Ce qui se tramait depuis deux saisons est désormais bien clair : il s’opère un changement de garde majeur dans le cyclisme professionnel.
Avez-vous crié de joie, comme moi, lorsque Biniam Girmay a remporté Gent-Wevelgem dimanche dernier? Le premier coureur africain à trôner au sommet du podium d’une grande classique s’est imposé au terme d’une échappée qui a menacé d’être reprise jusqu’à la toute fin. Un spectacle haletant, remporté avec panache.
Cela faisait plusieurs fois qu’on voyait le coureur érythréen de l’escouade belge Intermarché-Wanty-Gobert Matériaux aux avant-postes. Il avait levé les bras dans une des courses d’un jour de début de saison à Majorque. Il était dans le coup sur le poggio à Milan-San Remo (12e), aux portes du podium la veille sur E3 (5e place) et sur Paris-Nice (un 4e place et deux 6e places). 10e sur Milano-Torino. Son moment de gloire approchait.
Jeunes loups
Girmay est l’un des nombreux nouveaux venus, appelons-les ainsi, qui ferment la porte aux glorieux d’hier. Surtout dans les classiques. Greg van Avermaet, Alexander Kristoff, Peter Sagan, Sep VanMarcke et consorts paraissent en fin de parcours. En particulier Sagan, qui fait presque pitié à voir, n’étant plus que l’ombre de son triomphe passé.
Les pavés appartiendront vraisemblablement, désormais, aux van der Poel, Van Aert, Pidcock, Asgreen, Merlier, Mohoric. Sans oublier Pogacar, bien sûr. Ils ont tous plus ou moins entre 22 et 27 ans. Le couteau entre les dents. Et des victoires immenses à leur palmarès, déjà. Tenez, seulement ceux que je viens de nommer, dans les 3 dernières années, se partagent déjà des étapes du Tour, deux victoires au classement général de cette même grand boucle, un Tour des Flandres, des médailles olympiques sur route et en montagne, une poignée de monuments et des titres de champions du monde. Rien que ça. Je ne ferai pas le décompte, ce serait trop long.
Mais chose certaine, cette nouvelle bande change la donne.
Les courses sont plus incertaines, plus animées, les échappées qui se rendent à destination, plus nombreuses. Ils gagnent des courses au courage ou les perdent en arrachant tout. La défaite de Mathieu van der Poel derrière Sonny Colbreli sur Paris-Roubaix l’an dernier était tout simplement splendide. Une erreur de calcul. Des efforts mal placés. Qu’importe. C’était splendide.
J’écris ceci à quelques jours du Tour des Flandres, de Roubaix, avant que ne débute le Giro. Et nous avons déjà derrière la cravate un début de saison qui déborde de rebondissements, de coups d’éclat, de finales à couper le souffle.
Tout va plus vite. Les coureurs eux-mêmes le disent. C’est la folie dans le peloton. Et si certains déplorent un certain manque de savoir-vivre chez les jeunes, le spectacle qui nous est offert est absolument splendide. Ça ne fait que commencer. La nouvelle génération rebrasse les cartes et change le visage du sport.
Celui de Girmay se démarque dans le lot. Et c’est tant mieux. Le cyclisme a besoin de sang frais, d’une image renouvelée, de héros venus d’ailleurs que d’Europe. L’avenir lui appartient. Et lui et aux autres héros de la route.