En décembre 2023, la chaîne spécialisée en cyclisme professionnel Global Cycling Network (GCN+) a diffusé sa dernière course.
À 50$US par an, GCN+ était une aubaine. Celle qu’on attendait depuis longtemps en cherchant sur des sites louches le moyen de voir en direct ou en différé une course pourtant considérée comme une classique ou un monument du sport.
La chaîne comptait une panoplie de commentateurs de grande qualité et s’était acoquinée avec Eurosport pour diffuser presque l’entièreté du calendrier professionnel, de même que le cyclocross et la série mondiale de vélo de montagne. (Au Canada, toutefois, Flobikes détient les droits de diffusion des événements organisés par ASO, dont, principalement, le Tour de France).
En comparaison, Flobikes coûte environ 160$ par an pour une poignée de courses.
À ce jour, on ignore encore ce qui adviendra des droits de diffusion du Giro, de la Vuelta, des classiques flandriennes et autres courses cyclistes d’envergure au Canada. Ma crainte est que nous revenions en arrière et devrons à nouveau trouver des canaux illégaux pour visionner nos courses favorites.
Tuer la poule aux œufs d’or
Pourquoi fermer GCN+? Pas parce que ça ne fonctionnait pas. Au contraire. Les abonnés étaient nombreux. La plateforme produisait aussi des films sur l’histoire du cyclisme et participait à la propagation d’une culture trop souvent élitiste grâce à une équipe qui usait de l’humour et d’autodérision pour transmettre sa passion.
De l’aveu du porte-parole de la maison-mère, la plateforme était même rentable.
Si le proprio de la chaîne, Warner Bros./Discovery a décidé de fermer GCN+, c’est « parce que le paysage médiatique a changé », qu’il s’agit d’une « restructuration » et que le conglomérat souhaite « offrir plus de contenu au même endroit ».
En gros, des gestionnaires ont décidé que c’était pas assez payant et ont ainsi tué un des plus efficaces véhicules de notre culture.
Ce n’était pas suffisant d’avoir une poule aux œufs d’or. Il fallait aussi la manger.
Un sport malade
Les médias sont en crise. Leurs gestionnaires font parfois penser aux vautours d’un épisode de The Morning Show (La Matinale) qui passent le plus clair de leur temps à disséquer les actifs d’une grande chaîne télé pour la vendre en pièces détachées.
Aussi, l’accessibilité au contenu constitue un des nombreux symptômes des déficiences de notre sport professionnel favori dont on a parfois le sentiment qu’il n’en a que le nom tellement l’amateurisme de ses acteurs est désolant.
Les conflits ouverts entre factions y sont communs (pensez à l’UCI et ASO, ou plus récemment, aux patrons des équipes Jumbo-Visma et Ineos Grenadiers qui envisagent la création d’une nouvelle « ligue sportive »).
Les salaires sont souvent gardés secrets. Les transactions se font de manière ridicule, souvent opaque, composant un théâtre de fausses promesse, voire de mensonges éhontés. Et ASO, propriétaire du Tour de France, détient un pouvoir disproportionné sur le reste de l’écosystème sportif.
Imaginez, c’est comme si une entreprise détenait la finale de la Coupe Stanley, ou le Superbowl, et que les responsables du reste de la saison devaient se battre pour les grenailles. Y compris l’organisme sensé être à la tête du sport.
On me dira que c’est aussi ce qui arrive quand on confie la diffusion à des applications plutôt qu’à des diffuseurs locaux.
Ne me faites pas rire. C’est pas comme si RDS avait fait un travail remarquable de promotion, avec constance, pour promouvoir la diffusion des courses. Quand le réseau daignait le faire.
Où vais-je regarder du vélo l’an prochain? Je l’ignore. Ce que je sais, c’est que je perds ce que les médias cyclistes avait créé de plus beau et complet comme plateforme depuis que je m’intéresse au sport. Au nom de la restructuration des médias. Et c’est le paysage du sport qui en prend pour son rhume.