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Le blogue de David Desjardins

Mon Opi-Omi

14-07-2021

Tour de France 2021 – Etape 9 – Cluses / Tignes (144,9 km) – Wout Poel (BAHRAIN – VICTORIOUS). Crédit: Pauline Ballet pour ASO

Pendant l’été, les cyclistes qui roulent le moins sont ceux qui travaillent dans les boutiques de vélo. Trop occupés qu’ils sont par leur boulot. Pendant le Tour, vous pouvez ajouter au lot les journalistes et chroniqueurs qui le couvrent.

Je regarderais probablement toutes les étapes avec un peu moins d’attention, si ce n’était de mon travail avec le balado de Radio Bidon. Peut-être ferais-je comme autrefois, écoutant d’une oreille ce qui se trame en travaillant, donc en temps réel, pour mieux remettre l’image lorsque la course prend vie.

Parce que c’est long et souvent très lent, le vélo. Et puis ça prend un temps fou dans un été déjà court. Sans parler de tout ce qui se dit et s’écrit autour. Son début a été marqué par la chute qu’a provoqué cette femme brandissant une pancarte sur laquelle elle avait écrit Allez Opi-Omi. Pour la caméra, pas pour les coureurs. Elle avait mis tout le monde en danger pour son petit plaisir. Juste ce genre de connerie finit par prendre des proportions monstrueuses et un temps fou. J’ai du lire 1000 statuts de réseaux sociaux et 25 articles sur ceci seulement.

Avec l’avènement des plateformes de diffusion continue et la possibilité de voir la course le soir, en différé, ou à un autre moment de la journée, on aurait pu croire que cela libèrerait du temps pour rouler. Même pas. En fait, je travaille comme jamais dans ma vie. Donc je regarde le Tour le soir, si possible après m’être imposé une éclipse médiatique me permettant de profiter de la surprise. L’échappée se rendra-t-elle au bout (d’autant que ça se produit souvent cette année)? Quelqu’un pourra-t-il mettre le meneur à mal?

Le mieux, c’est encore les étapes de plat. Je les consomme comme de la porno : sur l’avance rapide. Je ralentis pour les moments forts et regarde les derniers kilomètres d’excitation qui précèdent l’orgasme. Le sprint, s’entend.

Tout ça pour dire que lundi, c’était le second jour de repos. Mais pas pour moi. À une semaine des vacances, j’avais aligné une journée d’enfer. Je me sentais lessivé, fini. Sans la moindre envie d’aller rouler, même.

J’ai fait le souper. Nous avons mangé dans la cour en parlant peu, rendus hagards par la fatigue. Les feuilles des érables de l’autre côté de la rue se détachaient dans le ciel azuré. Une image d’été dont je ne me lasse jamais et qui me rend plus léger lorsque je m’y attarde. Mon humeur a basculé. J’ai fait la vaisselle et je suis parti rouler. Rien de fou. Rien de glorieux. 35 petites bornes bien tassées, sur la piste cyclable. Aller-retour à l’Ange Gardien.

Les ombres devenaient de plus en plus obliques. Le vent chaud me poussait sur le retour. Les rayons qui traversaient le cap en se frayant un chemin dans ses déclivités inondaient mon visage et la verdure de rayons dorés. Des enfants jouaient au soccer. Il y avait des cyclistes et des coureurs partout.

La fin de journée était parfaite et je me félicitais d’être sorti plutôt que de m’être effondré dans le divan quand un étrange engin électrique surélevé, sur deux roues, a failli me percuter en sortant d’un tunnel, sur la piste, à au moins 50km/h. Un idiot, avec une gueule d’ahuri, fonçant comme un dément dans un virage, mettant tout le monde en danger pour son petit plaisir.

En une seconde, mes sentiments favorables s’étaient évanouis. Pendant quelques belles et longues minutes, j’avais célébré la vie. Et là, j’avais seulement envie de virer bord et sprinter pour péter la gueule à ce con que j’ai tout de suite baptisé Opi-Omi.

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