Publicité
Le blogue de David Desjardins

Les ebikes et notre idée du plaisir

26-04-2021

Photo: Rocky Mountain

Je ne pensais pas écrire sur les vélos à assistance électrique (VAS, ou ebikes) deux fois en une semaine. Mais il faut voir les réponses à mon récent texte! Elles affluent. Elles abondent. Et elles vont dans tous les sens. Faisons le tour ensemble.

Je voulais écrire à propos des VAS parce qu’ils me fascinent. Parce qu’ils m’agacent. Sans doute parce qu’ils m’obligent à contempler mon propre déclin, inévitable. C’est plus facile de se croire invincible que de se regarder dans le miroir en se disant : un jour, je n’irai plus aussi vite. À tout le moins, pas tous les jours.

« Je comprends pas : ton ami est encore en forme et il a un ebike? WTF?! », m’écrit un lecteur. C’est la question la plus facile à laquelle répondre : cela lui procure la possibilité de rouler plus longtemps et plus souvent. S’il se viande en faisant le tour du Lac St-Joseph le samedi sur son vélo de route sans assistance, il peut quand même aller rouler pendant 4 heures en montagne le dimanche. Ou pas. S’il se sent bien, il fera une sortie sur son vélo de montagne avec-pas-de-moteur. J’en connais qui se font des doublées de la sorte. 2h le matin avec leur vélo ordinaire dans les trails. 3h en après-midi avec l’assistance. Sans parler des grands-pères et grands-mères qui peuvent désormais suivre leurs enfants et leurs petits-enfants…

J’en connais aussi qui ont renoué avec le sport et se sont sérieusement remis en forme grâce à ces vélos.

Qui peut être contre ça, sérieusement? Mais bon, d’autre ouate de phoque un peu plus complexe nous attend plus loin.

Sécurité et vivre-ensemble

« Il y a de sérieux enjeux de sécurité et de savoir-vivre, liés au ebike », m’ont écrit plusieurs. Ils ont parfaitement raison. Mais la question est plus vaste. Le VAS participe d’un engouement très large pour le vélo de montagne et de route. Il n’est plus rare de voir des gens qui n’ont à peu près jamais roulé s’acheter des montures en carbone, drôlement bien foutues, mais qui n’ont aucune idée de comment piloter ça. Ni de notion de savoir-vivre.

Or, ça s’apprend. Et il y aura des efforts considérables à fournir au cours de prochaines années pour favoriser le vivre-ensemble sur les routes, les pistes cyclables, les sentiers de vélo de montagne et peut-être plus encore sur les voies partagées entre les piétons, les patineurs et les cyclistes, où c’est parfois le bordel total.

Parce que tout le monde a le sentiment d’être chez lui, et malheureusement, aussi, seul au monde. C’est le problème d’une époque. La réel commence à ressembler à l’horreur virtuelle des réseaux sociaux où tout le monde marine dans la conviction d’avoir raison et d’être dans son bon droit.

Tant les réseaux de sentiers que les villes et les organismes comme Vélo Québec ont un travail de conciliation et d’éducation à faire. Ensemble. Reste à voir comment. C’est le temps de s’y mettre, et vite.

L’aménagement inadéquat et la conduite

Quant à l’érosion accélérée des sentiers, pour le moment, dans la plupart des centres qui les acceptent, les VAS sont considérés comme tous les autres vélos de montagne. L’affaire, c’est que si, en moyenne, on y couvre deux ou trois fois plus de distance qu’avec un vélo « normal », alors on contribue plus encore à l’usure, ce qui nécessite un travail d’entretien accru, donc des coûts en ce moment assumés par l’ensemble des utilisateurs. Or, c’est pas juste. Éventuellement, on risque de voir apparaitre des laissez-passer à prix plus élevées pour les détenteurs de machines assistées.

Le problème du design des sentiers, et même de plusieurs pistes cyclables est aussi en jeu. Un virage conçu pour être abordé à 20km/h nécessite une adaptation de conduite et des compétences. Sans parler que le poids de ces engins les rend beaucoup moins maniables, en particulier aux mains de néophytes.

Encore ici, on fait face à un problème d’adaptation rapide, en décalage avec la montée en flèche de la popularité du sport et l’adoption massive des VAS. Il faut y remédier sans tarder, avant de faire face à des levées de boucliers de la part d’utilisateurs « historiques », excédés d’avoir à jouer à la police avec des cyclistes incompétents, imprudents ou totalement inconscients, ce qui met tout le monde en danger.

Comment? En éduquant, encore. En sévissant, ensuite.

Ouate de phoque, reprise

« Ce que je ne comprends pas, c’est le monde qui a genre 30 ans, qui est en forme et qui s’achète un ebike », m’ont écrit des lecteurs et quelques amis. J’ai aussi envie de dire, ici : WTF? Parce que je ne comprends pas non plus. Mais au fond, la réponse est d’une grande simplicité.

Pourquoi des gens achètent-ils des voitures qui vont à 250km/h alors que les limites sont à 100? Pourquoi y’a-t-il des motocyclistes qui possèdent des engins conçus pour faire le plus de bruit possible? Pourquoi achète-t-on un VUS ou un pick up alors qu’une voiture ferait par-fai-te-ment l’affaire? Pourquoi y’a du monde qui prend les télécabines au lieu de monter en vélo en haut de la montagne? Je pourrais continuer comme ça encore une heure.

La réponse serait la même. Elle est simple, disais-je. Parce. Qu’ils. Peuvent.

Mon mépris n’y changera rien. Le vôtre non plus. Pour la plupart des lecteurs de ce blogue comme pour son auteur, l’effort est une chose souhaitée. Pas que nous chérissions la souffrance, mais nous aimons nous sentir dignes de notre plaisir. Avoir payé pour l’atteindre en travaillant dur. Ce n’est pas du masochisme, mais une forme de méritocratie sportive que le VAS vient de virer à l’envers. Forcément, ça nous ébranle. Notre idée de l’effort et du plaisir ne correspond pas à celle de tout le monde, c’est tout.

Mais le ebike est là pour rester. Faudra s’y adapter. Peut-être aussi interdire clairement l’accès des pistes cyclables aux machines qui ne nécessitent même pas de pédaler et qui s’apparentent pas mal plus à des scooters électriques sans besoin d’immatriculation et vont à une vitesse folle. C’est le cas, me dites-vous? Alors pourquoi j’en vois 10 par jour seulement dans mon coin et jamais un flic pour leur remettre une contravention?

Oui, il y a des gens qui vont moins vite que nous dans les sentiers. Oui, tout ce monde débarqué de nulle part crée des bouchons dans les pistes cyclables. Et comme usagers historiques, il faut se souvenir du mépris subi sur la route pendant des années pour ne pas reproduire le même comportement détestable. C’est pas une guerre.

Alors on va rouler sur la route pour aller vite et/ou on prend son temps à travers les enfants qui vont tout croche et les promeneurs sur la piste. On essaie, si possible, d’éviter les heures d’affluence dans les sentiers. On explique patiemment quand des nouveaux venus font des trucs qui n’ont pas d’allure. Et on prend son gaz égal. Je le dis pour moi aussi, qui ne suis pas un modèle de patience. Nasmaste, gang.

Publicité

Autres suggestions

Le blogue de David Desjardins

Novembre, dehors

Je vais rouler dehors aussi longtemps que je le pourrai cette année. Samedi et dimanche, je me suis fait deux courtes sorties. À peine 55km du même ...
David Desjardins 06-11-2024
Le blogue de David Desjardins

Apprendre (la mécanique) à la dure

Il y a un plaisir évident et une fierté certaine à parcourir la route vers l’autonomie mécanique. Il y a aussi de grands moments ...
David Desjardins 01-11-2024
Le blogue de David Desjardins

Rouler est un poème

Il y a parfois plus de poésie dans une sortie de vélo que dans une soirée de slam. Le son du caoutchouc sur s’asphalte humide est un sonnet ...
David Desjardins 01-11-2024