De skieuse à cycliste, de sprinteuse à championne de chrono, la Manitobaine Leah Kirchmann mène une carrière marquée par sa capacité à se réinventer, puis à générer des résultats d’une impériale constance.
Leah Kirchmann est une force tranquille. Son sourire un peu gêné témoignant d’une immense discrétion, c’est son palmarès qui plastronne à sa place.
La coureuse de Winnipeg a arraché son troisième titre national au contrela-montre individuel en juin dernier. Son second d’affilée, suivi d’une 2e place à la course sur route. En 2014, elle avait réussi l’exploit de devenir la première femme à remporter les trois épreuves (avec le critérium) la même année. Lors de la première édition de La Course, épreuve féminine tenue en marge du Tour, elle s’est habilement glissée dans le sillage de la redoutable Marianne Vos et avait pris la 3e place. Elle a remis ça cette année en se classant 2e , toujours derrière Vos. Elle a porté le maillot rose de meneuse sur le Giro Rosa l’an dernier. Et cette année, elle a aussi triomphé, pour une seconde fois, au général du Grand Prix cycliste de Gatineau (l’autre en 2017), en plus de très bien figurer lors de courses majeures comme le Ovo Energy Women’s Tour (6e – elle avait été 4e au classement général en 2017).
Jusque dans ses résultats, Leah Kirchmann paraît d’humeur égale. On y perçoit une rare constance, d’année en année. Le produit d’une athlète studieuse, qui perfectionne son art sans trop en faire de cas. C’est ainsi qu’elle s’est transfigurée, passant de pure sprinteuse à as du chrono : « J’ai vraiment transformé une faiblesse en force ; ça a été beaucoup de travail », explique celle qui, fait notable, s’est aussi retrouvée au pied du podium des Championnats du monde dans cette même discipline en 2018. « J’aime la spécificité de l’épreuve, poursuit-elle. J’aime la préparation. Et de savoir, en passant la ligne, que je n’aurais pas pu laisser plus de moi-même sur la route. »
Témoin de l’évolution du sport
Leah Kirchmann est une sorte de cas classique chez les cyclistes venus du Nord: son entrée dans le cyclisme se fait par le ski de fond, remplacé par le vélo de montagne l’été, lui-même troqué contre un engin de route. La voici, à 29 ans, au cœur de sa septième saison chez les pros, la quatrième au sein de Team Sunweb (autrefois nommée Liv Plantur), après être passée par les escouades Optum et Colavita.
« J’aime la spécificitéde l’épreuve. J’aime lapréparation. Etde savoir, enpassantla ligne,que jen’auraispaspulaisser plusdemoi-même surla route. »
L’équipe peine cependant, cette année, à récolter une victoire dans une épreuve de grand calibre. Plusieurs podiums attestent de la qualité de l’ensemble, mais le triomphe l’élude encore. Il faut dire que le peloton féminin a pris du coffre dans les dernières années. Les équipes bénéficient de plus de budget, d’un meilleur soutien, et le sport gagne ainsi en profondeur. « Il y a beaucoup de progrès, le sport évolue et nous sentons une certaine conjoncture favorable. Je suis très heureuse de voir que l’UCI, par sa réglementation, impose une professionalisation du sport et une meilleure visibilité. Aussi, avec l’arrivée de la Cyclists’ Alliance (syndicat de facto des coureuses), nous parlons maintenant d’une seule voix afin d’améliorer le sport. »
« Cela dit, souligne Leah Kirchmann, même si je vois mon équipe investir de plus en plus dans son volet féminin, il y a encore dans le peloton des filles qui ne reçoivent aucun salaire ! »
Les yeux tournés vers le Yorkshire et Tokyo
Leah Kirchmann paraît surfer avec aisance sur la même vague de forme qui la porte depuis quelques années déjà. Analytique, scrupuleuse dans son approche du sport comme de la vie, elle ne laisse que peu de chance au hasard. Cela explique sans doute cette constance dont elle fait preuve. De même que sa capacité de transformation qui lui a permis de devenir un couteau suisse, capable de jouer le sprint, l’échappée, de grimper avec une certaine aisance et d’assister une coéquipière comme de jouer le rôle de leader.
Quant à l’envie de vaincre qui l’habite et la pousse jusque dans les derniers retranchements de l’effort, elle s’alimente évidemment de rêves, de plans. « Le parcours des Mondiaux, dans le Yorkshire, au Royaume-Uni, cette année, me convient très bien. Même chose pour celui des Jeux olympiques de 2020. Tu me demandes si je nourris une sorte de rêve, d’ambition… Il y a bien celui d’être championne olympique, oui.»