J’ai souvent dit, écrit et répété que le vélo me sauve de tout ce qui va mal. Mais que faire quand ma bouée prend l’eau?
Normalement, peu importe le bobo, la posologie est la même.
J’embarque sur mon vélo, je pars. Quand je reviens, je suis guéri.
De quoi? De la vie, toi Chose. De tout ce qui cloche. De l’impatience de tout le monde. À commencer par la mienne. De la colère qui règne partout, surtout en ligne. C’est-à-dire, partout partout, puisque c’est là que nous vivons désormais. Sinon? Des gens trop pressés qui vous poussent dans le derrière. Des gens trop lents aussi. Du boulot qui s’empile jusqu’à atteindre une atmosphère où l’oxygène se raréfie. De l’ado qui s’endure plus. De moi qui ne m’endure plus. Du cliquetis des claviers. Des téléphones qui vibrent et bipent. Des courriels. Des bâtards de courriels. Pis de Slack, de Messenger pis du reste.
Donc, normalement, même si passé un certain stade, je n’ai même plus envie, parce que je n’ai plus envie de rien, je pars rouler. Et quand je rentre chez moi, je suis comme neuf.
Mais là, j’ai un problème.
C’est comme si j’avais développé une accoutumance. Ou que le « bleuhhh » que nous ressentons tous plus ou moins en ce moment était devenu trop puissant. Bref, ça ne fonctionne plus à tous les coups.
Mardi, je suis parti en fin de journée, j’étais effondré. Aucun désir de pousser fort ni rien. Juste une destination, un milage en tête. Du soleil et de l’air. Du mouvement et du paysage. Je suis revenu aussi abattu que lorsque je suis parti. Les pensées qui m’accablaient au départ ne m’ont jamais quitté.
« T’as traîné ton petit baluchon de marde avec toi », imageait un ami avec qui je roulais en lui racontant l’anecdote quelques jours plus tard.
C’est exactement comme ça que je me sentais, oui. Normalement, je le laisse à la porte et, au retour, j’arrive à voir plus clair et faire le tri. À garder le bon. À analyser ce qui y pourrit et comment le réchapper, ou le jeter. Là, je m’étais contenté de le trimbaler avec moi. Et je me sentais tout aussi misérable. Voire plus encore.
Pourquoi? Parce que je m’en voulais, d’une certaine manière, de n’avoir pas été capable de faire le ménage dans ma tête en roulant. Même là, je voulais être performant. Dans ma spirale d’auto-flagellation, je me trouvais encore plus débile en le réalisant.
Ça va pas la tête
On n’a jamais autant parlé de santé mentale qu’au cours de la dernière année. Nous vivons une époque sans précédent où toutes nos limites sont sans cesse repoussées. Parfois beaucoup trop loin.
On nous dit d’être bienveillants envers nous-mêmes. C’est une attitude particulièrement difficile à envisager pour les esprits compétitifs. Surtout les gens comme moi qui carburent à l’insatisfaction permanente et qui ont le sentiment d’avoir bâti leur talent et leur forme physique de cette manière. En allant toujours plus loin, quitte à visiter le bord du précipice.
En bas, nous attendent pourtant les démons de la détresse psychologique sous toutes ses formes. Allant de l’anxiété à la dépression. Qui veut aller là? Pourtant, nous sommes nombreux à danser juste en haut, confondant parfois le buzz de la réussite et le vertige.
Performance toxique
Je fais rarement des choses pour rien. Ou alors je ne fais rien. Vous me suivez? Si je fais une sortie de récup, alors je m’attends à en tirer quelque chose : de la récup. Des bienfaits. J’ai besoin que les choses aient un sens. Un but. Un bénéfice. Mais trop souvent, cet objectif est performatif.
J’attendais de ma sortie de l’autre jour qu’elle me guérisse, que la magie opère comme les autres fois, comme si c’était entendu. Or, ce ne l’est pas. Je dois juste accepter ça et recommencer.
C’est ce que j’ai fait les jours suivants. Le médicament universel s’est remis à fonctionner. Il faisait pas chaud dans les équerres, en fin de journée, mais je me sentais bien. Les jambes étaient bonnes. Je longeais la Jacques-Cartier. J’ai vu des gens pêcher. Des chevaux. Un cavalier m’a envoyé la main. J’avais un beau vent de dos. J’ai foncé dans les bosses qui mènent à Tewkesbury avec appétit. Ma mâchoire s’était décrispée. Je n’attendais plus rien et c’est venu. Le poids de ma journée m’avait quitté et je volais jusqu’en haut de chaque côte.
Mais ça ne fonctionnera plus tous les coups. Parce que certains jours, ces temps-ci. le niveau de stress dépasse parfois le seuil de non-retour.
Il faut donc vraiment que j’apprenne à être plus relax avec moi-même. À accepter l’absurde des moments où rien ne marche et attendre que ça passe. Comme dirait Jérôme 50, y’est temps que je monte dans la hiérarchill.