La vague d’amour pour le cyclisme des derniers mois m’a complètement pris par surprise. Mais ce n’est pas une raison pour bouder mon plaisir de voir autant de gens découvrir le plus beau sport qui soit.
Honnêtement, je n’ai pas vu venir la vague. Bien au contraire, j’imaginais les Québécois près de leurs sous, évitant toute dépense qui ne serait pas nécessaire.
Après tout, des milliers de gens ont perdu leur emploi ce printemps. Nous vivons une rare période d’incertitude économique. Dans mon esprit, cela allait mener à une forme d’austérité aussi volontaire que généralisée.
Les paysagistes et les vendeurs de piscines mangeraient leurs bas, me disais-je. Les boutiques de vélos aussi.
Or, c’est exactement l’inverse qui s’est produit. Des milliers d’autres Québécois n’ont pas perdu leur emploi, seulement la possibilité d’aller en vacances en famille à l’extérieur cet été. Alors, tant qu’à rester à la maison, autant se trouver des choses pour s’amuser : ils font refaire la cour, creuser une piscine et s’achètent des vélos, si bien que ceux pour enfants et d’entrée de gamme pourraient bien venir à manquer.
L’effet d’entourage
C’est sans doute la meilleure chose qui pouvait arriver au sport. Un soudain apport massif d’adeptes ne peut que modifier le rapport des automobilistes, désormais aussi cyclistes, aux droits des différents utilisateurs de la route.
Le climat de respect qui s’installe lentement, mais sûrement, depuis quelques années en sera sans doute amélioré; dès qu’on est pratiquant ou que l’on connait quelqu’un qui roule, on devient soudainement plus empathique et compréhensif envers les cyclistes. Comme pour toutes les formes d’intolérance, c’est souvent la déshumanisation qui permet d’invectiver, de proférer des menaces ou de commettre des gestes dangereux envers d’autres utilisateurs de la route.
Plus il y aura de cyclistes dans l’entourage de chaque automobiliste, plus il deviendra agréable et sûr de rouler.
La secte
Des amis, des amies de ma blonde, un de mes frères, des connaissances, des clients : le nombre de personnes qui m’ont écrit pour me dire qu’elles se sont achetées un vélo (de route ou de montagne) dans les dernières semaines est simplement effarant.
Le prosélytisme de notre secte cycliste semble avoir fait son œuvre : donner envie d’essayer, de renouer avec ce beau sport.
Puis il suffit ensuite de ressentir pour la première fois la sensation de vitesse que procure une machine de qualité. Un mouvement qui convoque, c’est un cliché, le sentiment de liberté de l’enfance dont la bicyclette était le vecteur. Mais les clichés existent parce qu’ils sont pleins de vérité.
Se lever sur les pédales, sentir sur son visage, ses bras, ses jambes, le vent chaud d’une canicule hâtive. Aller quelque part, toujours un peu plus loin. Sentir sa forme s’améliorer. Se trouver des activités à faire juste pour les faire à vélo. Trimbaler un lunch. Aller acheter des bières au dépanneur et les boire au bord du fleuve, en regardant les nuages virer à l’indigo au-dessus de l’autre rive.
Il parait que les religions sont des sectes qui ont réussi. C’est un peu la même chose avec les modes de vie : un effet de mode les extrait de la marginalité. Le monde du travail va changer. Celui des loisirs et des transports aussi. Des mois sans vivre dans le trafic et en profitant de temps libres pour rouler et découvrir l’ivresse de la vitesse parfaite que procure cette activité laisseront une marque durable sur les gens.
Ils rouleront pour aller au bureau. Ils voudront travailler de la maison plus souvent. Et ils pourront alors profiter de l’heure du lunch pour imiter ce que mes coreligionnaires et moi-même faisons depuis longtemps : se « squeezer » un ride à la moindre occasion.
La secte n’en sera plus une. Bienvenue au club, les amis. La vie est quand même (ne serait-ce qu’un tout petit peu) plus belle avec des vélos dedans, non?