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Le blogue de David Desjardins

Traité du zen et du vélo de montagne

18-08-2020
velo de montagne anxiete

Je ne suis pas zen pour deux cennes. L’anxiété me gruge lentement de l’intérieur. Je grince des dents et me mords les joues. Je me ronge les ongles et mon estomac se noue à la moindre mention d’un ressac économique duquel je m’imagine ressortir sans revenu, devant vendre ma maison pour éponger mes dettes, alors que j’en ai si peu.

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Il y a pourtant des moments qui me permettent de toucher à la béatitude zen, cette quête d’un moment présent dans lequel je serais entièrement absorbé, sans crainte de l’avenir ni ressentiment envers le passé.

Je les multiplie, cet été, fonçant vers la montagne, aux aurores, dans le but d’y retrouver ses sentiers et la forêt qui leur sert d’écrin. Je fuis la pandémie, les soucis familiaux et le stress du travail. Dès que mon esprit dérive, je dois le ramener à l’ordre: un moment de déconcentration en vélo de montagne revient à multiplier par cent les risques de chute.

Sur la route, c’est l’effort qui me tire de mes ruminations. Le cœur bat alors trop vite et les muscles réclament tout le sang dont a besoin le cerveau pour s’offrir le luxe de l’inquiétude. En montagne, c’est la technique qui évacue les tracas.

David Desjardins

Sur la route, c’est l’effort qui me tire de mes ruminations. Le cœur bat alors trop vite et les muscles réclament tout le sang dont a besoin le cerveau pour s’offrir le luxe de l’inquiétude. En montagne, c’est la technique qui évacue les tracas.

Il s’agit pour moi d’une forme de yoga. Une méditation active doublée d’un bain de forêt où, sauf pour l’occasionnelle scie mécanique, les seuls sons qui me parviennent sont ceux de mon souffle, de mon vélo et de la nature ambiante. La fugacité du lièvre qui traverse le sentier devant mes yeux ou la course chaotique de suisses paniqués par mon arrivée sont une source de ravissement éternellement renouvelable.

À mesure que l’été avance et que la végétation se densifie, le décor se renouvelle. Mes repères changent. La canopée s’épaissit et modifie la lumière, passée à travers le tamis végétal, se répandant par faisceaux qui ondulent au gré du vent devant mes yeux.

Puis lorsque j’entre dans un secteur technique, c’est le génie humain qui me saisit. Virages aux angles étudiés, ponts manucurés, sauts en tous genres, terrassements splendidement exécutés et autres prouesses des équipes de conception et d’entretien des sentiers forcent mon admiration.

Ce matin, je suis seul dans la forêt et je hurle en passant un obstacle dont la technique de franchissement m’échappait jusqu’ici. Car j’en ai fait mon défi de l’été: améliorer ma technique, franchir des passages qui m’effraient, trouver en moi la confiance nécessaire pour faire taire la petite voix qui répète en boucle la litanie des pires conséquences imaginables et qui me tétanise.

J’y parviens peu à peu. Mon palmarès s’étoile de réussites plus fréquentes à mesure que je gagne en confiance. Comme au yoga, la posture de l’esprit est aussi importante ici que celle qu’on réclame au corps.

Tandis que je reviens vers la ville, seul dans l’auto, la journée commence à peine pour la plupart de mes semblables qui écrivent leurs premiers courriels et sirotent leur second café. Je savoure les quelques minutes qui me séparent encore de ce moment, avec le sentiment que chaque évasion matinale en forêt fait de moi quelqu’un de plus solide. J’y apprends à saisir chaque problème à bras-le-corps, un par un, à ne pas laisser la voix de l’anxiété étouffer mon courage ou mes ambitions.

Je ne suis pas zen, mais le vélo de montagne me montre la voie.

 

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