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Le blogue de David Desjardins

Avec pas de casque?

03-12-2018

Il m’arrive de ne pas mettre casque à vélo.

Pour les longues sorties de route, oui, toujours. Je pars longtemps. J’emprunte des routes pas toujours sécuritaires et je vais vite à des endroits où l’on ne s’attend pas à me voir surgir au détour.

En ville? Ça dépend. Pour aller faire les courses (2 ou 3km), pour aller au bureau (4km), pour l’épicerie (800m) : presque jamais.

Ça a commencé étrangement. Comme si j’avais fait une séparation entre les deux pratiques. La première, sportive, avec un niveau de danger plus élevé. La seconde, elle, renvoyant à une conception du vélo comme un déplacement urbain qui s’apparente plus à la marche. Je le fais le plus souvent dans des zones désignées à cet effet. Je vais moins vite, suis très prudent… Mais il y a aussi une partie de moi qui le fait comme une prise de position.

Parce que si je n’ai pas de casque, forcément, je suis plus vulnérable. Et si je suis plus vulnérable, forcément, les autres usagers de la route devront faire plus attention à moi.

J’ai fait ça naturellement avant de l’intellectualiser. Puis il y a eu des données qui sont venues corroborer ce qui relevait de l’intuition, et de la posture.

Par exemple, celles qui disent que les lieux dans le monde où l’on porte le plus le casque sont aussi les endroits où il se tue le plus de cyclistes.

Ce sont des données déjà brandies par Vélo Québec. En mars dernier, l’Institut national de santé publique allait dans le même sens.

J’avoue que je n’y ai jamais trop prêté attention, sinon pour ceci : j’abonde totalement avec l’idée qu’en obligeant le port du casque, on contraint l’usage du vélo en ville de manière à le rendre moins accessible. Pensez seulement au Bixi. Le principe même est de pouvoir l’utiliser selon son bon désir. Et non pas de trimbaler un casque en permanence, au cas où…

Et puis qu’il faut rendre les routes plus sécuritaires. Pas blinder les cyclistes.

C’est le journaliste Peter Flax qui m’a inspiré ce billet. Lui-même a écrit sur le sujet : il ne porte plus du tout de casque. Pour les mêmes raisons que moi : l’idée, c’est de faire porter le poids de la sécurité à l’utilisateur le plus dangereux de la route, pas l’inverse. Et donc de changer la culture du partage de la route. Obliger les automobilistes à ralentir, parce qu’ils craignent plus pour la sécurité des cyclistes qui ne portent pas de casque. Forcer les politiciens à améliorer les infrastructures pour les rendre plus sécuritaires aussi.

Je sais, ma position provoque toutes sortes de réactions. Y compris chez les cyclistes, où le sujet polarise plus encore que ne le font les signes religieux ostentatoires dans la population générale.

Notez que je ne demande à personne d’adopter ma méthode. Je ne crois pas que le port du casque soit inutile non plus.

Il y a toutes sortes d’arguments en sa faveur. La plupart sont excellents, mais pas nécessairement imparables.

C’est comme les ceintures de sécurité en voiture? Pas tout à fait. Parce que je ne vois pas l’automobiliste devant moi, dans son véhicule, et en théorie, il ou elle n’est pas plus vulnérable que moi. Le cycliste pas de casque, oui.

Et qu’est-ce qu’on dit aux enfants? La même chose que pour le reste. Je bois. Ma fille n’a pas le droit. Je sacre. Elle n’a pas le droit non plus. Plus tard, elle fera bien ce qu’elle veut.

C’est l’autre affaire du casque. Obliger son port, c’est non seulement faire porter tout le fardeau de la sécurité au plus vulnérable, c’est aussi le priver de la liberté de choisir, de lui enlever le droit d’être entièrement en sécurité dans un lieu où il devrait l’être.

Comme Flax, je ne prétends pas qu’il est bien ou mal de porter le casque. Mais que c’est encore un choix qu’on peut faire. Et que les motifs qui peuvent nous mener à ne pas le porter ne sont pas complètement débiles simplement parce qu’ils le semblent.

Sauf que, comme pour bien des débats, c’est pas évident d’être rationnel. Tout le monde a des histoires de casques qui ont sauvé des vies. J’en ai fendu au moins deux dans mon existence (une fois à l’entraînement en pratiquant des lead outs de sprints, une fois en compétition). Et pourtant, je veux faire un statement et ne pas en porter en ville.

Vous pouvez me traiter de tous les noms. Me considérer avec mépris. M’accuser d’irresponsabilité crasse. Il n’y a qu’un argument que je n’accepterai pas : le fait que si un automobiliste me fonce dedans, et que je suis gravement blessé, ce sera ma faute.

Si vous voulez pointer quelque chose du doigt pour chercher le responsable, cherchez plutôt du côté des infrastructures routières, de l’aménagement des pistes cyclables et de la culture du char.

Sinon, expliquez-moi comment aux Pays-Bas, où presque personne ne porte de casque, et où l’on compte un des niveaux de cyclistes les plus élevés au monde, on compte aussi le plus faible nombre de décès chez ces utilisateurs de la route?

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