Entre Montréal et Ottawa se trouvent de nouveaux sentiers de vélo de montagne qui sont tout indiqués pour commencer – et continuer ! – la pratique de ce merveilleux sport. Surtout lorsqu’un bon drainage favorise l’utilisation précoce des sentiers.
La forêt Larose, c’est plat comme une planche de plywood ! » m’avoue d’entrée de jeu Louis Prévost, directeur de l’urbanisme et de la foresterie dans les Comtés unis de Prescott et Russell (CUPR), dans l’Est ontarien. Alors pourquoi avoir voulu s’embarquer dans un projet de plusieurs dizaines de kilomètres de sentiers ? D’abord pour répondre à un désir de la population locale, mais peut-être aussi pour que le directeur lui-même n’ait plus à se déplacer à l’extérieur lorsqu’il veut s’amuser sur deux roues !
Et le défi est plus que réussi. J’ai, dans les dernières années, visité la forêt Larose à plusieurs reprises avec ma copine Gabrielle. Visiblement, le vélo de montagne n’a pas besoin de montagnes pour être agréable. En voyant des cyclistes de tous les âges et de tous les calibres, j’ai eu le goût d’en apprendre davantage sur ces pistes encore peu connues.
Le désert de Bourget
L’histoire de la région remonte au début du XIXe siècle, lors du blocus continental européen. Dans le but d’alimenter la marine britannique, les expéditions de bois en provenance de l’Amérique du Nord se multiplient par mille en cinq ans, à partir de 1804. En 1810, le bois constitue 75 % des exportations canadiennes, dont une bonne quantité d’immenses billots issus de la région de Prescott et Russell. En quelques années, les forêts centenaires sont rasées, et les colons viennent s’installer sur ces nouvelles terres. Mais sous les arbres coupés, on ne trouve que du sable ; l’agriculture y est ardue, voire impossible. De grandes plaines sont laissées à l’abandon, surnommées « le désert de Bourget », du nom du village voisin.
En 1928, l’Ontario débloque des fonds en vue de reboiser les terres. L’agronome municipal, un dénommé Ferdinand Larose, met sur pied un programme local de plantation, qui durera jusqu’en 1970. La forêt qu’on trouve aujourd’hui est mature et diversifiée. Elle compte beaucoup de pins rouges et blancs, des épinettes, ainsi qu’un éventail de feuillus qui donnent un charme automnal aux sentiers.
Des pistes roulantes
C’est en partie ce sable toujours présent sous la forêt qui donne aux sentiers des lignes aussi lisses. Ici, pas de roches et presque pas de racines. Certes, le dénivelé est plywoodien, au dire de Louis Prévost, mais ses constructeurs ont su profiter de chaque morceau du relief pour ajouter au plaisir. Tout en roulant, celui-ci m’explique qu’on a toujours le choix de prendre de la vitesse rapidement en descendant une baissière (grand trou qui servait à garder l’eau de pluie d’un champ) ou de prendre la chicken pass, plus horizontale.
C’est d’ailleurs cette capacité à plaire à tous les usagers qui caractérise le mieux les sentiers de la forêt Larose. Comme ceux-ci n’ont presque pas d’obstacles, sinon des bosses bien travaillées, on peut y rouler très lentement, ou « à fond », selon le directeur. À plus haute vitesse, les omniprésents virages inclinés (les berms) sont idéaux pour peaufiner l’inclinaison de son vélo dans les tournants.
Enfin, les pistes sont solides et stables, bien que la grande majorité soient en sable. Surtout que, contrairement aux régions dont les sentiers sont plus boueux et moins bons pour drainer l’eau, il n’y a ici pratiquement pas d’attente pour rouler après la pluie, précise Louis Prévost. Pour la même raison, c’est aussi un des premiers endroits qui peut ouvrir en début de saison.
Pour tous
Il y avait déjà des pistes de raquette dans la forêt Larose. C’est en sondant la population que l’administration municipale s’est aperçue qu’il y avait de la demande pour beaucoup plus. Quand François Létourneau, un expert en aménagement de sentiers bien connu des Laurentides, est arrivé pour évaluer le terrain, il peinait à y croire. Un immense territoire forestier de 17 000 acres pouvait être développé ; le rêve pour un concepteur de sentiers plein d’imagination. Le fait que la municipalité était l’unique propriétaire des terres représentait aussi un net avantage. Qui plus est, la coupe et la vente de bois ainsi que la location d’érables aux acériculteurs fournissaient des revenus qui permettaient d’en développer une bonne partie.
Une condition préalable avait été posée par la municipalité : les pistes devaient être faciles et accessibles à tous. Condition remplie si on se fie à la diversité de l’âge et des habiletés cyclistes des gens rencontrés. Nous parlons à un groupe de trois dames qui se réjouissent de voir « de plus en plus de femmes plus âgées commencer le vélo de montagne ». Elles-mêmes font régulièrement deux heures de route pour venir s’amuser dans la forêt. Nous croisons également plusieurs familles avec de très jeunes enfants. D’après les parents, ces futurs champions s’améliorent très rapidement et avec confiance sur ces sentiers sécuritaires.
Moi-même qui roule en sentier depuis une vingtaine d’années, je traverse la forêt avec un sourire étampé sur le visage. En plus des baissières, plusieurs jeux ont été pensés en fonction du terrain. C’est le cas du Bol à Frank, nommé en l’honneur de son constructeur. Le nom dit presque tout : c’est un grand trou dans le sol dans lequel on peut tournoyer comme à l’intérieur d’un bol géant.
On trouve aussi une pump track, quelques sauts plus importants et un mini Sidewinder. Ce dernier est inspiré du sentier du même nom situé à East Burke, au Vermont.
En plus du Vermont, Louis et son collègue Nicolas Gauthier se sont beaucoup promenés en ayant pour but de répéter chez eux ce qui leur plaisait le plus ailleurs : la qualité des indications de l’ex-Chanteclerc à Sainte- Adèle, le flow d’Oka, la construction d’une piste à rouleaux à Saint-Jovite… Ces idées ont ensuite été adaptées au relief et de façon à respecter le plus possible la nature et la biodiversité de la forêt Larose.
En plein essor
Depuis ce sondage réalisé auprès de la population, qui réclamait davantage de sentiers, les Comtés unis de Prescott et Russell n’ont pas chômé. Dix premiers kilomètres ont été inaugurés en 2017, totalisant 40 km à ce jour. Selon un plan de développement qui s’étale jusqu’en 2025, les deux secteurs, ouest et est, sont toujours en croissance, pour atteindre 70 km de sentiers. Un pavillon d’accueil a également été construit, où il est possible de louer des montures été comme hiver, notamment des fatbikes. Les sentiers de sable font place à de blanches pistes durant la saison froide.
Entre deux courses amicales avec moi, mon hôte met le pied à terre et me souffle que le mot circule de plus en plus chez les amateurs. Avant même l’explosion touristique de l’été 2020, de plus en plus de locaux et de touristes venaient déjà découvrir les pistes. Derrière le directeur, de jolis papillons orangés virevoltent dans la lumière douce de l’automne. Quelques rayons passent à travers les hauts pins qui dansent dans le vent. Je comprends pourquoi les amants de la nature viennent ici encore et encore.
« Et toi, Louis, tu visites encore d’autres centres de vélo ? — Pas mal moins qu’avant, répond-il avec le sourire. Je suis toujours ici… pour le travail, bien sûr ! »
Infos :
Des laissez-passer journaliers et saisonniers (ce dernier au coût de 25 $)
sont disponibles auprès de l’Association de vélo de montagne de l’Outaouais.