Partir. Chaque fois que les plans et les dates se cristallisent, je retrouve la même fébrilité. Ce désir puissant d’aller voir ailleurs. Il y a quelque chose comme de la volupté qui émane du privilège de pouvoir m’extraire de ma vie normale. Aussi géniale soit-elle.
C’est un détour pour revenir à soi et à ceux qu’on aime avec un sourire grand comme ça. À mon retour, je serai très très très agréable à vivre pour un bon moment.
Partir à vélo, en plus, a quelque chose de magique. Le lieu où l’on atterrit n’est alors plus qu’une destination. Il est un décor, une carte sur laquelle on trace des lignes de survie qui se comptent en mètres d’élévation, en kilomètres parcourus.
-160km et 3000m, c’est trop ?
-Nahhh.
Mes voyages de vélo sont l’occasion de vivre des aventures où je peux faire subir à mon corps des journées d’efforts alignées, bout à bout, jusqu’au point de rupture. Le soir, après le souper, je rampe jusqu’à mon lit, me disant que j’irais bien à la plage le lendemain. Mais je n’aime pas vraiment la plage. Au réveil, je n’ai jamais d’autre envie que celle de rouler. Vite. Fort. Haut. Encore.
J’écris ceci depuis Nice, dans le sud de la France, où nous sommes quelques amis en camp d’entraînement. La ville elle-même est tout sauf invitante pour le cyclisme, parce que dense et bondée de touristes. Parce que les pistes cyclables sont dégueulasses. Mais les montagnes autour, c’est autre chose. Les cols s’alignent comme autant de noms qui tutoient les mythes cyclistes. Nous avons fait le parcours de la dernière épreuve du dernier Paris-Nice hier, sur les cimes des petites montagnes des Alpes Maritimes. Les grandes sont enneigées et forment une superbe ribambelle qui s’étend dans l’arrière plan des paysages que nous traversons, faits de cols, de pitons rocheux et d’une végétation qui s’éveille lentement. Les cerisiers sont en fleurs. Les bourgeons des platanes explosent.
Mais Nice est un peu présomptueuse. Elle est belle mais elle le sait. Et surtout : elle est convaincue qu’on l’aimera au premier regard. C’est assez emmerdant chez les gens. Pour les endroits aussi.
À choisir, une autre fois, j’irais sans doute vivre à Menton, pas très loin, ce qui évite d’avoir à naviguer à travers les voitures dans le trafic compact que ponctue le chapelet hurlant des fous furieux à moto.
Avant d’arriver
Je fais ce journal en morceaux. Il sera consituté de récits de sorties, de réflexions sur le voyage, comme plus haut. Mais aussi d'essais de matériel. Comme celui que j’ai utilisé pour venir ici.
Je suis toujours un peu craintif en prenant l’avion avec mon vélo. Je sais bien que mes assurances ou la compagnie aérienne me dédommageront en cas de bris majeur. Ce n’est pas la question. Je déteste seulement l’idée d’avoir à louer un vélo. La déconfiture de constater le bris. …Ah shit…
Pour ce périple, j’essaie le modèle haut-de-gamme que nous a refilé le distributeur de la compagnie SciCon : la valise rigide Aerotech Evolution TSA. Je suis agréablement surpris de voir qu’elle est fidèle à ses promesses. Compacte, elle permet tout de même de loger mon casque, mes chaussures, des outils, pas mal de vêtements. Et comme elle est très légère (et mon vélo aussi, héhé), pas de danger de faire exploser la balance à l’aéroport.
La boîte est solide, ce qui explique qu’elle ne soit pas bardée de mousse à l’intérieur (j’ai quand même mis des protecteurs sur les tubes, j’utilise des mousses d’isolation pour les tuyaux, achetés à la quincaillerie). Les roues sont arrimées de manière assez intéressante, dans une des parois : on les y installe avec une déclenche rapide qui les immobilise, puis les couvre d’une housse protectrice incluse. À mon arrivée, elles n’avaient pas bougé d’un poil.
Je ne peux pas en dire autant de ma patte de dérailleur. La prochaine fois, je ferai comme le suggère mon ami Charles (je n’y avais jamais pensé) : enlever la patte avec dérailleur pour être certain que rien de soit tordu en route.
Ceci dit, j’aurais pu mieux la protéger. Je ne blâme pas Sci-Con. Mais je remercie les mécanos de l’atelier de la boutique la Roue Libre. Super aimables, disponibles. Et apparemment très compétents, puisqu’ils ont réglé mon problème et qu’on y a croisé le pro Joe Dombrowski qui y laissait un de ses vélos.
Sinon, le vélo est bien fixé à l’intérieur et ne bouge pas d’un poil. Des courroies le maintiennent bien stable. Et j’adore les 4 roulettes multidirectionnelles qui permettent de pousser la boîte dans tous les sens, même en manipulant une grosse valise de l’autre main.
Il me restera encore des cols à vous raconter. J’ai aussi trimbalé d’autres articles à essayer, dont l’ordinateur Garmin Edge 520 et une veste Castelli Gabba 2.
Ça ira à plus tard. Je dois me traîner jusqu'à mon lit. La Madone d'Utelle m'a tué. Demain nous allons du côté de San Remo.