Les Britanniques sont considérés comme la référence mondiale en matière de nutrition sportive et de physiologie de l’exercice, car c’est là que se trouve le plus grand regroupement de chercheurs. Les conférences du congrès ISENC 2018 m’ont permis de constater que mes connaissances étaient bien à jour. Retour sur les sujets les plus croustillants au pays du fish’n chips.
En décembre dernier avait lieu le congrès annuel ISENC (International Sport and Exercise Nutrition Conference), à Newcastle upon Tyne, en Angleterre. Une partie du programme était réservée aux connexions fatigue musculaire/système nerveux qui peuvent être améliorées par une nutrition adéquate. Deux sujets ont tout particulièrement retenu mon attention: le jus de cornichons et le rinçage de la bouche avec des boissons sucrées.
Sortez le pot de cornichons
Ça et là dans le monde sportif, on vante les vertus du jus de cornichons pour éliminer instantanément les crampes musculaires. Serait-ce dû à l’effet placebo? Un aspect bien particulier des crampes est qu’elles apparaissent la plupart du temps lorsque le muscle est fatigué et qu’on exige de lui des efforts soudains et difficiles (comme accélérer dans une côte ou à la fin d’un parcours). Contrairement à ce qu’on entend souvent, les crampes ne sont pas toujours liées à une mauvaise hydratation ou à un manque d’électrolytes.
Alors qu’en est-il donc de ce remède aux crampes ? Attention, roulement de tambour : le jus de cornichons, à base de vinaigre, contient de l’acide acétique qui active des récepteurs du système nerveux au niveau de la bouche, de l’œsophage et de l’estomac (de leur petit nom, TRP channels, ou transient receptor potential channels). La stimulation de ces récepteurs par le biais des motoneurones alpha (neurones moteurs impliqués dans la contraction musculaire) détend les nerfs qui contrôlent les fibres musculaires, mettant ainsi fin à la crampe. La moutarde et le gingembre possèdent également ces propriétés anti-crampes et sont réputés stimuler les mêmes récepteurs. Alors, à quand les gels à saveurs de cornichon et de moutarde ?
Rincez-vous la bouche
Le rinçage de la bouche est un autre sujet qui a piqué ma curiosité. Par le même principe que le jus de cornichons, se rincer la bouche avec une boisson riche en glucides agit sur des récepteurs qui, à leur tour, activent des zones du cerveau en lien avec le système dopaminergique (relatif à la dopamine), qui régularise la motivation et, à un certain niveau, ralentit l’apparition de la fatigue. Ce que je retire des études présentées: si, au cours d’une très longue sortie, les derniers kilomètres s’annoncent ardus, rincez-vous la bouche avec votre boisson pour sportifs pendant 5 à 10 secondes avant de l’avaler (ou de la cracher, à votre guise!) ; cela vous permettra d’aller chercher un peu plus de volonté que vos coéquipiers et, qui sait, de les impressionner davantage?
À bas les symptôme gastro-intestinaux
Une présentation palpitante faisait le point sur la boisson-gel Maurten, utilisée lors de l’événement Breaking2 de l’équipementier Nike, réalisé en mai 2017 et dont l’objectif était, pour trois coureurs d’élite, d’arriver à courir un marathon sous la barre des deux heures. Maurten est une boisson innovatrice qui, au contact de l’acidité de l’estomac et des changements de pH du tube digestif, se transforme en gel, ce qui concentre l’apport en glucides sans que cela augmente les symptômes gastro-intestinaux que subissent certains en ingérant des gels classiques. Génial, non? Cependant, qu’observe-t-on si on compare Maurten à d’autres boissons? Eh bien, elle ne semble pas supérieure en ce qui a trait à la performance (d’ailleurs, la barre des deux heures tient toujours!).
Redondantes diètes
Au cours de la première journée du congrès, il a été exclusivement question de la diète cétogène et du jeûne intermittent. Nous avons déjà abordé cela dans les pages de cette chronique, et les conclusions restent les mêmes en 2019.
Ainsi, la diète cétogène, lorsqu’adoptée pendant au moins trois semaines, nuit à la performance des athlètes lors d’efforts de haute intensité, mais elle pourrait être adaptée à des efforts prolongés de type ultra-endurance, qui se font à intensité bien moindre.
Du côté du jeûne intermittent, l’ensemble des études décrites portaient sur des personnes obèses ou en surpoids, ce qui est décevant, car il est bien connu que, pour ce type de population, le simple fait de manger moins dans un contexte scientifique mène à une perte de poids et à une amélioration de plusieurs marqueurs de santé. Ce genre d’alimentation n’est pas pour tout le monde, et surtout pas pour un cycliste qui s’entraîne quotidiennement.
Le saviez-vous ?
Mon coup de cœur du congrès a été la ixième présentation d’une étude suédoise de 1967 qui montre l’importance des glucides à l’effort. Jonas Bergström et ses trois collaborateurs s’étaient auto-administrés des diètes contrôlées riches en glucides, en protéines et en lipides, et s’étaient imposé des tests de performance sur vélo jusqu’à épuisement. Ils pratiquaient ensuite les uns sur les autres des biopsies musculaires, dans le but de mesurer la quantité de glycogène musculaire dans leurs mollets. C’est ce qu’on appelle donner son corps à la science! De nos jours, on ne procéderait plus de telle manière, mais cette étude était fort instructive à l’époque. Elle a révélé qu’une alimentation riche en glucides procure une meilleure résistance à l’effort qu’une alimentation riche en protéines et en lipides, ce que les recherches plus récentes prouvent aussi. Je suis fan des grands physiologistes du milieu du XXe siècle, qui ont beaucoup fait évoluer la science malgré les moyens limités dont ils disposaient.