurs familles en un même endroit, ce qui permet de faire chaque jour une rotation de l’adulte «de garde».
De 6 à 11 ans
Les enfants sont maintenant suffisamment grands pour rester en selle quelques heures d’affilée, mais pas encore en autonomie. Il faudra donc vous équiper d’une «girafe», ce dispositif qui permet de les attacher derrière votre bicyclette. Le modèle demi-vélo (Adams Trail-a-Bike, etc.) est plus rigide que la barre de remorquage qui s’accroche à leur petit vélo (Trail-Gator Tow Bar, etc.). L’avantage de cette dernière est qu’au besoin, on décroche le vélo pour qu’ils roulent par eux-mêmes.
Une option meilleure encore pour cette tranche d’âge, bien que plus onéreuse, est l’achat d’un ou deux tandems. Installé derrière vous, le cycliste en herbe devra suivre la cadence que vous imposerez mais ne sera jamais obligé d’appuyer fort sur les pédales. Petit à petit, il développera sa confiance, apprendra à bien pédaler.
Sur un tandem, il vous sera facile de distribuer bidons et collations sans être forcé d’arrêter, de donner des conseils ou de tenir de longues conversations existentielles sans avoir à hausser la voix. C’est ce que j’ai le plus apprécié avec mon gars, ça et les fins de randonnée, quand il lançait le signal d’un sprint endiablé contre le tandem féminin.
Il importe de bien choisir son tandem afin qu’il soit adapté aux petites jambes de votre coéquipier. Les modèles PeriScope Torpedo et Scout, de Co-Motion, sont les seuls à offrir une géométrie qui permettra de bien positionner un enfant de 5 ou 6 ans (grandeur de 1,20 m, et 52 cm d’entrejambe au minimum) jusqu’à l’âge adulte. Il est en outre léger, rigide et performant. Il a cependant le défaut de sa qualité: le triangle arrière est si petit qu’on ne peut y accrocher de sacoches. Pour transporter l’essentiel, on utilisera des sacoches à l’avant ou on attachera une remorque de type Bob Gear. Nous avons privilégié ce scénario pendant cinq ans, et c’est le meilleur investissement cycliste que nous ayons fait. Nous roulions une cinquantaine de kilomètres par jour au début, une centaine quand les enfants ont eu 10 et 12 ans.
12 ans et plus
Les jeunes pourraient continuer avec le tandem ou la barre de remorquage, mais ils veulent voler de leurs propres ailes. Bravo, mais pour faire comme les grands, il leur faudra transporter eux-mêmes leurs bagages! Au moins leurs toutous. Tout l’art est dans le fait de leur donner le goût d’être autonomes mais de ne pas les décourager non plus. Papa et maman se chargeront donc de ce qui est lourd, histoire d’égaliser l’effort. Les journées devront être raccourcies par rapport à la phase précédente. Visez une cinquantaine de kilomètres en terrain plat pour débuter et augmentez la difficulté très progressivement, afin de toujours garder le plaisir. Il arrivera plus vite que vous ne le pensez, ce jour où ce seront les ados qui vous attendront en haut des côtes. Profitez de ces chouettes moments en famille, et même lorsque viendra l’âge des emplois d’été, tentez de garder bien vivante la tradition des voyages!
Trucs
Donnez-vous des buts.
Fixez chaque jour un ou des objectifs clairs. Divisez le voyage en fonction de ces buts: on dîne dans cette ville, on se baigne à cette plage, on grimpe une montagne ici, on visite un musée là. Montrez-leur la carte, précisez le kilométrage. Une longue journée en selle leur paraîtra plus courte séparée en petites sections.
Faites des pauses.
S’arrêter boire un peu d’eau, manger une barre de céréales ou des jujubes jure peut-être avec vos habitudes d’adulte, mais ça donne aux enfants la possibilité de se changer les idées. Lorsqu’on voyage avec des tout-petits, on garde l’œil ouvert en traversant les villages, dans l’intention de repérer les modules de jeu.
N’embellissez pas la réalité.
«Quand est-ce qu’on arrive?» Lorsque la fatidique question sera posée, dire qu’il ne reste plus de côtes ou qu’on sera là dans 5 minutes alors que vous n’êtes pas sûr de votre affaire risque de se retourner contre vous. Allez-y pour l’inverse, en évoquant le pire scénario. Les jeunes seront contents d’arriver plus tôt que prévu.
Trouvez des itinéraires sûrs.
En bons parents poules, vous ne voulez pas exposer votre progéniture aux dangers de la circulation automobile. Grâce à Google Maps, il est devenu simple de déterminer le trajet le plus sécuritaire. Les pistes cyclables y figurent, et Street View permet de voir l’état de la route et la largeur des accotements. En Europe, évitez bien sûr les routes nationales et privilégiez les milliers de départementales qui vous feront découvrir l’arrière-pays, sachant que vous ajoutez du kilométrage et probablement des côtes. Les cartes Michelin en ligne sont pratiques pour localiser les cols et les routes panoramiques, elles sont toujours bordées de vert.
Les randonnées organisées sont également une excellente façon de sortir en famille. Les participants sont de bonne humeur, la force de leur nombre oblige les automobilistes à être prudents, même sur les routes passantes. La Petite Aventure, orchestrée par Vélo Québec, est la reine de ce genre d’excursion, car tout est pensé en fonction des familles et de la simplification de la logistique. Les parcours sont plats, des voitures-balais vous ramassent en cas d’abandon. Une fois que vous êtes à destination, l’atmosphère est à la fête, les repas sont fournis, et on peut même mettre à votre disposition une tente déjà montée si vous n’avez pas la vôtre!