Pourquoi tant de chutes lors des premières étapes du Tour? Parce que c’est toujours un peu la folie, au départ de la Grande Boucle. Mais il y a peut-être d’autres explications et quelques solutions pour y remédier et éviter le bain de sang et le paquet d’os brisés.
J’ai regardé la troisième étape du Tour en différé, en mangeant. J’ai rapidement perdu l’appétit. Parce que je n’en ai aucun goût pour les chutes, en partie parce que je suis suffisamment tombé en course, moi-même, pour deviner comment se sentent tous ces coureurs qui devront mal dormir avec de la peau arrachée, des épaules replacées à la va-vite comme et des fractures que l’on ne diagnostiquera qu’à la fin des trois semaines de course.
À côté de ça, le joueur du Lightning qui a reçu une rondelle sur la cheville lors du premier match contre le Canadien, en se sacrifiant pour l’arrêter, c’est de la petite bière.
Mais qu’est-ce qui explique qu’il y ait tant de chutes? Et peut-on prévenir pareil carnage? Voyons voir.
La règle du 3km et les secondes à grapiller
Il fut un temps où, lors des étapes de sprint, les prétendants au classement général se tenaient à l’écart, laissant la place aux marchands de vitesse. Ce n’est plus le cas. Chaque seconde compte et tout le monde veut passer la borne indiquant 3km à faire, puisque le règlement stipule qu’à l’intérieur de cette limite, si vous tombez ou avez un ennui mécanique, on vous attribuera le même temps que le peloton. Donc, jusqu’à 3km, c’est la folie générale et TOUTES les équipes veulent être à l’avant. Celles qui défendent le classement général, celles qui amènent leurs sprinters. C’est la folie totale. Donc faire partie du groupe de tête, si un autre candidat au général est derrière, c’est payant. C’est pour cela qu’on voit désormais les meneurs du classement général arriver de plus en plus souvent dans le même temps que le peloton qui amène les sprinteurs. Ce qui nous amène à parler du terrain.
Le terrain est identique, tout le monde va plus vite
Il va bien falloir se rendre à l’évidence : le peloton va vite, de plus en plus vite. Et tout le monde bataille pour être devant. Mais les routes européennes dans les petites villes et les villages sont aussi étroites qu’autrefois.
Dans la troisième étape, on rentrait en ville en descendant, au-delà de 70km/h, avec des virages, puis du mobilier urbain et encore des virages. C’est une recette parfaite pour la catastrophe.
Ce n’est pas le cas qu’au Tour. Au Giro, on a un problème semblable. Lors de nombreuses classiques aussi. En fait, le terrain de jeu est probablement encore plus piégeux qu’autrefois puisque le mobilier urbain est encore plus foisonnant.
Sauf que… Le Tour, c’est aussi une carte postale française. On peut bien dire qu’on va tenir le final en dehors des villages, mais l’organisation de la course perdrait au change, puisque les municipalités qui accueillent une étape paient le gros prix pour faire partie du spectacle.
Entre 65 000 Euros et 110 00 Euros pour une étape. De 2 à 10 millions pour un Grand Départ.
Si ça se passe devant un gros Super U à côté d’un Castorama, dans un powercenter de banlieue, pas sûr que ça vaille quoi que ce soit, ni que ça attire le touriste voire même le fan local.
Ceci dit: faut-il vraiment toujours faire faire plusieurs virages à haute vitesse dans les deux derniers kilomètres? Certains diront que ça fait partie du « jeu ». Je les entends. Je l’ai longtemps pensé aussi. Je n’en suis plus aussi sûr.
Un prologue pour calmer le jeu?
Parmi les propositions pour éviter la casse, quelques coureurs ont suggéré de rendre les parcours plus sécuritaires, bien sûr, mais aussi de ramener les prologues, comme un contre-la-montre individuel ou par équipe, ou un parcours plus court et sans danger afin d’apaiser les tensions qui sont toujours de mise lors des premières étapes du Tour de France.
C’est, après tout, la course la plus importante de l’année. Tout le monde veut remporter un étape, ou mieux, le classement général. Les meilleurs sont sur place. Ça se dispute les positions. Forcément, il y a presque toujours des chutes. Une roue avant qui en touche une autre est si vite arrivée.
(Et on ne parle pas des fans idiots qui veulent passer à la télé, bien que je ne sais pas exactement s’il s’agit d’une bonne idée ou pas de les poursuivre en justice comme souhaite le faire le Tour avec la spectatrice qui a fait chuter Tony Martin et tout le monde derrière, en plus de faire savoir au monde entier que Opi Omi veut dire grand-mère en Allemand).
L’ennui, c’est que c’est toujours la même chose avec le cyclisme. Les grands organisateurs comme ASO (qui organise le Tour, mais aussi plusieurs autres courses importantes, comme Paris-Nice, Paris-Roubaix, etc.) mènent le bal. L’UCI fait passer des règlements ridicules pour donner l’impression qu’elle veille à la sécurité des coureurs, et ces derniers sont représentés par un pseudo-syndicat avec lequel, car ils sont aussi à blâmer, ils ne se donnent même pas la peine d’interagir et d’échanger lorsque des négociations ont lieu avec l’UCI.
Bref, c’est chacun pour soi. Donc on n’est pas sortis du bois. Et les soigneurs n’ont pas fini de changer des pansements.