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Le blogue de David Desjardins

Nous ne sommes plus des cowboys

29-11-2021

No man is an island, a écrit John Dunne. La métaphore géographique exprime ceci: que nous ne le voulions ou pas, nous sommes tous liés, d’une manière ou l’autre.

C’est encore plus vrai pour les cyclistes.

J’ai longtemps prétendu le contraire. Que nous n’étions pas « une communauté ». Parce que trop disparates.

En effet, qu’ai-je en commun avec la fille qui roule à contresens dans Limoilou, les mains chargées d’immenses sacs remplis de canettes vides, ou l’esthète en skinnies sur son fixie, ou la madame en vélo hybride qui avance assez lentement pour cueillir des fleurs au bord de la piste cyclable, ou les dizaines de rouleurs qui me ressemblent physiquement, dans leur pratique, mais qui sont si idiots que si ce n’était du vélo, jamais je ne les considèrerais comme faisant partie de « ma gang »?

À part le vélo, rien.

Sauf que… c’est parfois dans le regard des autres que se forme la communauté.

Ensemble, pour le meilleur et le pire

Jamais vous n’entendrez, de la part d’un automobiliste : « maudite cycliste du dimanche qui visiblement ne sait pas piloter son vélo », ou « maudit bum sur son bicycle même plus de freins qui visiblement n’a pas toute sa tête et roule à contresens dans un trafic à couper au couteau ».

Pour ses détracteurs : un cycliste est un cycliste.

C’est ainsi que nous devons aussi le penser. Je veux dire que c’est là que nous sommes faibles, mais aussi les plus forts.

Il faut repenser notre interprétation trop libérale du code routier : chaque fois que nous commettons un impair, tous les cyclistes en paient le prix. Chaque fois que nous faisons preuve de politesse, de courtoisie, tous les cyclistes en bénéficient.

Nous ne sommes pas seuls. Chaque geste compte. C’est encore plus vrai alors que notre nombre croît.

Je me souviens : c’était autrefois la guerre sur la route. Une poignée de cyclistes contre une armée d’automobilistes. Le far west. C’est le temps où nous étions des cowboys et quelques cowgirls.

Comme le port de la botte Boulet n’est plus réservé depuis longtemps à celles et ceux qui rassemblent le bétail dans la plaine, celui du casque protecteur n’est plus exclusif aux quelques excités de la pédale que nous fûmes.

La démocratisation du vélo en objet de transport, de loisirs, de sport opère un changement dans le rapport de force. Pas du point de vue physique : suffit d’un VUS pour nous décimer en entier. Le rapport est idéologique. Il est politique. Et il est de plus en plus en notre faveur.

Maintenant, outre par la force du nombre qui impose notre présence et la normalise, la qualité du vivre ensemble nous appartient aussi. La communauté cycliste existe. Elle partage une même vulnérabilité. Un point de vue sur le monde. À la violence potentielle de l’acier en mouvement, des conducteurs distraits, des intolérants, elle doit répondre d’une même voix pour se faire entendre dans le vrombissement des moteurs.

Chaque geste que nous posons est une de ces paroles. Ce n’est pas une injonction pour agir parfaitement. Seulement pour prendre en compte cette idée que le comportement outrageux d’un.e seul.e cycliste nous stigmatise toutes et tous, nous nuit, et contribue à la polarisation des opinions entourant le partage de la route.

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