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Le blogue de David Desjardins

Pistes cyclables, cellulaire et gestion de la colère

26-08-2016

On ne pourra qu’applaudir si les autorités décident de sévir plus encore contre l’utilisation du téléphone portable au volant. J’ignore si cela veut dire qu’il faille en criminaliser l’usage, ou comme le suggère Brigitte Breton dans Le Soleil, commencer par imposer des amendes bien plus dissuasives. (100$, c’est quoi ? Un peu plus que ce qu’en coûtent les frais mensuels moyens pour un téléphone intelligent ?)

Mais chose certaine, cette distraction est un véritable fléau qu’il faut éradiquer. Parce qu’il met la sécurité de tous les usagers de la route en péril. À commencer par les plus vulnérables : cyclistes et piétons.

Ceci dit, faudra aussi sévir contre ceux qui font pareil à vélo, sur leur skate, en patins ou même qui traversent la rue à pied, les yeux rivés à leur écran. Il y a des limites à chercher le trouble.

Tout cela pour revenir en partie sur mon texte le plus récent, qui a suscité les réactions escomptées. Les cyclistes qui utilisent la route étaient contents. Ceux qui s’en tiennent aux pistes cyclables, ça dépend. Les automobilistes ont crié au gros mépris sale.

J’avais pourtant tenté d’être nuancé. Un peu. Mais c’est difficile devant la connerie, parfois, de demeurer mesuré. Et puis il est aussi remarquablement amusant de constater comment les gens sont prêts à éluder les faits au profit du fameux gros bon sens que j’évoquais.
 

La responsabilité

Est-il particulièrement brillant de rouler à trois de large dans un virage à l’aveugle ? Non. Va pour le gros bon sens. Mais l’automobiliste a la responsabilité de gérer sa vitesse en fonction des imprévus sur la route.

C’est un peu comme en ski : celui qui est en haut, qui va plus vite, doit s’assurer de ne pas compromettre la sécurité de ceux qui sont en bas. Parfois malgré ceux qui font du chasse-neige tout croche dans une piste d’experts ou qui sont affalés dans un angle mort, chillant derrière un cap (bonjour amis planchistes !) pour mieux surprendre le skieur qui arrive à plein régime.

Dans le doute, la manœuvre est assez simple : on lâche l’accélérateur et/ou on freine. Ça m’est arrivé quelques fois dans les Cantons-de-l’Est pendant mes vacances. Un cycliste, un point sans visibilité au devant de la route. J’ai roulé à 25 km/h derrière les cyclistes en attendant de pouvoir dépasser de manière sécuritaire. Au total, je calcule avoir perdu environ 30 à 45 secondes de ma vie pendant ces quelques épisodes. Vous y repenserez la prochaine fois que vous faites défiler les nouvelles de vos amis sur Facebook pour vous apercevoir, avec effarement, que vous venez d’y engloutir 20 minutes sans même vous en rendre compte.

Ça ne veut pas dire qu'on ne devrait pas éduquer les cyclistes et leur rappeler qu'il faut faire preuve de plus de prudence. Ça signifie seulement que, dans le doute, tu ralentis. Comme en hiver sur la glace. Comme dans une zone scolaire. Comme dans une rue passante. C'est pas plus compliqué.
 

La colère et les degrés de séparation

Ce qui nous amène à la gestion de la colère des automobilistes sur les routes. En commençant par une observation : sérieusement, ça s’améliore chaque année.

J’ai deux théories pas du tout scientifiques pour l’expliquer. D’abord, celle des degrés de séparation : maintenant, presque tout le monde connaît un cycliste. Et la haine de l’Autre opérant presque toujours de la même manière, le raciste le sera moins au contacts de Noirs, d’Arabes, d’Indiens ou autres qu’il apprend à connaître. De même, on songera à son ami, son beau-frère, sa cousine qui roule au moment de dépasser un « estie de cycliste ».

Mon autre théorie, c’est celle de la masse critique : à un certain moment, une réalité qui n’est plus qu’anecdotique, mais permanente, force l’adaptation. On ne peut pas passer sa vie à pester contre les vélos lorsqu’ils sont toujours là. Ça devient un peu ridicule.

Mais maintenant qu’on a dit ça, on peut très bien comprendre la colère générale des automobilistes sur les routes.

L’étalement urbain est un fait. La croissance stratosphérique du parc automobile aussi. Dans la plupart des villes, même de moyenne taille, le trafic est un problème qui gruge lentement mais sûrement la patience des automobilistes*. Les fois où j’y suis confronté, je me surprends à faire des manœuvres parfois discutables pour sauver une ou deux minutes. Le trafic rend un peu dingue.

Donc les quelques secondes de retard supplémentaire infligées par la présence d’un cycliste s’ajoutent à tout le reste. C’est la cerise sur un sundae de stress routier qui dégouline du sirop des petites angoisses quotidiennes.

Sauf que ça n’excuse rien. Et surtout pas des gestes dangereux, comme celui de ce chauffeur de taxi, à Toronto, qui a décidé de se faire justice.

Vous n’êtes pas les shérifs de la route.

Un type en vélo n’a pas fait son arrêt? Ok. Mais vous lui ferez la morale quand vous vous mettrez aussi à rouler à pleine vitesse pour rattraper le twit en Tiburon repeinte au rouleau qui brûle les rouges-jaunes-oranges-foncées pour lui dire tout le mal que vous pensez de sa conduite, d’accord?

Mais on sait tous que ça n’arrivera pas, n'est-ce pas?

L’autobus et les pistes cyclables

Maintenant, est-ce que ça veut dire qu’on devrait rouler partout, tout le temps, peu importe les conditions ?

Disons que l’intelligence vient en option chez certains utilisateurs de la route, peu importe leur véhicule. Mais comme nous vivons dans une société civilisée, dont l’objectif est de protéger les plus vulnérables, parfois contre eux-mêmes, cela commande plus de vigilance.

Il arrive aussi que le cycliste se retrouve un peu malgré lui dans une situation risquée. Des travaux inattendus sur sa route ou un chemin dont l’accotement disparaît le contraignent à rouler un peu trop près des voitures. Dites-vous que cela ne lui plait pas nécessairement plus que vous, chez amis motoristes.

Mais la liberté de prendre la route que l’on veut, le parcours qui nous fait envie, c’est aussi le bonheur de rouler. Et puis c’est un droit : la route appartient à tout le monde.

À un automobiliste qui lui criait d’aller prendre la piste cyclable, Sébastien, avec qui je roule parfois, a répondu l’autre jour: et toi, pourquoi tu prends pas l’autobus ?

Après tout, c’est un service largement subventionné, qui dispose de voies réservées sur la route. Mais il ne permet pas d’aller partout, quand on veut, comme on veut. On doit l'attendre, y côtoyer des utilisateurs qui nous tapent sur les nerfs, qui écoutent de la musique trop fort, qui n’ont peut-être pas la même rigueur hygiénique que nous.

Alors on choisit l’auto. Parce qu’on peut. Parce que c’est moins contraignant. Plus pratique. Plus agréable, quand les routes ne sont pas congestionnées.

C’est une excellente figure de style pour exposer les raisons qui nous amènent sur la route à vélo.

*Euh, Granby, WTF? Cela fait quelques fois que je me frotte aux bouchons dans cette petite ville, donc encore une fois cet, sur une artère commerciale à plusieurs voies, en soirée… Ce qui témoigne bien d'un problème qui n'est plus seulement celui des grandes métropoles.
 

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