J’aime les courriers à vélo. Ils représentent une sorte d’anomalie culturelle. Des punks au service de l’establishment. Des renégats de la route, qui évoluent en marge des règles et parfois même du bon sens, en même temps qu’ils livrent des colis ou des papiers à signer de toute urgence dans des tours où leurs clients jouent avec le monde comme des pions.
C’est comme si Donald Trump avait une Pussy Riot comme meilleure amie.
Eh ho ! Il faut bien gagner sa vie. Je ne connais pas grand monde, à part quelques très rares disciplines de Henri David Thoreau, qui parviennent à l’isolement et l’ascétisme nécessaire pour se dire véritablement libres du monde organisé. Les autres, dont je suis, vivons simplement notre dégoût du système à divers degrés d’hypocrisie, plus ou moins consciente.
Bref, j’aime les courriers, et pas malgré qu’ils se contrefichent des règles ; je les aime justement pour ça. J’ai du respect pour la bravade, pour la punkitude, pour cette manière de faire du vélo une identité qui n’a rien à voir avec le fric, et le beau linge, et les souliers neufs chaque année, et le carbone, et les casque MIPS, et les freins à disques. Anyway, souvent, ils n’ont même pas de freins sur leurs vélos.
Facilement identifiables, ils sont. Leurs vélos, des épaves, des tanks. Leurs habits, quelque part entre la fonction et le « fashion statement », selon le genre. Et on les repère à leur style trompe-la-mort, ne faisant qu’un avec leur monture, au milieu de la route. Ils s’insérent avec la maestria d’Evel Knievel dans le flux automobile. Ils jouent dans le trafic en prêtant au chaos qu’ils parviennent à lire d’avance, grâce leurs réflexes aiguisés comme ceux d’un chat, le respect qu’il mérite.
Tout ça pour dire qu’il y a deux films à voir sur Netflix Canada, en ce moment, si vous aimez bien cette culture. Surtout Line of sight, efficace documentaire qui nous place à l’intérieur de ces courses démentes que sont les alleycats. Des épreuves totalement illégales, excessivement risquées, dont ceux qui y participent ont compris qu’on ne goûte jamais autant la vie qu’en tutoyant la mort. Beaucoup de caméra sur casque (celui de Lucas Brunelle), sans mouvement de tête brusques : l’ensemble est admirablement filmé, étourdissant, effrayant. C’est génial (merci de ne pas m’écrire pour me dire qu’ils sont des dangers publics, je pense qu’ils le savent très bien, moi aussi, mais reste que s’ils attentent à des vies, c’est uniquement à la leur, toute respective soit-elle).
Enfin, autre film qui exploite le milieu, intitulé Alleycat, justement. Pour celui-là, made in England, il faudra passer par dessus l’anémie du scénario pour apprécier les scènes de vélo et la qualité de la recherche. Au delà du thriller fadasse, le réalisateur rend assez bien la culture de ce groupe (courses des morts, alleycats, vélos et vêtements, communautarisme), l’esprit de bande, de liberté et le désir vivre à 400 miles à l’heure dans cette tribu qui fait peur au monde.
Parce que la liberté est épeurante, c’est bien connu. Bons films.