19/07/2024 – Tour de France 2024 – Étape 19 – Embrun / Isola 2000 (144,6 km) – POGACAR Tadej (UAE TEAM EMIRATES)
C’est comme si, à la fin du film, tous les personnages que j’aime avaient gagné.
J’étais parti rouler en vélo de montagne pendant la fin du contre-la-montre entre Monaco et Nice, dimanche. Je suis revenu à la maison et j’ai regardé la fin en sifflant une bière, estomaqué -encore une fois- par la domination de Pogačar qui semble avoir fait de « no more mister nice guy » son nouveau leitmotiv.
C’était vraiment le Tour de la grande vengeance.
Comme le suggéraient les confères de Escape Collective, si Pogi allait remporter la Vuelta, il remporterait les honneurs de la grande tournée « fuck you Jumbo-Visma ».
Souvenez-vous, l’équipe se vantait l’an dernier d’avoir placé les trois maillots de grands tours sur les épaules de trois de ses coureurs (Roglič au Giro, Vingegaard au Tour, Kuss à la Vuelta.) Pogačar vient de réussir ce qui semblait impensable de nos jours : le doublé Giro-Tour.
Mais il ne fera sans doute pas la Vuelta, même si ce serait amusant. En entrevue après la 21e étape, il évoquait les championnats du monde.
Ce serait déjà énorme.
Bref, même s’il a écrasé tout le monde, qu’il a été sans pitié, que les échappées à atteindre la ligne d’arrivée ont été presque aussi rares que les performances vaguement notables de Cofidis (en raison de la puissance des escouades au général qui les reprenaient presque invariablement), Pogačar est le héros qu’on voulait.
Qui d’autre aurait terminé son discours avec une blague concernant le nutritionniste de l’équipe, prétendument furieux que des spectateurs leur aient fourré des chips dans la bouche dans la montée? Cela, après avoir dit des fans qu’ils étaient les meilleurs…
N’enlevons rien à Vingegaard qui revient d’une blessure débilitante dans une forme inespérée. Mais il ne sera jamais ça : un héros inspirant, flamboyant, drôle, qui domine outrageusement et que l’on n’aime pas moins.
Un petit cannibale et une peluche en même temps.
Pour moi, la plus grande surprise vient de Remco Evenepoel qui s’en sort foutrement bien dans les circonstances. Beau boulot dans un terrain qui n’est pas le sien. Et tant pis s’il a été l’artisan de son propre malheur à l’avant-dernière étape : il aura au moins essayé.
Dans un sport où, pendant trop longtemps, tout le monde se préservait, faisait attention, muselait la course, on a enfin des surprises à presque toutes les étapes. Finies les processions, l’excès de contrôle, et s’il faut foutre les plans en l’air, on y va. Ça fait du bien quand même, de l’oxygène dans le sport.
De l’oxygène, juste au moment où on apprend que plusieurs coureurs utilisent le monoxyde de carbone pour améliorer leurs performances…
C’est une parenthèse que je fais ici sur le dopage pour qu’on définisse bien la chose : du dopage, c’est tricher. C’est utiliser une méthode clairement interdite pour améliorer ses performances. Après, est-ce que les équipes sont toujours à la fine pointe de ce qui peut les aider et qui n’est pas interdit? Sans doute, oui. Est-ce du dopage? C’est un comportement dopant, donc qui s’y apparente. Mais tant que c’est permis, c’est accepté. Est-ce bon pour la santé? Sûrement pas et je pourrais vous faire une liste assez effarante de choses que les sportifs professionnels font qui nuit à leur bien-être à moyen et long terme. C’est le prix qu’ils choisissent de payer pour une gloire momentanée, ou simplement un boulot. Fin de la parenthèse.
Revenons à nos personnages :
Remco en maillot blanc, donc. Impeccable. Superbe tout au long. Animateur. Toujours dans les shorts de Vingegaard qui s’est révélé imparable en second.
Girmay en vert. Splendide, pétri d’émotions. Un sprinteur de grande qualité qui termine ce tour historique pour sa nation avec un tour du chapeau. J’espère que l’équipe de Netflix suivait ça, plutôt que Philipsen. Ce dernier est devenu ce qui guette les sprinteurs lorsqu’ils gagnent : un con.
Parlant de sprinteur déplaisant. On a beaucoup célébré Cavendish. 36 victoires au Tour. C’est super. Le record de Merckx est finalement battu, même si tout le monde se retient de dire que cela n’a rien à voir. 36 sprints de groupe, même dans le groupe le plus relevé, ce n’est pas 35 victoires sur TOUS les terrains. Merckx remportait des victoires de haute montagne, de parcours accidenté, ou de sprint. Merckx était un héros sur tous les terrains. Cav est un très grand marchand de vitesse.
D’ailleurs, Pogačar a remporté 16 étapes jusqu’à maintenant. Le « Manx Missile » (Cavendish) peut commencer à faire des cauchemars. Lol.
Enfin, il y a eu Carapaz arborant les pois. L’Équatorien a mené un Tour splendide. Portant le maillot jaune une journée, remportant une étape, puis défendant son titre de meilleur grimpeur avec classe. Aux côtés d’un détestable Enric Mas dont les tactiques enragent tout le monde, le voir s’envoler et laisser l’insignifiant espagnol dans le col de la Couillole était proprement jouissif.
20/07/2024 – Tour de France 2024 – Étape 20 – Nice / Col de la Couillole (132,8 km) – MAS Enric (MOVISTAR TEAM), CARAPAZ Richard (EF EDUCATION – EASYPOST)
C’était sûrement le plus beau Tour de l’équipe de Jonathan Vaughters depuis son arrivée dans le grand cirque cycliste. Chapeau.
Alors voilà, c’est fini. Et malgré la domination de Pogi, malgré le peu d’échappées victorieuses, c’était un excellent Tour. Deux étapes de temps morts, c’est tout. Enfin un final qui a une signification au classement général (et pas exactement un petit contre-la-montre pépère non plus, puisque la descente était prodigieusement piègeuse… sur un vélo de TT). Enfin, des héros qu’on a tous envie d’aimer, qui sont de grands ambassadeurs de leur sport. Un podium cosmopolite, à l’image du cyclisme d’aujourd’hui.
On peut maintenant retourner à nos vies normales. Finir la saison 3 de The Bear. Rouler un peu plus longtemps. Contempler le reste de l’été et ses promesses. Profiter de la vie pour ceux et celles qui sacrifient de grands pans de la leur afin de nous offrir pareil spectacle.