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Le blogue de David Desjardins

Les frustrés du volant

30-09-2020

Conduire une auto rend-il idiot? Non. Mais ça aide. Voici pourquoi. 

Je revenais d’une sortie sans histoire. Juste un autre petit miracle, parce que j’étais parvenu à écarteler l’agenda obèse pour aller rouler deux heures.

Début septembre, les journées en haut de 20 degrés s’étaient faites rares. Avec du soleil, peu de vent. Je n’allais pas rater si belle ambiance.

Je suis revenu dans le trafic de la fin de l’après-midi. Comme tant d’autres l’ont découvert avec le télétravail forcé, la souplesse de l’horaire de travail vous permet de profiter des beaux moments de la journée. Et d’être si efficace, en évitant entre autres les déplacements en voiture, qu’on se retrouve avec du temps inespéré pour faire du sport.

Mais le trafic est bien revenu. Peut-être moins intense. Mais sur Charest, entre St-Sacrement et la Pente Douce, ça ne rigole pas. La limite de vitesse a beau être fixée à 50km/h, les trois voies de l’autoroute 40 qui s’y prolongent donnent l’impression aux automobilistes qu’ils sont les seuls à pouvoir emprunter la rue.

Je suis donc là, bien calé sur le bord de la route. Je file un bon 40, avec le vent de dos. Et voilà une camionnette familiale qui me frôle pour pouvoir dépasser un fardier par la droite. Et s’arrêter à la même lumière rouge que le camion et moi-même, 100 mètres plus loin. Je m’arrête, lui fais signe qu’il aurait pu faire attention. Comme ça m’est souvent arrivé, il me répond en mimant avec sa main de dégager. Ouste!

Bref, rien à faire, j’avais juste à ne pas être là.

N’ayant pas envie de m’engueuler avec un con pour la millième fois dans pareilles circonstances et parce qu’encore ravi par ma superbe sortie, je m’en vais et je rentre.

Mais pendant les quelques minutes qui suivent, je songe au rapport débile que nous entretenons avec notre prochain lorsque nous conduisons une auto. Disons-le : c’est révoltant.

L’agressivité et le mépris que nous cultivons pour les autres utilisateurs de la route, au volant d’un véhicule, me sidère.

(Je ne dis pas que les cyclistes sont des anges, mais il reste que leur attitude, mêmes lorsqu’elle est détestable, n’a comme plus grave conséquence de mettre l’individu lui-même en danger, ou d’entacher notre réputation commune. Elle ne risque pas de tuer quiconque.)

Je ne suis pas toujours mieux…

J’emploie la première personne du pluriel, parce que je ne suis pas toujours beaucoup mieux : il m’arrive de faire preuve d’une impatience imbécile et de vouer mes semblables aux gémonies pour leur comportement indolent, arrogant ou qui témoigne de leur incompétence. Et je ne conduis presque pas mon auto.

La voiture est un habitacle protégé. Nous nous y sentons en marge du monde, protégés des autres. Cela permet de s’y fouiller dans le nez comme si nos vitres étaient opaques ou d’envoyer chier son prochain comme s’il venait de nous voler nos enfants.

Le trafic y est pour beaucoup. Le temps qu’on y perd. La radio qu’on y écoute, s’abreuvant de mauvaises nouvelles ou de commentaires idiots.

Mais il y a autre chose. Le besoin de dire au monde sa frustration en se sentant à l’abri. Ventiler sans conséquence. Du moins pour soi.

L’auto est un réseau social. Une plateforme web. Ses utilisateurs sont des avatars, déshumanisés. Tant pis si on les écrase, ils n’avaient qu’à pas être là. Pas question d’avouer sa faute, de hausser les épaules avec contrition, comme je le fais lorsque je constate que je suis en tort. Dans l’habitacle comme dans le réseau social, on peut enfin être odieux comme d’autres le sont avec nous. Nous devenons intimidateurs.

C’est toute une idée de l’autre qui est ici traduite. Une idée de la société. Du vivre ensemble. Une perception de la différence.

Mais plus encore, il y a chez les « bullys » du volant l’idée démesurée qu’ils se font de leur importance. Ou alors, celle qu’il cherche ainsi acquérir, puisqu’au fond d’eux-mêmes, ils savent qu’ils ne sont que des pions. Et leur violence, leur incapacité à admette l’erreur, à saisir la gravité de leurs gestes, tout cela n’est rien d’autre que l’expression d’une extrême vulnérabilité. L’ennui, c’est leur stupidité, même passagère, la rend potentiellement meurtrière.

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