Il existe un terme en anglais pour désigner les nostalgiques technologiques qui pestent devant les avancées d’un produit qu’ils considéraient parfait comme il était avant: « retrogrouch ». Grincheux rétros, quoi.
Il en existe un en français pour décrire la posture de celles et ceux qui étaient contre une nouvelle techno, mais qui finalement se rendent compte qu’ils étaient dans l’erreur et l’admettre: l’humilité.
Tout ça pour dire que, pendant longtemps, j’ai pensé que les freins à disque sur les vélos de route étaient inutiles.
À part sur des roues de carbone, à la pluie, il me semblait que ça fonctionnait très très bien. Même en haute montagne, je ne trouvais pas ça si pire. Jusqu’à ce que j’achète mon premier vélo de route à disques… et que ça change ma vie.
Cette semaine, je suis allé lire un article superbement malhonnête dans Outside pour m’apercevoir que non seulement j’avais tort de refuser cette avancée, mais que ce système a grandement amélioré mon expérience cycliste. Plus que je ne le pensais. Bref, voilà un article (certes à la limite de l’hameçonnage) qui est parvenu à me faire réfléchir et me rendre compte à quel point chacune des raisons qu’il invoque pour railler les disques démontre au contraire l’utilité de la chose.
La montagne
Les freins à cantilvier étaient efficaces, sauf peut-être sur les vélos de montagne, clame-t-il… mais ils étaient un cauchemar d’ajustement, ils étaient bruyants et nécessitaient une force de freinage importante. L’auteur tente de nous faire croire qu’on avait plus ou moins réglé le problème avec les V-Brakes. Visiblement, le dude n’a pas souvent effectué une longue descente technique avec ces freins. On finissait avec les mains démolies à force d’avoir enfoncé les leviers, on bloquait les roues, il n’y avait aucune forme de modulation possible. Et là encore, les ajustements étaient souvent délicats.
Ok. Il faut parfois saigner un frein à disque. C’est un peu d’entretien. Mais même moi qui suis technul ascendant Gaston Lagaffe, j’ai appris à le faire sans trop de problème. Je change mes pads de freins en 5 minutes et je parviens facilement à ajuster les étriers ou à dévoiler un disque. En fait, faire TOUT ça me prend moins de temps que d’ajuster les V-Brakes sur mon vélo de ville.
En montagne, quiconque prétend que c’était mieux avant se couvre de ridicule.
On peut aller beaucoup plus vite et réagir bien plus efficacement. Peu importe les conditions. On peut moduler notre vitesse, n’utiliser qu’un doigt pour freiner garder les mains sur les poignées. Je roule des heures et des heures sans aucune douleur aux doigts ou aux mains.
La route
En route, ça peut parfois paraître plus subtil comme différence. Moi-même, dans un échange avec Gilles Morneau dans Vélo Mag, il y a quelques années, je contestais l’utilisation de cette technologie sur la route.
Je peux cependant vous assurer que la sécurité que me procurent ces freins, je ne l’échangerais pour rien au monde. En ville, mon temps de réaction pour m’arrêter complètement est réduit de moitié. Dans les descentes, en cas de mauvais calcul, je peux rectifier ma vitesse très rapidement. Je ne suis plus obligé de gérer tout au long, de freiner pendant toute une descente pour ne pas prendre trop de vitesse : je sais que mes freins ont la capacité de me ralentir très très efficacement, même in extremis.
Et on omet aussi la notion de plaisir : négocier une série de lacets en plongeant à pleine vitesse entre chacun d’entre eux est absolument délicieux.
L’auteur du texte tente de nous faire croire que c’est l’influence des professionnels qui a poussé l’industrie et les usagers à adopter cette technologie. Je pense que c’est plutôt l’inverse et qu’en réalité, ce sont les amateurs comme moi qui sont les grands gagnants de cette avancée.
Les pros sont souvent plus habiles, habitués aux situations extrêmes et savent comment composer avec elles. Les amateurs qui emploient des freins à disques disposent d’un supplément de sécurité et de plaisir que leurs confèrent cette avancée technologique.
En plus, ces freins ont transformé l’usage des pneumatiques pour permettre l’emploi de pneus plus larges qui améliorent la performance, le confort et la qualité du pilotage. Je roule des 30mm sur mon vélo de route et c’est absolument génial.
Je suis plutôt du genre sceptique lorsqu’on me propose des nouveautés révolutionnaires. Mais une fois que les bénéfices d’un progrès sont avérés, qu’on y trouve presque aucun inconvénient pour les annuler ou en réduire la portée, faut être de sérieusement mauvaise foi pour jouer au « retrogrouch ». Ici, je préfère dire que je me suis trompé et profiter de la modernité.