Mon fatbike devait arriver en octobre. Puis en novembre. Puis début décembre. Puis entre Noël et le Jour de l’an. On m’a appelé quelques jours avant pour me dire que ce serait « finalement » fin février. J’insiste sur les guillemets : on n’en sait trop rien.
Après presque deux ans de pandémie, chaque commande dans le monde du vélo est une prière que l’on fait en lançant une pièce de monnaie dans une fontaine, avec les doigts croisés. La chance n’a peut-être rien à voir dans les problèmes de rupture de la chaîne d’approvisionnement qui affecte presque tout le milieu manufacturier, mais bon, un peu de superstition ne peut pas nuire. Ne serait-ce qu’en ajoutant un brin de mysticisme au marché, alors que le prix du conteneur vide se transige à des tarifs qui relèvent de la magie noire.
J’écris donc ceci alors que le Québec replonge dans un mauvais flashback pandémique qui n’augure rien de bon pour personne.
Car si vous croyez que les détaillants cyclistes et, plus largement, du monde du sport, font des affaires en or, la réalité est plus nuancée.
Oui, ils écoulent leurs stocks. Oui, les vélos s’envolent. À condition d’arriver. Sans parler des problèmes de main d’œuvre ou simplement d’assurer les garanties sur des vélos neufs, alors que les ateliers sont surchargés.
Les pièces manquent. Les réparations ne sont pas toujours possibles. Les vélos sont insuffisants pour répondre à la demande. Ça fait beaucoup de service à la clientèle à offrir (pas toujours patiente et compréhensive) et énormément d’occasions d’affaires manquées.
Cela a provoqué une flambée du marché de l’usagé. L’été dernier, je cherchais un vélo de ville pour ma grande fille de 17 ans. La base de la base. Je ne trouvais rien sous les 400 ou 500$. On parle de vieux hybrides déglingués dont la valeur à neuf d’excédait sans doute par les 300 ou 400$. J’ai fini par lui acheter une poubelle, datant du pléistocène, qu’elle adore. Brun métal flake. Vitesses au cadre.
Nous pour le reste, nous apprenons à vivre avec ces incertitudes. J’ai déjà commandé mes pièces de remplacement pour l’été (des chaînes en masse, des galets qui seront bientôt dus, une cassette, une batterie de Di2, des patins de freins…) en prévision d’éventuelles ruptures de stock.
En attends, j’attends mon fat, les doigts croisés. Il arrivera quand il arrivera. Entre la fatigue pandémique qui suscite l’exaspération et la répétition de l’attente qui mène à la zénitude, je tente, tant bien que mal, d’adopter la posture la plus sage des deux.
Je nous souhaite une année 2022 quand même un peu moins débile que les précédentes. Encore ici, croisons les doigts. Ne nous reste que la chance à invoquer.