Je ne vois pas vraiment comment on pourrait demander mieux. Quel Tour splendide!
Nous sommes au second et dernier jour de repos et nous n’avons eu à subir qu’une seule journée ennuyeuse entre Orléans et St—Armand-Motron depuis le début du Tour; repos en mouvement que tous les coureurs paraissaient emballés de savourer. Pas d’attaque. Une étape qui se regardait à partir du kilomètre 10. Et hop.
Les petites équipes que l’on aurait normalement vues à l’avant dans une échappée condamnée d’avance par les escouades de sprinteurs n’avaient plus grand intérêt à aller « montrer le maillot à la télé ». Arkéa a remporté une étape. Total Énergies aussi. Aussi bien s’en garder sous la pédale pour les jours qui allaient suivre. D’autant qu’ils seraient menés à un train d’enfer.
Au moment où j’écris ceci (dimanche soir, 14 juillet), Tadej Pogačar profite de 3 minutes d’avance sur son rival Jonas Vingegaard. Chaque jour ou presque, la course est menée à un rythme infernal qui nuit surtout aux tentatives d’échappées victorieuses : dimanche, dans les Pyrénées, c’était au tour de la Jumbo-Visma-Lease a Bike d’imposer une cadence à tout faire sauter. Sauf Pogi.
Ça a au moins eu l’avantage d’empêcher que le détestable Enric Mas remporte une victoire après avoir finassé de manière fort inélégante avec ses partenaires d’échappée. Demandez-moi le nom des coureurs que j’adore voir perdre : Mas arrive dans mon top 5. Zéro panache et ses tactiques de courses qui énervent tout le monde ne lui profitent même pas. C’est la « lose » totale.
Ben non, le Tour n’est pas fini
Je lisais l’infolettre d’un blogue respectable où l’on se demandait si le Tour était déjà fini.
Wôwô, les amis. On se calme. Est-ce que l’avantage de temps va à Pogi? Claro. Est-ce qu’il a l’ascendant psychologique sur Vingo? Très certainement. La défaite a été cuisante dimanche, sur le Plateau-de-Beille. Et révélatrice des limites du Danois. Bref, c’est difficile de voir Pogačar perdre ce tour.
Mais, mais, mais.
S’il y a quelqu’un qui sait que les choses peuvent prendre une tournure inattendue, c’est bien Pogačar. C’est en prenant tout le monde par surprise qu’il a vaincu Roglič. C’est lors de moments-clés qu’il a craqué, laissant Vingegaard accomplir un spectaculaire travail de démolition physique et psychologique sur sa personne.
Encore la semaine dernière, des erreurs d’alimentation et d’hydratation lui ont, vraisemblablement, coûté une victoire d’étape.
Si vous êtes comme moi, vous aimez Pogačar parce qu’il est humain. Roglič : un robot. Vingegaard : un plus petit robot. Ils n’inspirent aucune sympathie. Leurs victoires sont dénuées d’émotions. C’est plaaaaaate.
Mais l’humanité de Pogi et sa propension à improviser sont à la fois sa force et sa faiblesse. Pourrait-il commettre une erreur fatale? Perdre la moitié de son équipe aux mains de la Covid qui décime le peloton actuellement? Chuter (en jouant à l’avant dans les sprints comme il le faisait cette semaine)?
Tout est possible. Rien n’est emballé. Le Tour n’est pas fini, le fun commence.
En terrain connu
Étape 19, le Tour s’embarque pour une solide virée : Col de Vars, Cime de la Bonette, Isola 2000.
J’ai fait le doublé Vars et Bonette il y a deux ans. Le second col est interminable. Pas le plus dur, mais il n’en finit plus. On y est presque toujours exposé, donc à la chaleur. Ça risque d’être une solide guerre d’attrition qui se jouera là.
L’étape 20, c’est une de mes favorites. Des cols que je connais bien, pour en avoir pratiqué certains à quelques reprises : Braus et ses lacets haut-perchés, majestueux. Turini, dans son décor forestier ponctué de vues imprenables, la Colmiane, en retrait, discret, dur, puis la Couillole, que j’ai seulement descendu, mais qui est étroit, technique, marqué par des virages serrés à flanc de montagne. Sérieusement, ça va être un superbe carnage. Je vous le dis, même si je suis « Team Pog », « Team Giro-Tour 2024 », tout est encore possible.
Après le col de Braus, le peloton passe par Sospel. Ce village entouré de montagnes me rappelle de magnifiques souvenirs, pour y être passé quelques fois. Ses petits cafés sur la place. Sa fontaine magnifique pour remplir les bidons. De là, tout est envisageable, les cols s’envolent vers le ciel de tous les côtés. Je ne saurais trop vous conseiller cette destination pour un petit camp printanier (la région niçoise, plus généralement). Vraiment, les Alpes Maritimes, c’est le pied.
Le connard des chips en prison
Les gestes déplacés du public dans le peloton sont-ils plus courants qu’auparavant? Ils semblent, en tous les cas, de plus en plus intrusifs et disruptifs.
Il faut être un imbécile de première catégorie pour allumer un fumigène à proximité du parcours. Et pourtant, il y a en tous les jours.
Faut dire que le public est parfois solidement imbibé.
C’était le cas du connard qui, après avoir lancé des chips au visage de Pogačar et Vingegaard, s’est retrouvé en cellule de dégrisement. Jusqu’à maintenant, on s’est contenté de quelques tapes sur les doigts pour ces contrevenants et insouciants qui mettent la carrière sportive des cyclistes en péril par le manque de jugement ou leur soif d’être reconnus à la télé.
Comme d’habitude, il faudra attendre que le pire se produise pour agir. Genre que quelqu’un perde le Tour à cause d’un moron.
Geeeeeeeee!
Le Canadien et gagnant d’une étape au Dauphiné cette année, Derek Gee, se sort admirablement bien d’affaire, faut-il souligner.
Il n’a pas exactement l’air très « lousse », mais à la 9e place du classement général après deux semaines, il peut pavoiser. Devant lui, outre Giulio Ciccone qui le devance seulement par une trentaine de secondes, vous ne trouverez que des prétendants au titre (Rodrigez, Evenepoel, Pogi, Vingegaard, et leurs équipiers de grand luxe, comme Landa, Almeida et Yates). De la fichue de belle ouvrage pour Israel-PremierTech. D’autant que l’équipe doit se passer de Guillaume Boivin, contraint à l’abandon, et que l’équipe joue aussi les sprints avec Ackermann.
Les perdants pathétiques
C’était le 14 juillets dimanche. Jour de deuil national dans l’autobus de la FDJ qui, de mémoire, connait le pire Tour de son histoire.
Je ferais bien des blagues, mais rendu là, ce n’est même plus drôle.
Comment expliquer pareille débandade? Chose certaine, il est temps que cette équipe s’interroge sérieusement sur ses méthodes. Quand tu te fais mater par les équipes de seconde division, que ton coureur le mieux placé est à la 33e place (à 1h39m du meneur) et que le favori, à 2h39, ne semble même pas en mesure de tenir le coup dans le peloton, il y a peut-être quelques importantes questions à se poser si on s’appelle Marc Madiot.
Comme : est-ce que je comprends encore ce qui se passe ici ou si j’appartiens à une autre époque si décidément révolue que je n’y ai plus ma place?
Si c’est le budget qui manque, pourquoi Arkea et Wanty s’en sortent mieux, avec beaucoup moins dans le cas de la Wanty?
Si on attribuait cette performance déplorable au fait que les équipes des meneurs ne laissent que rarement survivre les échappées, on pourrait discuter. À condition que la FDJ réussisse à y placer des coureurs qui n’explosent pas à la première accélération.
Ce n’est pas non plus que le sport n’aime pas la France, ou que la France n’aime pas le sport : Bardet, Vauquelin et Turgis ont offert trois victoires en bleu, blanc, rouge pour ce Tour. La FDJ? Elle n’a même pas ce petit pétillement qu’ont les équipes continentales sur le Giro ou la Vuelta. On se demande ce que fait Madiot au Tour, sinon de la figuration pour la prochaine saison de Unchained.