C’est sûr qu’il était un peu tentant de déchirer sa chemise en voyant le sketch sur les vélos à assistance électrique (VAE) au Bye Bye.
Premièrement : dans une année aussi riche en actualité, le phénomène de l’adhésion (phénoménale, admettons-le) au VAE était-il suffisamment pertinent pour lui consacrer tout un segment?
Pas sûr. Les questions que soulèvent la satire (parce que c’est ce que c’est : une blague) sont cependant tout à fait justifiées.
Problèmes de sécurité
Dans ses prédictions de l’année 2024, notre collègue Martin Turgeon aborde justement plusieurs questions liées à la sécurité de ces vélos. D’un côté, les dangers d’incendies liés à certains systèmes pas toujours des plus fiables. De l’autre, ceux qui concernent les accidents (à 2min dans la vidéo).
https://www.youtube.com/watch?v=fj1p1PaM0lA
Je suis d’accord avec Martin : les VAE sont géniaux, comportent des tonnes de bénéfices, mais le revers est que plusieurs utilisateurs manquent d’expérience, sous-estiment la vitesse à laquelle ils roulent et ont le même réflexe que plusieurs cyclistes « traditionnels », soit d’ignorer le code de la sécurité routière.
Et là, je ne parle que des vélos « légaux ». Parce qu’en plus des VAE dont la vitesse est généralement limitée à 30-35km/h avant que le moteur ne se désengage, le marché est inondé de scooters déguisés en vélos (pour lesquels il est inutile de pédaler) et de vélos qui ne respectent pas cette limite et qui peuvent permettre d’aller à 50km/h, voire au-delà, en pédalant. Internet regorge aussi de « hacks » permettant de modifier le logiciel interne du vélo et augmenter la vitesse d’engagement du moteur.
Un peu comme une moto ou une voiture de course que l’on peut « chiper » pour en améliorer les performances.
Mettez ces bolides motorisés dans les mains d’un novice ou d’un matamore et les risques d’accidents sont décuplés. C’est la même chose avec les VAE.
Cohabitation plus difficile
Si, en plus, vous faites cohabiter les pilotes de VAE téméraires avec des adeptes de trottinettes, des cyclistes « normaux » de toutes sortes de calibres et d’âges (et au sens commun variable), des poussettes, des marcheurs (qui ne regardent pas où ils vont), des patineuses à roues alignées, des coureurs… Vous avez une belle recette pour obtenir un désastre sur les pistes cyclables multifonctionnelles.
Ce que je crains, comme Martin l’indique, c’est que l’augmentation des accidents et de leur gravité ne mènent à des restrictions plus sévères sur l’ensemble de la pratique cycliste.
On vient de voir une municipalité, dans mon coin, interdire l’accès à un important segment routier aux vélos (la côte St-Achillée, à Château-Richer). Je ne serais pas surpris que d’autres l’imitent pour répondre à la multiplication des accidents et des infractions au code de la sécurité routière.
Ce à quoi, en temps normal, je répondrais : oui mais le problème, sur la route, ça reste encore les voitures, de plus en plus grosses et de plus en plus dangereuses, et qui tuent du monde…
C’est vrai. Mais c’est un argument qui relève du whataboutism, soit un détournement de la question qui vise à noyer le poisson.
La multiplication des utilisateurs commande une plus grande vigilance de la part des automobilistes, mais aussi beaucoup d’éducation auprès des acheteurs, dont plusieurs n’ont pas enfourché un vélo depuis des décennies avant de s’élancer à grande vitesse au volant d’un engin lourd, qui freine souvent mal et qu’ils ne maîtrisent qu’à moitié.
Et même pour des cyclistes habitués à leur vélo de route normal ou leur hybride, un vélo pesant qui va très vite ne réagit pas du tout de la même manière que ce à quoi ils sont habitués. Les pertes de contrôle peuvent donc survenir beaucoup plus facilement.
Donc au-delà des blagues, qu’on les trouve de bon goût ou pas, il y a un phénomène qui mérite qu’on s’y arrête et que l’on réfléchisse à des manières d’éduquer et de sensibiliser les gens. Pour éviter des accidents, mais plus encore, un resserrement de la loi (ou le bannissement des vélos dans certains secteurs) qui pénaliseraient tout le monde.