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Destinations, Reportage

Baja California : Cow-boys, vélo et cactus

03-03-2021

© Jacque Sennechael

Aaron a baissé son chapeau à larges bords sur ses yeux. Appuyé sur l’encolure de Sultan, la mule qui transporte le ravitaillement, il attend deux clientes qu’il va guider sur le sentierSanta Rosa. Nous sommes au cœur du Rancho Cacachilas, au sud de Baja California (Basse-Californie). L’endroit est un paradis pour les cow-boys, mais aussi pour les amateurs de vélo de montagne.

Note de la rédaction, le 1er mars 2021 : Le gouvernement fédéral demande d’éviter tous les voyages non essentiels à l’extérieur du Canada, et ce jusqu’à nouvel ordre.

Le véhicule à quatre roues motrices cahote sur le chemin sablonneux. Ça promet pour les sentiers ! De larges pneus seront les bienvenus. Après avoir franchi la barrière cadenassée du ranch, nous tournons le dos à la mer de Cortés en nous enfonçant dans la sierra. Rafael Camposeco González, dit Rafa, pilote avec la maîtrise de celui qui connaît chaque obstacle. Je vais le découvrir plus tard: il est aussi à l’aise au guidon de son Yeti. C’est le monsieur vélo de montagne et autres activités du ranch. Tout en conduisant, il m’explique l’esprit du Rancho Cacachilas, où travaillent une soixantaine de personnes.

«Voy a hablar en espagnol, tiene que ser muy claro. [Je vais parler en espagnol, je veux être très clair.] Rancho Cacachilas est une communauté qui intègre la responsabilité sociale et environnementale dans ses valeurs. Elle offre une formation continue des employés et affiche de hauts standards en matière d’éthique. Le but n’est pas de faire de l’argent avec une infrastructure touristique, mais d’avoir un terrain où préservation et développement font bon ménage.

Sur le terrain, justement, cet esprit est bien visible: des panneaux solaires fournissent l’énergie, les douches au seau et les toilette sèches évitent le gaspillage d’eau, un immense potager produit les légumes avec un ingénieux système d’irrigation – tous les légumes, les œufs et une partie de la nourriture sont produits localement avec en prime de délicieux fromages de chèvre. Cette orientation préservation ne signifie pas pour autant confort spartiate. L’hébergement est simple, mais confortable. Sur le toit du Rancho Chivato (un des bâtiments faisant partie du gigantesque territoire du Rancho Cacachilas), la vue sur la mer de Cortés est magnifique!

Des sentiers signés IMBA

Dans bien des endroits, l’offre de sentiers de vélo de montagne est jumelée à d’autres activités, du genre «oui, ici, on peut faire aussi du vélo de montagne». Les gérants de Rancho Cacachilas ont pris le problème dans l’autre sens: ils ont d’abord tracé des sentiers de vélo de montagne là où d’autres activités peuvent aussi se pratiquer. Histoire de faire les choses dans les règles, ils ont demandé à l’IMBA de réaliser le sentier Santa Rosa. Son aménagement a en quelque sort servi d’école pour les suivants. À noter que l’exercice n’est pas nécessairement facile. Le terrain est vallonné, avec un bon relief. Surtout, le sol est très sablonneux. Même si le temps est plutôt sec, les pluies sont généralement soutenues, voire diluviennes, ce qui favorise l’érosion du terrain.

Avant de rouler sur les premiers sentiers, je me dégourdis les jambes en randonnant avec Amy et Tracy et notre guide Aaron. Ces deux Américaines sont des habituées du lieu ; elles y viennent régulièrement marcher ou pédaler. Elles l’apprécient particulièrement, certes pour la beauté de l’endroit, mais aussi pour la gestion du ranch, l’esprit qui y règne et la conservation du site. Nous empruntons à pied le Santa Rosa, qui virevolte dans la sierra. Marcher dans un sentier de vélo permet de trouver ses marques, d’identifier quelques trajectoires. Celui-là se dévale et se grimpe facilement à grandes enjambées. Même Sultan la mule, en terrain de connaissance, avance sans même un regard au sol. J’ai hâte d’y goûter sur mon vélo.

En attendant, nous rejoignons le Rancho Las Canos, où un barbecue de cow-boys nous attend. Je passe récupérer mon vélo au Mountain & Bike Hub du Rancho Cacachilas. Cette boutique bien équipée offre la location, la vente et l’entretien de vélos à El Sargento, un petit village où pêcheurs et adeptes de surf cerf-volant (kitesurf) se croisent au bord de la mer de Cortés. Juste en face de la boutique, une pump track permet de se mettre en jambes. Je me retrouve au guidon d’un Specialized Stumpjumper 29 po de l’année, fort bien entretenu. Alejandro sera notre guide, Paula et Tom, deux Canadiens accros aux sentiers de la Colombie-Britannique seront de l’aventure.

Nous embarquons sur le Santa Rosa, découvert la veille en marchant. Premier constat: même si le sol est plutôt sablonneux, il est assez dur pour supporter les pneus de vélo de montagne sans rechigner. Le deuxième est un appel à la prudence : les cactus les plus variés sont nombreux au bord du sentier, et il faut parfois les contourner. Pas question de les frôler de trop près, que ce soit du pneu, du genou ou de tout autre partie du corps ! Le troisième constat en est un d’admiration: là où c’était nécessaire, soit un secteur plus technique, un bras de rivière ou un virage ayant une courbe plus prononcée, les responsables qui ont aménagé le sentier ont réalisé un véritable travail de carreleur italien. Les pierres ont été judicieusement choisies et soigneusement ajustées, autorisant un roulement stable et sans surprise. Bien des pluies diluviennes peuvent s’abattre sur le sentier, ces sections ne bougeront pas. Le Santa Rosa ne présente pas de difficultés insurmontables, offrant de beaux virages en lacets à grimper ou à descendre et des passages à gué de rivières réduites à un mince filet d’eau.

Nous traversons notamment une oasis où des palmiers entourent une rivière – les immenses rochers qui bordent le sentier n’ont pas empêché les palmiers de pousser, ces derniers épousant la courbe des roches en s’élançant vers le ciel. Un peu plus loin, la crête offre une vue superbe sur la baie La Ventana. Alejandro profite de quelques pauses pour nous présenter la flore locale. Évidemment, le cactus cardón est le prince des lieux avec sa taille éléphantesque, et on trouve aussi la yerba de la flecha et le lomboy, qui ont aussi leur personnalité (voir encadré). Le sentier fait une petite dizaine de kilomètres, pour se terminer au Rancho Las Canoas. Roulant et ludique, l’endroit est une belle façon de commencer votre séjour au Rancho Cacachilas avant d’entamer les choses plus sérieuses.

Les richesses de la Sierra

C’est Rafa qui me guidera à la découverte des autres sentiers de la sierra. Nous partons du Rancho Chivato en empruntant un chemin qui grimpe dans la montagne. Au menu de la journée : grimper, justement, avec quelques descentes techniques. Histoire de se chauffer, Rafa veut me faire essayer El Garambullo, un sentier-école d’à peine 800 m. «C’est parfait pour les enfants et pour découvrir les sentiers», me souligne Rafa. Il a raison: ce sentier se déguste comme le délicieux fruit du cactus qui l’a baptisé. Nous emprunterons ensuite une succession de sentiers. Le Cabeza del Caballo (tête de cheval), lui, est nettement plus rocambolesque que le premier. La montée pierreuse demande de la concentration. Middle Mountain est un peu plus reposant, précédant la récompense de El Mirador et de sa flamboyante vue sur la baie de Cortés.

Il est temps de faire fonctionner la tige de selle ajustable en roulant sur le sentier El Salto, qui descend jusqu’au Rancho Dos Hermanos. Nous avons droit à une belle pente et à de nombreux virages qu’il faut négocier en prenant la bonne trajectoire. Dans ce ranch, on y concocte des fromages de chèvre qui ne font pas dans la demi-mesure: durs ou crémeux, tous sont goûteux et affichent une forte personnalité. Un délice avant de remonter sur le vélo. C’est toutefois l’estomac un peu chargé que nous remontons par le sentier La Trinidad, qui nous reconduit au Mirador.

Dans la descente de Cabeza del Caballo, Rafa me propose un raccourci par La Cruz. Tige de selle au plus bas, nous nous lançons dans une belle descente technique et ludique. Faut juste être bien concentré pour ne pas mettre la roue au mauvais endroit. De retour sur le toit du Rancho Chivato, le soleil illumine la baie de Cortés avant de se coucher. Un simple regard panoramique sur 360 degrés suffit pour prendre conscience que l’endroit est un trésor qui aura la chance d’être conservé. En outre, 40 km de nouveaux sentiers de vélo de montagne devraient voir le jour d’ici les deux prochaines années, doublant ainsi l’offre. Rancho Cacachilas rime fort bien avec bicicleta de montaña…

Cacachilas

Le nom du ranch vient de la sierra à l’est de La Paz, ainsi baptisée par les jésuites vers 1700. À l’époque, un village minier existait à cet endroit, réunissant une modeste population de 200personnes. C’est aussi le nom d’une plante feuillue dont les fruits toxiques provoquent la paralysie des membres. Évidemment, les cacachilas poussent abondamment sur le territoire du ranch.

Cardón et autres plantes indigènes

Le cactus cardón de Baja California ressemble un peu à son frère saguaro, qu’on trouve dans les déserts de l’Arizona. Le premier, moins discipliné, montre des branches qui poussent dans tous les sens et peut atteindre plus de 18 m. Le saguaro, moins haut, présente une forme beaucoup plus droite et régulière. La yerba de la flecha borde aussi les sentiers du Rancho Cacachilas. Attention, c’est un excellent producteur de poison. Le lomboy est nettement plus pacifique ; vous pourrez entre autres utiliser sa sève pour arrêter le saignement d’une plaie.

A lire aussi : Uruguay, plat mais loin d’être plate

Repères

COMMENT S’Y RENDRE? Il n’y a pas de vol direct jusqu’à San José del Cabo, ce qui allonge le voyage. Il faut se rendre ensuite jusqu’à la ville de La Paz pas très loin du Rancho Cacachilas (des bus directs font le trajet à partir de l’aéroport), ajoutant trois ou quatre heures.

VÉLOS La boutique du ranch Cacachilas loue d’excellentes montures adaptées au terrain. Il vous suffira d’avoir votre trio personnel casque-chaussurespédales, avec en prime un sac à dos et une bonne réserve d’eau.

SOLEIL Il est recommandé d’avoir tout ce qu’il faut pour bien se protéger des rayons. Et un léger coupe-vent suffit, au cas où. ranchocacachilas.com

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