Peu importe votre allégeance cycliste, les Laurentides vous réservent d’agréables surprises. Il suffit, en fait, d’aimer pédaler.
Vélo « toute » autour de Sainte-Adèle
Les propriétaires de boutiques de vélo sont de drôles de cyclistes: ils ont beau étrenner les plus éblouissantes (et coûteuses) machines du peloton, ils n’avancent pas, trop occupés qu’ils sont à gérer leur commerce, saisonnier par définition. Traduction: pendant que vous pédalez, ils réalisent le gros de leur chiffre d’affaires entre quatre murs, les mains dans le cambouis. Et quand, enfin, ils trouvent le temps de rouler, quelque part au mois de juillet, c’est trop tard: la saison est bien entamée, et ils sont largués. Quelle ironie: les plus fervents amateurs de cyclisme sont probablement ceux qui pratiquent le moins le sport.
Benoit Simard est l’heureuse exception à cette règle: des watts, il en pousse en masse, croyez-nous ! Le nom vous dit peut-être quelque chose: Vélo Mag l’a déjà présenté dans ses pages. À l’époque, le copropriétaire d’Espresso Sports, dans les Laurentides, vantait les mérites du gravel bike, un terme que du reste il abhorre – il lui préfère de loin celui de vélo «toute», qui reflète sa grande polyvalence. «Ça fait 15 ans que j’habite les Laurentides, et chaque semaine, je découvre encore des sections de garnotte […]. C’est le plus beau moyen de se réapproprier son terrain de jeu», nous confiait-il alors.
Aujourd’hui, nous avons décidé de le prendre au pied de la lettre. Rendez-vous avec Ben, donc, à la succursale adéloise de l’entreprise. Au menu: une tournée de quelque 60 km dans le quadrilatère plus qu’approximatif que forment les routes 117 et 329 ainsi que les localités d’Arundel et de Saint-Sauveur. Selon ce que m’explique mon guide, on y repérera quantité de chemins de gravier, dont le Corridor aérobique, qui en est l’épine dorsale. «Pour les localiser, on utilise Google Maps. Les segments sur lesquels on ne peut plonger en Street View sont les plus prometteurs», indique-t-il en passant.
Les feux d’artifice débutent sur la rue du Sauvage-Mouillé (!), qu’on dévale à tombeau ouvert jusqu’au lac Millette. Ça pétarade ensuite sur le chemin du Moulin: monte, descend, monte, descend en direction du Corridor aérobique. Puis, après une dizaine de bornes de relative accalmie, ça reprend de plus belle dans un dédale de routes poussiéreuses bordées de lacs et de montagnes, dans l’arrière-pays de Morin-Heights. Nous nous payons même le luxe d’un slalom de 2 km entre les racines d’un sentier forestier pas plus large que nos épaules. Le retour à la maison se fait piano par le P’tit Train du Nord, comme pour nous laisser le temps de digérer ce que nous venons de vivre.
Le rendez-vous
Chaque année, la gang d’Espresso Sports organise une virée pas piquée des vers sur les chemins de traverse des Laurentides: la Gare-Nut Épique. Lors de la 4e édition, le 13 octobre dernier, les participants se sont frottés, en équipes de quatre à six cyclistes, à l’un des deux parcours inédits de 120 et 150 km – rassurez-vous, le tracé GPS était fourni. L’événement, non compétitif, bénéficie de ravitaillements ainsi que de la présence d’un véhicule de support. La journée se termine au Café de la Gare par un festin. Une 5e édition est annoncée pour le 5 octobre en 2019.
Mont-Tremblant en compagnie virtuose
Félix Burke est un fakir. Devant moi, l’athlète de 22 ans lévite au-dessus des sentiers de Mont-Tremblant. Que les 65 km du réseau soient détrempés ne semble même pas lui occuper l’esprit; les roches, racines et autres babyheads, nombreuses, défilent sous les pneus de son Rocky Mountain comme si elles n’étaient que de vulgaires fissures dans l’asphalte. La preuve: le Tremblantois entretient sans peine une conversation avec votre humble serviteur, véritable empoté de la chose cramponnée. Le pédalage de ce spécialiste sur ces pistes techniques (néophytes, s’abstenir) est une ode à l’agilité.
En outre, le type n’est pas pédant pour deux sous. Il le pourrait, pourtant, vu son niveau de performance. En mai dernier, Félix Burke a triomphé sur son propre terrain de jeu en Coupe Canada. Et dans quelques jours, il doit participer à la Coupe du monde U23 de MontSainte-Anne, sa première (il finira 32e ). Au contraire, le jeune homme est un modeste, avec une bonne tête sur les épaules. Chaque automne, il s’expatrie à Victoria, en Colombie-Britannique, afin d’y étudier l’économie et de pédaler sous des températures, disons, plus clémentes qu’au Québec.
À la fin de son année scolaire, le gaillard pose ses valises à Mont-Tremblant, son camp de base pendant la saison de compétition. «Il ne règne pas ici la même ambiance que dans l’Ouest. Là-bas, la montagne est un lieu de pèlerinage. Au Québec, nous avons plutôt tendance à la vivre au quotidien», glisse-t-il au passage. Selon cet amoureux de la région qui l’a vu naître, cela se reflète dans les clientèles. «Mettons qu’ici il y a moins de barbus à l’hygiène douteuse…» Vérification faite, nous n’en avons effectivement pas croisé.
Quand il ne s’entraîne pas, Félix Burke partage avec la relève sa passion pour son sport. Il y a cinq ans, il a d’ailleurs mis sur pied Trail Trybe, un camp de vélo de montagne destiné aux 9 à 14 ans du coin. Son approche est on ne peut plus simple: il faut que les participants aient du plaisir à pédaler, point à la ligne. «S’ils tripent, les habiletés et la forme physique suivront naturellement», estime-t-il. Ce jour-là, nous croisons justement un groupe de jeunes vététistes à l’œuvre. La conversation est de courte durée: la lutte pour le prix du gamin le plus sale possible est, semble-t-il, chaudement disputée…
Le rendez-vous
Les alentours de Mont-Tremblant a aussi une offre généreuse en matière de routes bitumées, les routiers se tournent vers des valeurs sûres comme le chemin du Nordet, même s’ils gagnent à regarder du côté des municipalités de Brébeuf, d’Amherst et d’Huberdeau. Les triathlètes, quant à eux, profitent de la route d’entraînement balisée Ironman, la première du genre sur la planète. Tout ce beau monde se retrouve chez Ocafé Vieux-Tremblant, un café installé chez un vélociste, Cybercycle. On vous conseille le Pantani et le Merckx, deux jus pressés approuvés par Vélo Mag.
Le far west près de Mont-Laurier
Mont-Saint-Michel, à 35 km au nord de Mont-Laurier, ne ressemble en rien à la vedette normande des cartes postales. Ici, on rencontre peu de hordes de touristes en pâmoison, et encore moins une abbaye classée monument historique, mais plutôt des lacs et de la forêt. Beaucoup de lacs et une immense forêt. Résultat: les 503 Michelmontois et Michelmontoises sont des fans finis de bateaux, de quatre-roues et de gros chars, la Sainte Trinité du Dieu essence. Sans surprise, Mont-Saint-Michel est la porte d’entrée de nombreuses pourvoiries.
N’empêche: les parages se prêtent admirablement à une escapade sur deux roues.
De Mont-Laurier, nous avons ainsi emprunté la route 309 jusqu’à Sainte-Anne-duLac, approximativement 50 km plus loin. Le lac en question, d’une superficie de 7 km2 , c’est le Tapani, dont le nom d’origine algonquine désigne une plante herbacée à la racine supposément comestible. Pédaler la route qui le ceinture se fait en environ trois quarts d’heure. Attention, certaines (courtes) portions sont en terre battue.
Plus tôt, c’est le lac des Journalistes que nous avons longé, à Ferme-Neuve. L’histoire veut que huit pousse-crayons y vinssent au début du XXe siècle dans le but de mesurer la progression de la colonisation des Laurentides. Fait cocasse: l’étendue d’eau se déverse dans la rivière du Lièvre par le ruisseau des Journalistes. Nous n’avons pas suivi son cours…
Au dépanneur du village de Mont-SaintMichel, où je m’arrête pour remplir mes gourdes sur le chemin du retour, un local fait irruption. Il tempête: un fin finaud a siphonné l’essence de son quatre-roues.
— Le sacra**** a opéré en pleine nuit. Mon voisin l’a vu se pousser à 4 h 30 du matin.
— Qu’est-ce que tu vas faire? lui demande la caissière, qui connaît manifestement le personnage.
— C’est simple: je l’attends avec mon batte de baseball à soir.
Vous ai-je mentionné qu’il règne ici une petite ambiance de Far West? Alors que je reprends la route vers Mont-Laurier, la trame sonore du film Le Bon, la Brute et le Truand me vient en tête. «When you have to shoot, shoot. Don’t talk.»
Le rendez-vous
Mont-Laurier est un excellent emplacement à partir duquel effectuer de superbes boucles de vélo. Tourisme Hautes-Laurentides en propose d’ailleurs plusieurs, comme celle du Franc Nord (119 km), que Vélo Mag a mise à l’épreuve. La boucle Il était une fois dans l’Ouest (98 km) explore quant à elle les environs de Kiamika et de Saint-Aimé-du-Lac-desÎles. Pour une version plus courte, on opte pour Les Jumeaux de Ferme-Rouge (56 km). Dans tous les cas, le dénivelé est gentil et les paysages sont bucoliques à souhait.