Début septembre. Il y a foule chez Vélo Cartel, commerce de Québec qui tient à la fois lieu de café cycliste, de boutique et de centre d’entraînement, et dont le coureur Bruno Langlois est le copropriétaire. Celui-ci reçoit les journalistes chez lui à l’occasion des Grands Prix Cyclistes de Québec et Montréal (GPCQM). Au milieu de cette agitation, Nickolas Zukowski paraît presque immobile. Et décidément silencieux.
Le jeune coureur de l’équipe Silber Pro Cycling est une force tranquille. «C’est vraiment quelqu’un de calme, de posé. Il est discipliné et il fait bien son travail d’athlète», énumère son beau-père, Pierre, paternel de la phénoménale Simone Boilard. Le couple Boilard/Zukowski doit être difficile à suivre sur deux roues !
Le calme de la voix de celui qui possède les nationalités canadienne et américaine révèle lui aussi cette énergie sereine qui caractérise le jeune homme. Celui qui s’apprête à participer à ses premiers GPCQM manifeste un enthousiasme mâtiné de réalisme. «Il va falloir que nous prenions notre place dans le peloton. Quand tu fais partie d’une équipe nationale comme la nôtre, les pros du World Tour ne te laissent pas trop de chance. Ça va être dur de rester bien positionné», entrevoit-il. « Mais je ne suis pas trop nerveux. J’ai vraiment hâte, en fait. »
Zukowski vit une très belle année de course. Celle-ci fait état d’une nette progression, comme en témoignent ses performances dans les exigeants parcours d’un Tour of Utah qu’il a conclu au 22e rang d’un classement général où règnent certaines des très fortes pointures du cyclisme mondial, de Sepp Kuss à Mike Woods en passant par Joe Dombrowski, Hugh Carthy, Brent Bookwalter, Tejay van Garderen ou Jack Haig.
Recruté par Silber Pro Cycling l’an passé, à seulement 19 ans, Zukowski a rapidement gradué de domestique à leader, enrôlé après avoir été remarqué grâce à une 4e place au classement général du Tour de l’Abitibi et à une 3e place chez les juniors aux championnats canadiens de contre-la-montre.
« Il n’a pas besoin de parler. C’est vrai, il est silencieux, mais il est tellement dévoué que tout le monde a envie de le suivre. »
Gord Fraser, ancien coureur et directeur sportif chez Silber Pro Cycling
« Nickolas, c’est un talent que nous avons repéré tôt, et que nous avons choisi de soutenir, explique Gord Fraser, ancien coureur et directeur sportif chez Silber Pro Cycling. À sa première année, il a montré toutes les qualités d’un équipier obligeant, prêt à tout faire. Si nous avions besoin de quelqu’un pour rapporter des bouteilles, pour aller dans les échappées, peu importe, il était le premier à se porter volontaire. Cette année, nous lui avons donc confié un rôle plus important, et il n’a pas déçu. »
Le respect attire le respect. À sa deuxième année au service de Fraser, le coureur a développé une capacité à fédérer les troupes sans avoir à jouer les gueulards. «Il n’a pas besoin de parler, expose Gord Fraser. C’est vrai, il est silencieux, mais il est tellement dévoué que tout le monde a envie de le suivre. »
Avance rapide dans le temps. Fin septembre, Zukowski prend part aux championnats du monde sur route à Innsbruck, en Autriche, chez les moins de 23 ans. On l’apercevra un moment, seul, en échappée. Vingt et unième au contrela-montre, il ne terminera cependant pas l’épreuve routière. Comme pour le GP de Québec, qu’on l’a vu abandonner à quelques kilomètres de la fin, après avoir été pris dans une chute dans la côte Gilmour. Of all places, comme ils disent au Texas… «Je ne m’en suis pas trop mal sorti, raconte-t-il. Quelques égratignures et de la terre dans les dents. Mais sinon, je ne pense pas m’être autant amusé pendant une course de toute ma carrière. Je ne voyais pas les tours passer tellement j’avais du plaisir et j’étais porté par les encouragements de la foule. »
L’avenir de l’athlète loge pour l’instant sous le signe de l’incertitude. Silber Pro Cycling menace de fermer boutique pour cause de défection du principal commanditaire. Au moment de mettre sous presse, Nickolas Zukowski n’est toujours pas en mesure de confirmer quoi que ce soit quant à la saison prochaine. Gord Fraser, lui, affirme que son équipe survivra. Mais le jeune coureur en sera-t-il ?
« Ce que je peux te dire, c’est que j’aimerais vraiment revenir aux GPCQM un jour, être compétitif et décrocher un résultat à la maison.» C’est dit. Il a beau passer ses hivers aux États-Unis, le Québec, c’est chez lui.