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Le blogue de David Desjardins

La plus belle épidémie

23-11-2017

Nos passions nous consument parfois. Elles épuisent nos ressources, monétaires ou temporelles. Avec le vélo, c’est souvent les deux.

Cette frénésie permanente qui colle à nous pour devenir une part de notre identité éveille la curiosité, suscite les discussions. Mêmes les non-cyclistes me parlent constamment de vélo, de mon kilométrage, des événements auxquels je participe, du temps que j’y consacre. Je les sens curieux, véritablement intéressés. Pas toujours autant par mon activité elle-même que par ce désir de voir brûler en eux le même feu. Le désir de quoi que ce soit qui ne serait pas de l’ordre des priorités de l’existence : le travail, la famille, les tâches d’adultes.

La passion est adolescente. Elle défie l’ordre et les diktats sociaux. Fuck le ménage et la pelouse, s’il fait beau, allons rouler!

Même mon travail, j’ai le sentiment de l’avoir modelé pour pouvoir jouer sur mon horaire, profiter des heures d’ensoleillement et de chaleur pour aller m’amuser dehors, quitte à travailler tard le soir ou aux aurores.

Et cette passion qui régit mon agenda, je m’en rends compte : elle est contagieuse.

Il n’y a pas grand-chose qui me rend plus heureux que de constater ma fiancée a choisi d’adopter le vélo elle aussi. Cela s’est fait progressivement. Il y a bien eu des printemps où mon temps passé à la maison s’évanouissait au profit de celui partagé avec deux roues et cela provoquait certaines frictions.

Elle ne comprenait pas. Parce qu'elle ne roulait pas. Puis, curieuse, celle qui partage ma vie a découvert le vélo de montagne.

Coup de foudre instantané, qui a migré sur la route lorsque, l’été dernier, une blessure au tendon d’Achille l’a privée de course à pied. Elle m’accompagne désormais au centre d’entraînement cycliste, s’échinant en allant nulle part pour mieux performer l’été prochain dans ses sentiers favoris. Et voilà qu’aux bouquins, aux films, aux séries télés, aux expos, aux chansons, s’ajoutent les kilomètres, le dénivelé et les watts dans nos conversations.

Son frère s’y est mis aussi, incité par ses employés, eux aussi des maniaques de la route. Ses yeux s’allument quand il me raconte ses sorties, les paysages qu’il redécouvre à cette vitesse qui permet d'absorber le décor, et l’espace qui se fait dans ses pensées quand il revient de rouler.

Je ne suis pas le seul à influer sur mon entourage. La fièvre cycliste menace partout où ils vont. Mais je sais que mon plaisir à rouler les touche directement, et qu’ils ont envie d’essayer, ne serait-ce que pour voir s’ils n’y trouveraient pas eux aussi cette étincelle qui chez moi allume le brasier.

Mon beau-père s’est récemment procuré un superbe vélo hybride. Il parcourt les rangs de son coin de pays et s’amuse à étirer ses sorties : il adore ça. Des amis succombent les uns après les autres à la fièvre. Route, montagne, ou les deux. Et forcément, plus nous sommes nombreux  à être atteints par le virus, plus ceux qui demeurent jusqu’ici épargnés risquent de l’attraper. C'est la plus belle des épidémies.

Il y a bien cette injonction à bouger pour notre santé qui fait rouler les gens. Mais monter sur un vélo, c’est plus que ça.

C’est se sentir voler tandis que seulement quelques centimètres carrés de caoutchouc nous procurent un contact avec le sol. C’est l’ivresse de la vitesse, de l’effort, du vent qui fouette le visage. C’est les sorties avec les amis. C’est le plaisir simple de l’enfance et du jeu qui remonte à la surface. C’est plonger dans la nostalgie en même temps que l’on profite à fond du moment présent.

Rouler, c’est se sentir un peu plus en vie. N’est-ce pas ce que tout le monde souhaite?

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