Je tente de faire avec les changements climatiques comme avec le reste de ce qui se déglingue : contre mauvaise fortune, bon cœur.
J’embrasse donc ces nouveaux automnes torrides en prolongeant le plaisir estival. Rouler en court. Profiter de sentiers enfin asséchés après des mois de déluges. Cesser de prévoir mes sorties de route entre deux ondées en me croisant les doigts.
C’est la lumière qui me trouble le plus dans ce décalage qui affecte la météo et particulièrement la température. Les rayons obliques de la morte saison s’accordent étrangement avec la chaleur.
C’est encore plus vrai en forêt, où les feuillus se décharnent lentement à la fin de septembre. La lumière entre plus profusément dans les sentiers et les éclaire d’une curieuse manière. Avec la chaleur estivale, cela confère à l’expérience quelque chose de vaguement surréel. Les boisés se dénudent sous les projecteurs. Les érables en rougissent.
Et puis j’ai pris l’habitude de l’horaire estival. Je me fais parfois prendre par le jour qui tombe plus rapidement que je ne l’avais escompté.
Chose certaine, je ne suis pas le seul à profiter de la situation. Au Mont Sainte-Anne, qui est désormais ma cour arrière, il y avait foule pour le dernier weekend de septembre. Dont beaucoup de descendeuses et descendeurs. Je suis monté tout en haut, en grimpant par le chemin d’accès. Arrivé au sommet, les télécabines recrachaient les junkies d’adrénaline à la pelle et, je l’avais constaté entreprenant ma montée, le stationnement était rempli de monde.
Il y en avait aussi des tonnes pour la fête de fin de saison organisée devant le Marché du Faubourg en fin d’après-midi.
Les micro-brasseries du coin avaient ouvert leurs fûts. La section locale des trailbuilders recrutait et finançait ses activités. Une boutique cycliste avait planté sa tente. Je suis arrivé à la fin des discours, après ma ride, juste à temps pour croiser deux douzaines de connaissances, des nouveaux voisins, des amis de longue date, des visages familiers. Y’avait du monde de mon âge, des plus jeunes, des plus vieux.
Après s’être vue refuser le statut de véritable communauté cycliste pendant quelques décennies, faute de seuil critique de résidents-utilisateurs, le Mont Sainte-Anne subit le même heureux sort que quantité d’autres secteurs autrefois voués à la villégiature et habitée par une poignée d’irréductibles.
Merci le télétravail. Plus personne ne craint de faire 35-40 minutes d’auto pour aller en ville si c’est seulement quelques fois par semaine.
Ça pousse partout autour. Les maisons. Les condos. On le sent, cette fois c’est la bonne. Il y a une vraie communauté de sportifs qui s’installe, qui vit et consomme ici. De quoi faire vivre une économie locale autour du vélo et du ski à l’année longue.
Partout ailleurs au Québec, les communautés cyclistes ont le même effet. Elles dynamisent des secteurs ruraux qui peinaient à survivre en été, capitalisant surtout sur le tourisme hivernal, autrement payant.
Je n’ai pas de statistiques. Je jauge à vue d’oeil. Mais la montée en popularité du vélo de montagne, l’attrait grandissant pour le télétravail et le désir de quantité de jeunes familles d’offrir un quotidien en nature semblent conspirer pour faire grandir ces communautés et les rendre viables à l’année.
C’est beau à voir, quand même.
Il aura fallu une pandémie. Une pénurie de travailleurs. Un changement radical dans les habitudes de travail. Comme je disais : on fait contre mauvaise fortune bon cœur.