On a deux types de courses sur le circuit professionnel des hommes et des femmes, en ce moment. Les deux me captivent également pour des raisons différentes.
D’un côté, vous avez des personnages plus grands que nature. Des monstres. Des géants. Ils passent la gratte partout où ils s’inscrivent. Et même lorsqu’ils ne gagnent pas, ils sont là, dans « le mix » final, pour faire gagner un équipier.
Je pense évidemment, en disant cela, à Mathieu van der Poel qui, sur Milan-San Remo, a contribué à la victoire de Jasper Philipsen, une fois ses chances évaporées.
Se moquant du mauvais sort que l’on prête au port du maillot arc-en-ciel, le petit-fils de Raymond Poulidor ne cesse de racheter la tragédie d’éternel second de son aïeul, perdant magnifique. Gagnant sur E3, le Tour des Flandres (pour une troisième fois) et Paris-Roubaix (pour une deuxième année consécutive), il compte maintenant 6 monuments à son nom. Ses victoires sont presque toujours impériales. Des envolées spectaculaires, fabuleuses. Des tours de force au sens premier du terme : il semble que personne ne puisse le suivre ou presque.
Tadej Pogačar mène une campagne semblable et vient d’égaler les 6 monuments de MvdP en remportant La Doyenne. Ses échappées au long cours du Tour de Catalogne lui ont offert la victoire du général. Il s’est même permis un triomphe au sprint lors de l’ultime jour de course à Barcelone. Même chose à Strade Bianche, à Liège-Bastogne-Liège, où il s’évade exactement là où il l’a annoncé, où là où on l’attend. Si loin que cela ne couvre pas ses adversaires de ridicule. C’est lui qui est trop fort pour la ligue.
Tel Babe Ruth pointant les estrades pour annoncer son coup de circuit, il peut déclarer d’où il attaquera et personne n’arrive à le suivre. Comme pour van der Poel, il part de loin, et s’attaque ensuite à creuser son écart, le maintenir, terrassant ses adversaires.
Même si la course manque de surprises, elle n’est pas moins émouvante. On a le sentiment de voir des géants édifier des monuments à leur propre gloire en direct.
Chez les femmes, c’est une tout autre histoire.
La domination des SD Worx s’étiole et son trio Lotte Kopecky-Demi Vollering-Lorena Wiebes est désormais faillible.
Elisa Longo Borghini, Katarzyna Niewiadoma, Marianne Vos, Elisa Balsamo et Grace Brown sont venues les coiffer au poteau presque partout. Sauf sur Strade Bianche, où Kopecky a largement dominé.
Les finales de ces courses sont presque toujours enlevantes, contrairement à celles des hommes qui s’écrivent à plusieurs dizaines de kilomètres de l’arrivée. La poursuite désespérée de Niewiadoma vers Sienne (Strade) était épatante. La victoire « volée » par la ténacité de Vos (et l’étourderie de Wiebes) absolument savoureuse. L’envolée de Niewiadoma sur le Mur de Huy (Flèche Wallonne) m’a fait crier de joie (enfin!!!!). La manière avec laquelle Brown a chapardé la victoire à Liège après avoir évité de peu la catastrophe dans les derniers kilomètres et passé une bonne partie de la journée dans l’échappée était rien de moins qu’époustouflante. À chaque course, on dirait que l’une des coureuses sort un lapin de son chapeau. Tadam. Magie. Les pronostics sont anéantis.
On a deux spectacles bien différents et qui me ravissent en cette fin de période des classiques. Des légendes s’écrivent. Des dominations s’effritent. Ces histoires font toutes rêver et me rivent à mon écran. Pas vous?