Après des saisons d’incertitude, puis de succès suivis de passages à vide, Guillaume Boivin a conclu sa plus belle saison en carrière sur un fait d’armes que les amateurs ne sont pas près d’oublier.
Paris-Roubaix, octobre 2021. Pour une rare fois, il pleut. Beaucoup. Les virages se sont transformés en étangs. Les pavés de l’Enfer du Nord font tellement de victimes qu’à la sortie de la trouée d’Arenberg, le peloton est décimé, morcelé en petits groupes, tandis que plusieurs favoris, dont Wout van Aert, se retrouvent piégés derrière une chute provoquée par Luke Rowe.
Parmi les survivants du carnage, on reconnaît Sonny Colbrelli (le gagnant), Mathieu van der Poel (la jeune légende), Florian Vermeersch (la surprise, deuxième à l’arrivée), Gianni Moscone (le détesté) et, surtout, Guillaume Boivin, portant les couleurs de champion canadien, répondant à toutes les attaques avec un flegme et une puissance qui font plaisir à voir. Le Québécois de la formation Israel Start-Up Nation est drôlement fort des jambes ce jour-là. Mais pas seulement.
« Ça a vraiment été une saison superbe », relate-t-il, depuis la Californie, où il a établi sa base d’entraînement hivernal quelques mois plus tard. Il n’a donc pas été aussi surpris que nous – sans parler des commentateurs anglophones qui n’en revenaient simplement pas – de se retrouver dans ce groupe sélect. La force démontrée sur les pavés, « c’est le résultat d’une trajectoire », décrit-il.
Une première sélection pour le Tour de France, une forme incontestable aux championnats du monde et une montée en puissance au Benelux Tour. « Plus la saison avançait, meilleur j’étais et plus j’étais confiant. Donc, je n’étais pas vraiment étonné d’être là », dit-il sans fanfaronner, donnant plutôt l’impression d’un athlète mature, capable d’analyser avec rigueur ses performances.
Ça ne change pas le monde, sauf que…
Une chute à quelque 20 km de l’arrivée lui a cependant coûté un possible podium (il termine 9e), raconte celui qui a traversé le piégeux Carrefour de l’arbre en ne tenant son guidon pratiquement que d’une main, en raison d’un poignet amoché. Mais « c’est venu confirmer ce que beaucoup de gens voyaient en moi ». Comme une promesse qu’il aurait enfin tenue.
La confiance croissante de son équipe Israel Start-Up Nation place le Québécois sous de bien favorables auspices pour la saison à venir. Principalement lors des classiques printanières où il sent qu’on lui laissera de plus en plus d’occasions de jouer la gagne. « On arrive à ces courses avec trois ou quatre gars solides [NDLR : dont le joyau flandrien Sep Vanmarcke] et je sais que si je lève la main, on me donnera ma chance. »
Sans parler du fait que l’équipe paraît soudée comme jamais, avec l’arrivée de Hugo Houle, transfuge de chez Astana après le retrait de la firme québécoise Premier Tech comme cocommanditaire principal. Celui-ci s’ajoute aux James Piccoli, Alexander Cataford et Michael Woods pour former la plus canadienne des équipes World Tour. Des gars que Boivin connaît depuis des années, avec lesquels il a l’impression de se sentir chez lui. « Tsé, il n’y a jamais trop de chimie dans un groupe. » C’est encore plus vrai dans cet étrange sport individuel qui se pratique en équipe.