
« L’industrie est encore tournée vers les hommes, alors que la communauté est incroyablement favorable à l’inclusion », dit Julie Engler, du Texas. © Marie-Christine Daignault
Un peu partout sur la planète, des femmes engagées dans le monde du vélo de montage cherchent à ajouter un peu de féminité dans une industrie majoritairement masculine. Chacune à leur façon, elles contribuent à définir une nouvelle culture du sport. Tour du monde.
« C’est pour moi un mélange d’encouragement et d’acceptation », dit Julie Engler. Déménagée à Austin, au Texas, la jeune spécialiste en marketing chez Athletic Brewing Company s’est engagée à fond sur le terrain, dans sa communauté cycliste locale.
« L’industrie est encore tournée vers les hommes, alors que la communauté est incroyablement favorable à l’inclusion. Chez nous, je sens que c’est la culture édictée au sommet qui déboule jusque dans les sentiers. En tant que femme, il n’est pas rare de se faire bafouer dans un atelier, aussi petit soit-il. C’est un rappel constant que le plafond de verre est encore bas », indique-t-elle.
Selon elle, de l’athlète à l’industrie en passant par les ateliers ou l’accueil de nouveaux pratiquants, il reste du chemin à parcourir pour établir une culture plus inclusive dans le domaine du vélo de montagne. Par chance, observe-t-elle, le changement est manifestement déjà amorcé.
L’Australienne Roz Bradley s’inquiète de l’absence quasi totale d’adolescentes et de jeunes adultes qui progressent dans le sport. © Marie-Christine Daignault
Même son de cloche du côté de Roz Bradley, de Bendigo, en Australie : les choses s’améliorent, mais il y a encore beaucoup à faire. Elle se réjouit de voir l’intérêt grandissant des femmes pour le sport, de voir plus de sorties, d’événements ou de courses au féminin s’organiser, mais elle s’inquiète de l’absence quasi totale des adolescentes et jeunes adultes qui progressent dans le sport, surtout en compétition.
Léa Giraud-Marcellin, qui a grandi dans les Alpes du Sud, remarque aussi que, bien qu’il y ait un nombre croissant de clubs de vélos de montagne en France et en Andorre, encore très peu de filles s’y inscrivent, surtout dans les disciplines comme la descente et l’enduro. « Depuis quelques années, on trouve davantage de groupes féminins. Toutefois, le plus proche de chez moi est à une heure et demie de route ! J’ai eu la chance de voyager et je trouve qu’en France et en Espagne, par rapport à la Nouvelle-Zélande, à l’Angleterre ou au Canada, très peu de filles roulent chez nous et elles sont plus éparpillées géographiquement. »
Un cercle vertueux
Pour Roz Bradley, voir plus de femmes occuper une place dans l’industrie, à titre d’entraîneuse, de mécanicienne ou de propriétaire d’entreprise spécialisée, par exemple, est source d’inspiration pour la relève. Elle-même est évaluatrice et testeuse de vélos de montagne pour le media en ligne australien Flow MTB.
« Je sens que les hommes avec qui je travaille respectent mes connaissances, se réjouit celle qui pratique le cross-country depuis 1999. Lorsque nous sommes plusieurs à essayer un même vélo, nous avons des points de vue différents. Ça m’embête parfois ! Mais, d’un autre côté, ça me fait réaliser que nous sommes des cyclistes différents et que nos différentes perspectives apportent une vision plus large sur le vélo testé. Je pense qu’il y a de plus en plus de femmes qui lisent nos évaluations et que nous comblons un vide en proposant davantage de contenu produit par une femme. »
L’Autrichienne Ludi Scholz (à droite) a embrassé avec passion la mission de convaincre les Européennes d’enfourcher des vélos conçus par ou pour les femmes. © Marie-Christine Daignault
« J’aimerais beaucoup que le discours de fond tourne autour de la place des femmes dans notre industrie au lieu de toujours tout ramener à la géométrie de tel ou tel vélo. Tous les vélos ont des géométries spécifiques. »
— Ludi Scholz
L’Autrichienne Ludi Scholz travaille pour Liv depuis 2014. Celle qui se définit comme tomboy a embrassé avec passion la mission de convaincre les Européennes d’enfourcher des vélos conçus par ou pour des femmes. Elle souligne combien il a été long pour la marque d’être reconnue. Au début, en Autriche et en Allemagne, raconte-t-elle dans une entrevue accordée à Outside, personne, que ce soit un homme ou une femme, ne regardait leurs vélos. Les choses ont largement changé depuis !
Ludi Scholz remarque que les opinions restent encore très polarisées : les uns haïssent, les autres adorent, et certains se balancent complètement qu’il existe une marque destinée aux femmes. « J’aimerais beaucoup que le discours de fond tourne autour de la place des femmes dans notre industrie au lieu de toujours tout ramener à la géométrie de tel ou tel vélo. Tous les vélos ont des géométries spécifiques », fait-elle valoir.
Vers un changement culturel profond
Cassandra Chou a commencé le vélo de montagne récemment puisque, chez elle, à Taïwan, les sentiers en montagne commencent à peine à être aménagés. Le sport n’a pas particulièrement bonne presse. « La plupart des Taïwanais pensent que le vélo de montagne est beaucoup trop dangereux, et ils ne veulent tout simplement pas essayer. » L’apparente homogénéité 100 % adrénaline, constate Cassandra, rend les premiers pas difficiles, particulièrement pour les femmes de son pays qui voudraient essayer le sport.
Fiona Spotswood, de la Bristol Business School, au Royaume-Uni, constate que la culture dominée par la prise de risque est omniprésente et largement soutenue, dans l’imaginaire collectif, par les médias (traditionnels et sociaux) et le marketing.
La chercheuse a publié, en février 2023, une étude qui vise à trouver des solutions pour favoriser la croissance des femmes dans le sport¹. « Les femmes veulent un changement culturel profond, écrit-elle. Elles veulent sentir qu’elles jouent un rôle à égalité dans les histoires qu’on nous raconte. »
Le nerf de la guerre est la visibilité. Plus les femmes seront visibles dans toutes les sphères de l’industrie, plus leur présence sera normalisée. Elle souhaite voir plus de femmes faire la promotion de produits non genrés, tester des vélos, contribuer à la création de contenu et définir une nouvelle culture du sport.
Si on veut voir des progrès concrets, des efforts seront nécessaires pour augmenter le nombre de femmes dans cet univers, qu’il s’agisse de journalistes, de gestionnaires en marketing et en médias sociaux ou de productrices vidéo. Selon Fiona Spotswood, pour atteindre l’équité dans le sport, les femmes devront avoir l’occasion de raconter leurs propres histoires et obtenir la parité dans les emplois de l’industrie, notamment dans les médias et en marketing. Le rôle des médias et du marketing, dans le rayonnement de cette culture, s’observe aussi au Québec. Dans son mémoire de maîtrise en administration des affaires (marketing stratégique) présenté au printemps 2022, Rébecca Fiset-Talbot note que la représentation stéréotypée, tant sur le plan des habiletés, des champs d’intérêt ou des produits (coupes, couleurs), explique en partie pourquoi le discours de l’industrie ne rejoint pas les femmes dans le monde du vélo de montagne. Selon Rébecca, l’industrie gagnerait à miser sur le plaisir, sur la pratique du sport en famille ou encore, sur le fait de profiter d’une expérience en nature. « Le sport a changé, et il est temps que la culture évolue. »
« Depuis quelques années, on trouve davantage de groupes féminins. Toutefois, le plus proche de chez moi est à une heure et demie de route ! » se désole Léa Giraud-Marcellin, de la France. © Marie-Christine Daignault
- Spotswood, F., Hurcombe, M. J., et Marsh, B. C. L., « Written evidence: Supporting the growth of women’s sport – Evidence from qualitative research into gender inequality in mountain biking », DCMS, février 2023
Conseils de pro
S’améliorer en terrain technique
Pierriers, cassures, racines et autres obstacles sont intimidants, parfois déstabilisants, surtout lorsqu’ils s’enchaînent sur plusieurs mètres. Comment les franchir tout en restant stable et en contrôle ? Voici trois conseils pour dompter ces sections.
1. Avoir les pieds lourds et les mains légères
Mettre fermement son poids sur les pédales permet de relâcher un peu le guidon. Des mains serrées sur les poignées crispent le haut du corps et limitent la mobilité. Fatigue ou crampes aux avant-bras sont de bons indices qu’on serre trop fort.
Pour apprendre à bien placer son poids sur les pédales, on s’exerce à maintenir son équilibre en descendant une légère pente, exempte d’obstacles, avec les mains qui forment un « O » autour des poignées. Le but est de rester stable et centré au-dessus du boîtier de pédalier sans mettre de poids sur le guidon.
2. Laisser le vélo bouger
On ne le dira jamais assez : reculer ses fesses n’est pas la chose à faire. On veut que ce soit le vélo qui bouge et non le cycliste. Avoir le poids dans les pieds est la première étape, mais pour laisser le vélo travailler, il est essentiel que les jambes et les bras soient mobiles. N’oublions pas que nos membres sont notre meilleure suspension ! En terrain technique, des membres statiques se traduisent par un manque de stabilité et de direction.
Il ne faut pas hésiter à se filmer dans une section technique afin de pouvoir observer la stabilité des hanches et de la tête tout au long de la descente. Seuls le vélo, les bras et les jambes devraient bouger.
3. Freiner adéquatement
Le freinage a un effet direct sur la mobilité : plus on freine, plus on se raidit. D’où l’intérêt de savoir où, quand et comment freiner. Meilleure sera la gestion de la vitesse, plus fluide (et plus rapide) sera la descente.
Parcourir une zone technique en marchant permet d’identifier les endroits où il sera nécessaire d’être détendu pour franchir les obstacles et ceux où il sera sans conséquence d’être plus raide, le temps d’appliquer les freins.
Note : Peu importe votre calibre, suivre un cours avec une personne ayant obtenu une certification d’une école de vélo de montagne reconnue est la meilleure façon d’avoir un bon encadrement et de progresser de façon sécuritaire.