La ministre des transports prépare une solide stratégie nationale en matière de sécurité routière. Bonne affaire. D’autant que, n’y connaissant pas grand-chose (entre ce qui constitue de la poudre aux yeux et une véritable volonté de modifier les habitudes des usagers de la route), je me fie aux commentaires d’experts qui se sont prononcés sur la question.
Même les plus critiques oscillent entre le contentement et le ravissement.
Puisque la chose se met en branle, j’en profite pour faire deux petites suggestions à Geneviève Guilbault et son équipe marketing. Deux messages à passer aux automobilistes, à l’égard des usagers plus vulnérables de la route, dont je suis parfois.
Un petit récit éclairant
Tenez, j’appuie la chose d’une anecdote. Mais comme ce genre de scénario se produit au moins une fois par semaine de ma vie cycliste, quand ce n’est pas deux ou trois, ça commence à ressembler à une statistique.
Bref, nous sommes mardi. Il fait beau. C’est le jour de la rentrée. Il est 15h. Je vais porter un camion prêté pour déménager quelques trucs. Je range le véhicule sur Frank Carrel, limite Sainte-Foy/Québec des anciennes frontières municipales pré-fusions. J’en sors préalablement mon vélo. Direction, St-Ferréol, à l’Est du Mont-Sainte-Anne, pour aller terminer le ménage de chantier de notre nouvelle maison avec ma blonde.
Notez : je fais tout bien toutes mes lumières en ville. Ça n’empêche pas les camions et quelques autos de me frôler, y compris deux petits autobus de transport adapté dont les conducteurs, craignant peut-être de manquer de boulot, cherchent, dirait-on, à se faire de la nouvelle clientèle.
J’arrive au coin de Canardière et la 18e, je suis les lumières le trafic, et là, sans crier gare, la passagère d’un petit VUS Honda me hurle dessus. Je ne saisis pas et ralentis. Peut-être suis-je en train de perdre un truc qui serait sur le point de tomber de mon sac?
Eh non. Pas de sollicitude au rendez-vous. « Qu’est-ce tu crisses dans le chemin, maudit cave, y’a une pisssssssss cyclable pas loin ».
Je pogne pas les nerfs, je souris. Je réponds avec une politesse cauteleuse à la dame dont l’âge, résolument vénérable, commanderait normalement un peu plus de sagesse : « Mais madame, les cyclistes ont le droit de rouler sur la route aussi ».
« Va donc chier, crisse de jeune cave innocent », argumente-t-elle brillamment, appuyant son point de vue tranché d’un beau doigt d’honneur.
Je me dis qu’ils doivent être pressés, elle et son mari. Ils tournent au Maxi devant moi. Avec le prix de l’épicerie ces jours-ci, c’est vrai que les aubaines ne peuvent pas attendre. Et elle m’a dit que j’étais jeune. Yé.
Deux messages à faire passer aux misérables
Il y a, selon moi, en ce moment, deux importants messages à faire entrer dans la tête des automobilistes. Le premier : les cyclistes ont le droit de rouler dans la rue. Point final. La piste cyclable peut-être juste à côté, peu importe. Il y a plein d’endroits où les pistes sont si dangereuses que la route l’est bien moins.
Cessons avec les petits messages qui disent les autos et les vélos s’aiment de loin. Mettons ça au clair une fois pour toute : les vélos peuvent roulent dans la rue. Fuck les farandoles, les vélos et les autos qui s’enlacent et dansent un beau grand slow. On s’en fout s’ils s’haïssent. Il faut seulement que les automobilistes comprennent que leurs récriminations n’ont aucune base légale. Point final.
L’autre truc : vous n’êtes pas le shérif honoraire de la route sur laquelle vous roulez en auto. Je ne compte plus les gestes dangereux, les propos hargneux, les doigts d’honneur en raison d’un conflit avec des autos.
Sérieusement, c’est capoté. Et souvent très épeurant quand les conducteurs.trices font des queues de poisson, bloquent la voie, etc.
Soyons clairs là aussi. Est-ce qu’un cycliste, selon la loi, devrait s’arrêter complètement à un arrêt (stop). Oui. (Même si, de l’avis de nombreux experts en sécurité routière, ça ne devrait pas être aussi clair que ça, mais bon, techniquement, la réponse demeure oui). Même chose pour les lumières rouges. Et tout le tremblement. Très bien, on s’entend sur la base.
Mais depuis quand a-t-on le droit de harceler les gens qui ne respectent pas scrupuleusement le code? Voyez-vous beaucoup de gens poursuivre les voitures qui excèdent la limite de vitesse ou font un « stop à l’américaine »?
Non. Ce sont toujours les plus vulnérables qui font l’objet de ce genre de harcèlement.
C’est pas parce que t’es à l’abri dans ton char que t’as le droit d’agir en bully. T’es pas la police.
Ça aussi, j’aimerais entendre ça. Pas qu’il faut s’aimer. Partager la route. Ça marche pas. Il est temps de remettre à leur place les gros débiles frustrés, et qu’à moins que le geste dont ils sont témoins soit d’une extrême dangerosité, qu’ils se la ferment, se rendent gentiment au Maxi et fassent leurs petites emplettes avant d’aller pleurer sur leurs existences qui sont, c’est à craindre, extraordinairement misérables.