La vie est faite de ruptures et de recommencements.
Le Tour est revenu, comme d’hab. Je roule toujours presque quotidiennement. Ces derniers jours, avec la canicule, je quittais au petit matin. De Québec, je partais vers l’Ouest. Arrivé à St-Augustin, en filant sur St-Félix, je pouvais voir le fleuve scintiller dans la lumière du soleil déjà haut pour l’heure.
Souvent, un immense porte-conteneurs remonte le courant et menace la tranquillité de la surface des eaux. Tout cela, dans un silence sépulcral. Chaque année, en juillet, je reprends ce parcours qui ne change jamais.
Recommencement.
Je fais l’impasse sur les réseaux sociaux toute la journée pour ne rien savoir et regarde le Tour le soir… en travaillant jusqu’à tard.
Recommencement.
Me voici maintenant, un an presque jour pour jour à m’assoir dans le chalet d’amis à contempler le Mont Sainte-Anne en écrivant. Cette fois, ce n’est pas tant pour prendre des vacances de la ville que pour mieux la quitter : notre nouvelle maison est en construction à deux pas d’ici et je m’y rends presque tous les jours.
Recommencement et rupture. Nous quittons la ville.
Le Tour, lui? Il a ceci d’intéressant qu’il semble vouloir, en ce moment, se jouer tant dans la tête que dans les jambes. On l’a dit. Je le répète. Tadej Pogačar est ce qui est arrivé de mieux au cyclisme depuis aussi loin que je me souvienne. Gagne ou perd, peu importe. C’est le sport qui remporte chaque fois la victoire lorsqu’il prend le départ.
Il ne semble pas y avoir de petites victoires pour le prodige slovène. Toutes les occasions sont bonnes pour faire la barbe à l’adversaire. Si son équipe, UAE, parvient à jouer les fauteurs de trouble comme ils l’ont fait avec Yates, et ce, tout au long du reste de l’épreuve, cela pourrait s’avérer aussi efficace que le train de la mort de la Jumbo-Visma.
Je parle au conditionnel. Parlons de « wishful thinking », ici.
Un souhait, donc. Parce que j’aimerais mieux revoir Pogi en jaune à Paris. Parce que c’est plus drôle. Parce qu’il prend en otage chaque scène de ce Tour et s’en moque, surgissant dans les entrevues des autres coureurs, dansant dans le bus d’équipe, ajoutant à cette épreuve si sévère et doloriste une sorte de légèreté qui lui manque souvent.
Rupture.
Il y a aussi de drôles de recommencements. Comme le coup de kilomètre réussi par Victor Lafay. Ce truc qui ne fonctionne plus jamais depuis mille ans, le peloton revenant toujours sur ces tentatives d’évasion de la dernière chance. Mais Vingegaard n’a pas chassé, privant ainsi, probablement, son coéquipier d’une victoire.
Rupture : on sent que la belle cohésion s’effrite un peu chez les Jumbo entre les ambitions de Van Aert et celle du classement général. Un peu comme si la trame narrative qu’ont exagéré les scénaristes de Netflix se révélait plus tangible cette année.
Rupture encore : c’est vraiment un drôle de parcours que propose le Tour cette année. Parfois, c’est pour le mieux : le grand départ et les premières étapes au Pays Basque espagnol étaient superbes, haletantes et assez ardues pour que la difficulté l’emporte sur la nervosité de peloton en y faisant le ménage. Mais le final de la 4e étape qui vire au carnage dans un parcours de course automobile, c’était vraiment n’importe quoi.
On entre déjà dans les Pyrénées à la 5e étape. De Pau à Laruns. Il me prend soudainement l’envie, en écrivant ceci, d’aller voir où en est l’étape. Je tombe sur Krists Neilands, de Israel-PremierTech, parti en solitaire. Une caméra (sans doute un drone) suit le cours d’une rivière qui me semble familière. Elle ressemble à s’y méprendre à celle que nous avions longé, mon ami Jérôme et moi, en descendant vers Laruns pour aller grimper l’Aubisque. Un rivage de pierres. Une eau bleu glacier. Une forêt touffue pour encadrer le tout. Ça y’est j’ai le goût de repartir en voyage de vélo.
Recommencement.