Premier carnet du Tour de France : l’histoire « Cendrillon » de Simon Clarke et la chance de Pogačar.
Tout le monde aime les histoires « Cendrillon ».
Celle de Simon Clarke en est un parfait exemple. De chômeur à gagnant d’étape au Tour. De domestique à champion. De repêché (sans doute bon marché) à quatrième meilleur pointeur pour son équipe qui travaille dur dans les coins pour grappiller tous ceux qui lui permettront de conserver son statut d’équipe World Tour.
À la manière d’un conte de Disney, revenons dans le passé, celui d’avant cette belle et costaude échappée qui a couronné l’Australien aux portes d’Arenberg à la cinquième étape.
Comme Cendrillon, Clarke a toujours été au service des autres. Et, comme le soulignaient de nombreux commentateurs cette semaine, il est d’une exemplaire gentillesse.
Quatre ans chez Orica. Cinq chez EF (qui s’appelait Cannondale à ses deux premières saisons dans l’équipe). Clarke s’est retrouvé sans boulot à la fin de la dernière saison lorsque son employeur, Qhubeka NextHash a fermé boutique. Israel – Premier Tech lui a offert un contrat d’un an. En retour, il leur a donné leur première victoire d’étape du Tour.
Sans parler que, discrètement, depuis le début de la saison, le coureur de 35 ans engrange les points pour son équipe avec un podium ici, une belle place sur une classique par là.
Comme la place des équipes en première division(World Tour) est désormais tributaire des points UCI qu’elle accumule et que Israel – Premier Tech a connu un début de saison de misère, la constance de Clarke est une bénédiction.
Le natif de Melbourne peut désormais se vanter d’avoir deux victoires d’étape sur la Vuelta et une sur le Tour, en plus de s’être mis au service de géants de la route.
Un chausson de verre qui n’est pas tombé du ciel : après une pénible journée au bureau dans l’échappée, Clarke a été patient, brillant et fort. Les jambes et l’expérience. Tout le monde aime les histoires qui finissent bien. Surtout quand le héros s’est auparavant sacrifié sans compter.
Pogačar, Roglič et la chance qu’on fait
Avant de se moquer de ses rivaux sur le final de la sixième étape où il a sprinté vers la victoire, le prodige qu’est Tadej Pogačar a montré qu’il savait tout faire. On le savait capable de grimper comme une brute, de plonger dans une route de terre à mach12 pour remporter Strade Bianche, de défier les spécialistes sur les pavés belges au Tour des Flandres, (la liste pourrait encore s’allonger). On sait maintenant qu’il peut naviguer sur les implacables pavés du parcours de Paris-Roubaix avec une aisance qui confine au talent pur.
Pas de problème mécanique. Pas de crevaison. Pendant que son compatriote Roglič ajoutait une autre malchance à son trousseau (devant se remettre une épaule disloquée en place après une chute) et que le reste de Jumbo Visma amusait la galerie par une comédie d’erreurs, le double-vainqueur du Tour de France paraissait l’avoir facile.
Mais. Mais.
La grande force de Pogačar, c’est aussi d’être l’artisan de sa chance.
En demeurant aux avant-postes, il évite les chutes et voit mieux venir le terrain. C’est encore plus vrai en s’évadant dans la roue de Jasper Stuyven comme il l’a fait. Avec des pneus tubeless de 30mm, il réduisait ses chances de crevaison. En négociant seul dans le peloton pour s’assurer d’une bonne position, malgré la flagrante absence de ses coéquipiers, il a calmement assumé son rôle.
Pendant ce temps, chez Jumbo, c’était la panique. Et l’enfilade de malchances.
Oui, Pogačar possède les moyens de ses ambitions et son talent immense lui permet de faire tout cela. Mais au-delà de son talent, c’est son intelligence de course qui est le plus confondante. Et admirable.