Voici une sélection de livres, proposée par la rédaction de Vélo Mag, pour les amateurs de vélo, mais pas que ! Bonne lecture.
Une route à soi
Une route à soi, de Catherine Blais, présente ces femmes cyclistes, automobilistes et aviatrices qui, entre 1890 et 1940, sortent du cercle étroit de leur existence grâce aux moyens de transport. En plus de vivre l’expérience de la modernité, ces pionnières de la locomotion express ont fait réagir et ont eu un impact sur l’évolution de la société. Ces fugitives qui possédaient la capacité de se mouvoir rapidement ont changé la perception de la «femme moderne» de l’époque. Évidemment, je m’intéresse particulièrement à la cycliste. Bien que la cyclomania ait la cote à la Belle Époque (aux alentours de 1890), ce n’est pas nécessairement facile pour les femmes qui s’aventurent à vélo en public. Les «hygiénistes » et les instances religieuses voient ça d’un mauvais œil. Mais la pratique se poursuit et les mentalités évoluent. La petite reine occupe de plus en plus de place dans la société, chez les hommes comme chez les femmes. Femmes et bicyclettes inspirent les artistes, les écrivains et les publicitaires. Des guides pratiques sont même écrits par des femmes ; ces leçons de cycles fournissent à la fois des conseils et une argumentation en faveur de l’adoption du sport vélocipédique. En 1920, l’automobile prend le relais du deux-roues. C’est à son tour d’être gage de liberté. Heureusement, la bicyclette a continué son petit bonhomme de chemin, et ce, pour le bien-être de tous.
Une route à soi: cyclistes, automobilistes, aviatrices (1890-1940), de Catherine Blais, Les Presses de l’Université de Montréal.
Ville contre automobiles
Olivier Ducharme n’y va pas avec le dos de la cuillère. Le chercheur au Collectif pour un Québec sans pauvreté mène une charge contre l’automobile en ville. C’est à partir d’elle qu’ont été planifiées nos cités, qui sont devenues polluées, peu sécuritaires et ruineuses pour le trésor public. Dans son livre Ville contre automobiles: redonner l’espace urbain aux piétons, le docteur en philosophie tente d’infléchir la tendance. Première action à entreprendre: sortir les «requins d’acier» des rues, qu’ils soient électriques ou à essence. L’aménagement urbain doit plutôt être consacré à la vie de quartier, au transport collectif et à la facilitation de la vie des piétons et des cyclistes. Notre homme est convaincu, et ses arguments sont solides, chiffrés et bien présentés. Au fil des pages, on sent que l’automobile a piégé les habitants des villes. Pas question de se donner bonne conscience en achetant une voiture électrique. Le portrait est réaliste mais très sombre. Avons-nous encore le temps de desserrer les dents du piège en amorçant la transition écologique? La réponse de l’auteur est courte et n’apparaît que dans l’épilogue, quand il ne reste qu’une vingtaine de pages. La marche, les transports collectifs et la vie de quartier sont ses armes de prédilection pour rendre la ville à ses habitants. J’ajouterais sans hésitation le vélo.
Ville contre automobiles: redonner l’espace urbain aux piétons, de Olivier Ducharme, Les Éditions Écosociété.
Dénivelés – Récit de mésaventures quotidiennes
Le vélo est une métaphore de la vie, et Jessica Bélisle l’a bien compris. Celle qu’on surnomme «la cyclovore» en fait la démonstration dans Dénivelés, qui raconte les hauts et les bas de son quotidien d’adepte de défis de très longue distance. Le récit autobiographique aborde la période de 2015 à 2017, pendant laquelle l’autrice multiplie les traversées du Canada sur deux roues, les participations à diverses courses d’ultracyclisme au Québec et ailleurs, de même que les plans plus ou moins foireux. Dans un style accessible et empreint d’autodérision, Jessica, aujourd’hui âgée de 31 ans, raconte ses mésaventures sans verser dans la gloriole de bas étage. Si Dénivelés ne relève pas de la grande littérature, il a le mérite de transporter le lecteur, ce qui n’est pas de refus en ces temps de vous-savez-quoi. En ce sens, le bouquin s’apparente aux chocolats chauds que la cycliste ne cesse de s’enfiler au fil de ses tribulations : il est simple, sans prétention et fait du bien.
Dénivelés – Récit de mésaventures quotidiennes, par Jessica Bélisle, Autoédition (On peut se le procurer sur le site de Jessica: geminii.ca)
Socrate à vélo – Le Tour de France des philosophes
Guillaume Martin a réalisé une merveilleuse saison 2020. Il s’est classé 11e au Tour de France et a enfilé le maillot du meilleur grimpeur de la Vuelta. Ça, c’est pour le volet sportif du personnage. Le coureur français de la formation Cofidis a d’autres facettes: cycliste professionnel et détenteur d’un master en philosophie. Il a réussi l’exploit de réunir ces deux mondes dans son livre Socrate à vélo. Il vous suffit d’imaginer Socrate, Nietzsche, Marx, Platon, Aristote sur la ligne de départ à Nice. Chacun de ces coureurs pédale avec sa personnalité. La vivacité d’esprit de ces cyclistes hors normes compensera-t-elle leur manque de jambes? Le style de Guillaume Martin est aussi dynamique que son coup de pédale. Ses réflexions réhabilitent le sportif, cet individu certes musclé mais intelligent aussi. Après tout, penser et pédaler sont deux activités parfaitement compatibles, et notre coureur cycliste le démontre en y ajoutant une bonne dose d’humour. Socrate gagne à la Planche des Belles Filles, mais je ne vous dirai pas qui a rapporté le maillot jaune à Paris.
Socrate à vélo – Le Tour de France des philosophes, par Guillaume Martin, aux éditions Grasset
Le triple champion dévoile ses secrets
Le prix Nobel de littérature Gabriel García Márquez n’a pas écrit seulement Cent ans de solitude, il a aussi exercé le métier de journaliste. Le quotidien colombien El Espectador lui a donné le mandat de suivre le coureur Ramón Hoyos, l’idole du pays. Pendant cinq jours, le journaliste-écrivain s’entretiendra avec cet être discret, qui ne se dévoile qu’avec parcimonie. García Márquez notera scrupuleusement chaque mot en partageant ses cigarettes et de nombreuses tasses de café avec l’athlète. Petit à petit, il en émerge un magnifique coup d’œil sur le cyclisme des années 1950 en Colombie. De manière très précise, on saura tout sur la psychologie du champion, son rapport à la douleur, la célébrité. La vie du «scarabée de la montagne» est loin d’avoir été un long fleuve tranquille. La réalité dans ce pays durant cette période non plus… Et puis, le journaliste avait le mot aussi juste que l’écrivain. Nairo Quintana, qui préface ce livre, le reconnaît: quand deux monstres sacrés se rencontrent, le résultat ne peut être qu’explosif.
Le triple champion dévoile ses secrets, par Gabriel García Márquez, aux éditions Marabout