Nous n’irons pas très loin. Pas d’avion, ni de frontière franchissable au sol. Pas de cols mythiques ni de caps, pas de pics ni de péninsules exotiques. Ni Toscane ni Kansas. L’été sera local. Du cyclisme indigène.
Tellement, que nous avons décidé de n’aller nulle part. Un chalet, même dans le coin, pour s’isoler, alors que nous sommes cloîtrés depuis des mois? Merci, mais non. Ce sera le temps de redécouvrir notre territoire, d’arpenter les chemins connus, mais depuis le point de vue de l’estivant, et également de nous bricoler des aventures.
Tours de l’île en goguette. Québec–MontSainte-Anne par les sentiers. Quadriller les rangs terreux de Lotbinière au rythme des tracteurs qui font les foins. Faire ma plus longue sortie à vie. Puis rentrer chez moi. Barbecue et bières, locales elles aussi. L’argent du chalet ou du voyage ira au matériel, achat de proximité en vue de participer à la santé financière de la boutique du quartier. Et à des abonnements aux trois réseaux de vélo de montagne de la région. Pour le reste, nous ferons travailler notre imagination. Et surtout, nous changerons notre rapport au temps. À l’heure locale, comme dirait la voix dans la radio avant le bulletin de nouvelles.
Parce que mes parcours locaux sont si intimement liés à mon quotidien qu’ils ont fini par exhaler le même parfum d’urgence que celui de mon existence de travailleur-toujours-pressé. Je fais toujours les Équerres à bloc. Je fonce vers les Bras-du-Nord en ayant le sentiment de commettre une faute parce que le déplacement me vole du temps pendant lequel j’aurais dû bosser. Je maximise chaque minute sur mes roues en lui trouvant une signification, une cause, un objectif. Faire deux heures en zone 3. Passer du temps de qualité avec ma blonde. Aligner les intervalles de côtes.
L’été sera fait d’autre chose. Il sera frivole. Pas de course. Pas d’objectif. Du plaisir. Du temps retrouvé, comme dirait Marcel. Celui qu’il faut pour prospecter une autre manière de vivre chez moi, ainsi que tous les petits fragments de territoire qui me sont encore inconnus. Bouts de route de terre inexplorés. Rangs perdus où je n’ai jamais le loisir (encore le temps!) de me perdre un peu.
L’été sera fait d’autre chose. Il sera frivole. Pas de course. Pas d’objectif. Du plaisir. Du temps retrouvé, comme dirait Marcel.
Je me suis acheté un sac qui s’accroche au guidon de mon vélo de gravelle. J’y mettrai un lunch et un maillot de bain. Un cell éteint. Un livre, tiens. De la poésie, à lire à l’ombre, après m’être glissé dans le décor du chemin du Mitan ou au bord du fleuve, aux abords de la marina de Sillery, assis sur un morceau de bois flotté plus blanc que l’ivoire.
Puis il y aura des balades nocturnes. Mes favorites. Destination: nulle part et n’importe où. Minuscules feux lumineux qui clignotent rouge dans la nuit urbaine. La berge de la rivière Saint-Charles. Les ruelles de Limoilou. Vêtements amples qui dansent dans le vent, caresses de l’air sur la peau et, dans cette moiteur qui empêche le son de s’évader et le confine, lui aussi, aux alentours, on entendra les échos d’une vraie vie qui n’est pas toujours ailleurs.