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Le blogue de David Desjardins

La route comme défouloir – partie 2

29-05-2022

La route est un défouloir… et un territoire de conflit entre utilisateurs frustrés.

Les gens sont en furie. Ils ont leurs raisons.

Deux ans de pandémie, des enfants et des couples à la dérive, une inflation galopante, ça peut vous mettre en rogne. L’humain étant comme il est, il se cherche des boucs-émissaires. Les cyclistes sont d’excellents candidats pour permettre de se défouler sur la route.

Oh, ils ne sont pas les seuls. Je veux dire que la folie furieuse qui semble s’être emparée des automobilistes n’est pas uniquement dirigée envers les utilisateurs les plus vulnérables.

Je vois des choses autrefois impensables, sur la route.

J’aurais aimé prendre une photo devant la SAQ de la 3e avenue vendredi dernier pour étayer ma preuve : je n’ai jamais vu les gens se stationner de la sorte, n’importe comment, quitte à bloquer la rue, en activant les feux clignotants d’urgence, comme si cela justifiait de se stationner n’importe comment pour éviter de marcher 20 mètres pour acheter sa bibine.

Les dépassements dangereux sont courants. Entre automobilistes, j’entends. D’autres conducteurs paraissent dormir au volant. Le Soleil rapportait récemment que les grands excès de vitesse sont très fréquents, ce printemps.

Un printemps sous le signe de la violence verbale

Il souffle un vent de liberté post-pandémique. Et l’objet qui représente encore le mieux la liberté pour la majorité de mes concitoyens, c’est leur voiture. Qu’importe si elle est toujours neuve et que la liberté vient à un prix qui étrangle leurs finances. Nous ne sommes pas, humains, à une contradiction près.

Tout cela pour dire que cet élan de liberté routière se manifeste souvent par des accès d’impatience, d’inconscience, mais aussi un phénomène qui émane sans doute d’avoir fait la leçon à son prochain dans les réseaux sociaux pendant deux ans en continu : se sentir investi du pouvoir de hurler aux cyclistes qu’ils doivent faire « leur stop », aller rouler dans la piste cyclable ou emprunter une route moins fréquentée.

En fait, je ne me souviens pas d’un début de saison avec autant d’altercations que celui-ci.

Pour référence et par souci de transparence : je conduis mon vélo avec le même esprit qui me guide en auto. Avec prudence, en respectant le code de la sécurité routière de manière sensée, mais pas nécessairement scrupuleuse.

En auto, ça veut dire que je roule un peu au-dessus de la limite de vitesse lorsque c’est prudent de le faire, et que mes arrêts, lorsque ma vue est entièrement dégagée, ne durent pas toujours trois secondes. En vélo, ça signifie que mes arrêts obligatoires ne le sont que si 1) il n’y a personne qui arrive dans les autres directions 2) je suis en mesure de m’assurer que personne ne vient et que ma vue porte donc assez loin.

Bref, quand ça arrive, je ne mets ni ma sécurité ni les gros nerfs de quiconque en danger. Mais ce qui passe en voiture n’est pas toléré en vélo.

Je me fais donc invectiver par les gens. Sans gêne. À pied. En auto. « Fais ton stop. »

Qu’importe si je leur explique qu’il est plus sécuritaire pour moi d’être devant les voitures qui suivent derrière, que j’ai ralenti à la même vitesse que la voiture avant moi qui n’avait fait son arrêt qu’à moitié.

Je tente d’être civil. Si j’arrive à un arrêt avec d’autres véhicules, je respecte l’ordre de passage comme si j’étais en voiture. Je tente d’être le plus sympathique possible. Mais je ne traine évidemment pas mon dossier de cycliste respectueux affiché au dos. Pour ces gens, une infraction est toujours de trop.

De toute manière, ce qui semble vraiment important, c’est de faire la morale à son prochain et de se défouler sur son dos. C’est l’idée d’avoir l’ascendant. D’avoir pris un cycliste en défaut.

Il y a certainement quelque chose au fond de l’esprit de ces gens qui relève de la douce revanche morale dans tout ceci: dans le discours public, l’auto est de plus en plus considérée comme un problème de société, le vélo comme un symbole vertueux. C’est comme de prendre le curé à voler des bonbons après son prêche sur l’honnêteté.

La route est un réseau social

Nous avons, comme société, un grave problème d’intolérance à la différence. Cela, doublé d’une colère commune, d’une impatience endémique, d’une incapacité à attendre 30 secondes qu’une personne se stationne en ville (j’ai dû descendre de voiture pour expliquer les bases du vivre ensemble au conducteur d’un petit camion qui me klaxonnait dessus parce que j’attendais -au total 10 secondes- qu’une personne libère une place de stationnement pour que je la prenne à mon tour, c’était à mon tour de jouer à la petite police de service, il faut croire).

La route est un défouloir idéal. Nos rapports se font dans la vitesse, sans obligation de s’arrêter pour s’expliquer, à l’abri de son costume de cycliste ou de la carrosserie de sa voiture. Comme dans les réseaux sociaux.

Serait temps que tout le monde prenne une grande respiration. La situation est en voie de devenir intenable et je crains assez souvent les gestes dangereux de conducteurs en furie qui me frôlent. Avant que le pire ne survienne encore, calmons-nous un peu. Nous avons besoin d’être plus patients, ça presse.

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