Monsieur ou madame du cahier des sports,
Je comprends bien que, généralement, le cyclisme n’intéresse pas beaucoup mon quotidien local. Ce sport ne fait pas partie de notre culture, j’en conviens. On pourrait aussi arguer que c’est un peu votre faute, parce qu’évidemment, il faut un peu d’aide pour qu’un sport existe dans l’esprit de la population. Par là, j’entends une présence médiatique.
Mais ce n’est pas le sujet.
Entendons-nous donc : le vélo ne vous intéresse pas beaucoup. Peut-être d’ailleurs que ce sport vous ennuie. Peut-être que vous n’y comprenez pas grand-chose non plus.
C’est pas grave. Pas vraiment.
Ce qui l’est, c’est votre couverture du dernier Paris-Roubaix. Ou enfin, ce que vous en avez retenu : la mort tragique de Michael Goolaerts sur les pavés.
Avant la course? Pas un mot. À propos des autres classiques, auxquelles participaient d’ailleurs quelques Québécois (si jamais vous vous cherchiez un sujet ayant un certain potentiel d’attraction auprès du lectorat local)? Pas une ligne.
Il a fallu qu’un cycliste meure sur la route pour que vous publiiez un papier. D’une page complète. Avec photo. Sans presque rien sur la course elle-même.
Je n’ai qu’une question à vous poser à ce sujet : pourquoi, sinon par pur goût de verser dans le sensasionnalisme?
S’il s’agit d’un sport qui n’intéresse pas votre lectorat et si, visiblement, vous vous en fichez comme de l’an 40, vous auriez pu avoir au moins la décence de poursuivre sur la même voie et passer votre tour. À la limite, si la victime avait été un rouleur célèbre, j’aurais compris votre intérêt soudain. Mais même pas. Goolaerts était presque anonyme dans le peloton. Membre d’une équipe qui n’aurait pas été au départ de Paris-Roubaix si ce n’avait été de la présence de Wout Van Aert, champion du monde de cyclocross dont vous ignorez sans doute l’existence aussi.
Mais non, un drame est survenu, et tout de suite, vous avez reniflé l’odeur du sang. Vous avez présumé que la nouvelle valait une pleine page dans votre cahier des sports alors que la présence d’athlètes professionnels d’ici dans la plus difficile des courses printanières ne valait pas une ligne.
C’est votre choix. Je le comprends. Mais il m’indigne. Vous considérez peut-être qu’il s’agit d’information pertinente. Je considère que, dans les circonstances, et puisque le sujet du cyclisme vous indiffère autrement, vous avez bien prestement franchi la ligne qui sépare le journalisme du racolage.
Bien à vous,
Un lecteur dégoûté